Webinaire printemps 2021. Cycle de conférences.
Premier volet : LA METROPOLE ROUENNAISE
Conférence inaugurale de notre séminaire “L’Europe, le long de la Seine” du mardi 11 mai 2021.
Compte rendu rédigé par Alain Ropers, membre du Bureau du ME 76. (vidéo en pièce attachée)
Pourquoi les friches industrielles ?
Dans son propos d’accueil, Philippe Thillay, président du Mouvement Européen de Seine Maritime, montre que l’Europe, au-delà de ses institutions, de ses directives et de ses financements, c’est aussi un projet, des citoyens, des territoires, une communauté de destins. Aujourd’hui, l’Europe est sujette à de profondes mutations, ses territoires doivent se réinventer, comme ces friches industrielles, témoins d’un passé florissant, et que l’on doit maintenant se ré-approprier. Un rebond est indispensable.
Invités :
Christine de Cintré, Vice-Présidente de la métropole Rouen Normandie
Thomas Malgras, Chef de projet de l’association Rouen Capitale Européenne de la Culture 2028
Gilles Gal, Directeur Général de l’Établissement Public Foncier de Normandie
Présentation du séminaire de printemps
Notre séminaire de printemps, en partenariat avec la Maison de l’Europe, basée au Havre, portera sur cinq conférences, s’appuyant sur les expériences de Rouen, du Havre, de leurs villes jumelées en Allemagne Hanovre et Magdebourg, mais aussi de Hambourg et de Lille, capitale européenne de la culture en 2004.
Pour terminer ce cycle mettant en évidence les liens étroits entre culture et rayonnement économique des territoires, nous inviterons Nicolas Mayer Rossignol, et Edouard Philippe à donner leurs visions sur le développement de l’axe Seine qui relie les deux plus importantes métropoles de notre département.
Il rappelle que toutes ces initiatives sont aussi relayées sur les réseaux sociaux, Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn et sur la chaîne YouTube du ME76.
Vous pouvez accéder à la vidéo de la conférence sur: https://bit.ly/ME76-Friches-Metro-Rouen
Première partie :
LE REBOND DES FRICHES, UN ATOUT POUR LA CANDIDATURE
ROUEN CAPITALE EUROPEENNE DE LA CUTURE 2028
Christine de Cintré, vice-présidente de la métropole Rouen Normandie, remercie au nom de la métropole et au nom de l’association Rouen capitale européenne de la culture 2028 (Rouen CEC 2028), et précise que cette rencontre autour du rebond des friches industrielles entre tout à fait en résonnance avec l’âme des capitales européennes de la culture.
En effet, depuis Glasgow CEC 1990, le label est plutôt attribué à des villes résilientes qui ont su tirer parti de leurs faiblesses pour rebondir et se renouveler. C’est ce qu’on fait Lille en 2004 et Marseille en 2013.
L’association a choisi justement comme squelette de son dossier de candidature, l’axe Seine de Giverny au Havre. Ce dossier de candidature devra exprimer ce dont nous rêvons pour l’avenir de ce territoire. Il détaillera notamment toute la place que les friches industrielles, situées principalement le long de la seine, prendra dans ce développement.
L’avancement du dossier de candidature. Où en sommes-nous ?
Thomas Malgras, Chef de projet de l’association Rouen Capitale Européenne de la Culture 2028 commence par indiquer qu’il s’agit de Rouen au sens large, puisque le projet est mené en association avec la métropole Rouen Normandie, la région, les départements de la Seine maritime et de l’Eure, qui sont les six membres fondateurs.
La première phase, commencée il y a deux ans, en 2019, a été prolongée en raison de la situation sanitaire et du report des élections municipales. C’est une phase de préfiguration, de dialogue, de rencontre avec tous les acteurs, pas uniquement les acteurs culturels. Le Mouvement Européen de Seine maritime est associé à cette réflexion.
La deuxième phase qui s’est terminée fin 2020, consistait en un travail sur la connaissance du territoire.
Un “Big book”
A présent, nous sommes à la phase d’écriture du projet, du « big book » comme nous nous plaisons à le dire, une centaine de pages que nous devrons rendre dans un an.
Puis le jury étudiera les dossiers, pré-sélectionnera quelques dossiers, proposera des oraux avec des grands jurys, etc. Le choix est prévu pour fin 2023. Si nous sommes retenus, nous aurons alors 4 ans pour nous préparer, non plus en dossiers, mais en réalisations diverses.
Une ville française sera retenue. Il y a beaucoup de candidats : Bourges, Clermont Ferrand, Reims, Lens, Saint Denis, Banlieue 2028, Nice. Aussi, nous voulons construire une candidature singulière et originale, en liaison avec les professionnels et les habitants. Ce ne sera pas facile, car l’exercice est relativement formel, étant donné que le dossier devra respecter un cadre et des rubriques imposés.
Les faiblesses du territoire, un atout pour gagner ?
Le jury a montré qu’il est très sensible à la justesse et à la précision du diagnostic partagé sur les faiblesses et les atouts des villes concurrentes, et a tendance à vouloir encourager les territoires pour qu’ils transforment leurs faiblesses en atouts potentiels.
Ainsi, Bordeaux et Toulouse et Rouen avaient monté un dossier destiné à valoriser leurs réussites, alors que Marseille a pris le contrepied en montrant ses faiblesses et en expliquant comment sa nomination était susceptible de les transcender.
A Rouen, l’accident de Lubrizol peut être présenté comme un atout, compte tenu de toutes les leçons à en tirer. Nos friches le long de la Seine, sont un potentiel fabuleux, unique, et cohérent. Il y a deux types de friches.
Un patrimoine industriel datant du 19e siècle
Le patrimoine industriel des années 1850 – 1920 comprenait de grands espaces en poteaux poutres en acier, des plateaux libres, pensés à l’époque comme des espaces modulables. C’est le cas de Blin et Blin, des docks du Havre, des hangars des quais de Rouen, etc. Ces espaces sont réutilisables, avec les transformations qui s’imposent.
ou lié aux activités industrielles des années 50
Un patrimoine plus récent, à partir des années 50, et lié au pétrole est beaucoup plus difficile à réinvestir et à réutiliser, même s’il véhicule une mémoire ouvrière et sociale.
De plus, il y a aussi des espaces industriels comme la Chapelle Darblay, qui pourraient devenir des friches, si on ne transforme pas rapidement leurs faiblesses en force, par exemple en faisant du carton, ou en fabriquant de l’hydrogène ou en en faisant une plateforme logistique.
Par ailleurs, certaines friches sont une sorte de trame noire qui provoquent une discontinuité de la trame verte et de la trame bleue. Leur aménagement pourrait rompre cette discontinuité pour les vélos ou les GR, et la mobilité douce le long de la Seine.
La Seine, un axe structurant
Cette carte représente le territoire du projet de la candidature. Notez que le nord n’est pas en haut, que Rouen est au centre, que les axes structurants ne sont pas routiers mais des lieux de mobilité douce qui relient les points importants du patrimoine touristique, industriel, culturel. C’est la métaphore d’un bateau qui parcourrait la seine. On y trouve des quais d’embarquement, des ports d’attache.
C’est une alternance d’industries, de forêts, de plaines agricoles, d’abbayes, de châteaux, d’installations portuaires, de témoins du moyen-âge comme le Château de Robert le diable, etc. Avoir des angles d’approches inhabituels c’est aussi dessiner un territoire de projet 100% accessibles autrement qu’en voiture.
Dans ce schéma, les friches, et leur mise en valeur prennent toute leur place. Chemetov disait que le plus beau geste d’architecture c’est la réhabilitation.
Bien sûr, elles n’ont pas toutes vocation à incarner le projet Rouen CEC 2028, et tous les projets qui incarneront le projet ne seront pas des friches.
Questions réponses
Charles Maréchal, secrétaire Général du ME76 indique que ces friches sont porteuses d’avenir, comme le projet de fabrication d’hydrogène à Port Jérôme, l’usine Levavasseur le long de l’Andelle, magnifique cathédrale gothique industrielle, etc.
Philippe Thillay demande si le projet inclut le canal nord reliant la Seine à l’Escaut et au Rhin, transformant ainsi l’estuaire en delta.
Selon Thomas Malgras ça dépend si les collectivités qui portent ce projet ont envie de l’intégrer. Notre projet accompagne une logique, il ne s’agit pas de s’occuper de tout.
Charles Maréchal évoque les créations d’emplois liées au potentiel de ces friches.
Thomas Malgras rappelle que la transition énergétique s’impose à tous maintenant, et que tous les projets ont vocation à y participer activement, que ce soit des réimplantations industrielles, des lieux d’insertion et d’économie sociale et solidaire, des lieux culturels, etc.
Deuxième partie :
LE REBOND DES FRICHES, COMMENT FAIRE ?
Gilles Gal, Directeur Général de l’Établissement Public Foncier de Normandie (EPF Normandie), précise le rôle de l’EPF Normandie dans le processus de réhabilitation des friches industrielles ou autres : il s’agit d’acquérir et de transformer le foncier pour préparer un aménagement futur.
A l’origine, l’EPF Normandie a été mis en place pour accompagner l’arrivée d’une ville nouvelle en Normandie. Depuis un demi-siècle, l’EPF Normandie dispose de stocks fonciers très importants. Ce sont souvent des travaux réalisés en maitrise d’ouvrage, et cofinancés à travers une taxe additionnelle.
Le conseil d’administration est constitué principalement de collectivités territoriales et de l’État. Son président est actuellement Sébastien Lecornu représentant du département de l’Eure. Les effectifs sont de 75 salariés, et le DG est nommé par le ministre en charge de l’urbanisme. Pour ce qui concerne Gilles GAL, il commence son deuxième bail de 5 ans.
L’EPF Normandie est l’opérateur régional
L’EPF Normandie est devenu l’opérateur régional des friches industrielles, des friches d’activités, des friches de logements. Il s’est impliqué de près ou de loin dans quasiment tous les projets présentés ou réalisés. Quelques exemples :
Blin et Blin, une des premières réalisations sur un espace de friches élargi.
L’auberge de jeunesse de Rouen sur les friches de l’ancienne teinturerie
La caserne Taillandier qui est devenue la Foudre
L’usine Fromage (bretelles et jarretières) devenue l’école d’architecture
L’hôtel de région à Caen
La dépollution des sols au parc Gaillard à Saint Nicolas d’Aliermont
Le quartier Flaubert, le quartier de la Luciline, à Rouen et le hangar zéro, au Havre etc.
Les friches et le développement durable
Selon Gilles Gal, le fait même de transformer une friche, c’est par essence du développement durable.
Une friche, c’est un bien immobilier, bâti ou non, non inutilisé, et dont l’état ne permet pas la réutilisation sans une intervention préalable.
Ce sont la plupart du temps des sols artificialisés et pollués. Leur transformation, leur dépollution, vont dans le sens du développement durable.
Souvent, ils se trouvaient à l’écart des agglomérations, mais avec le développement de l’urbanisation, ils se retrouvent maintenant au cœur des villes. On peut y créer des lieux évitant de multiplier les déplacements.
L’utilisation des friches est aussi un moyen de stabiliser l’extension foncière de l’urbanisation, évitant de supprimer de nouvelles surfaces agricoles ou naturelles. De plus, elles participent ainsi à la redistribution spatiale des espaces construits.
De plus, la réutilisation des matériaux de démolition évite d’en consommer de nouveaux. Le sable étant une ressource qui se raréfie, on peut le remplacer par du béton pulvérisé.
A voir en annexe en bas de page
Quelques photos, en Annexe montrent la diversité des résultats de réhabilitation de friches :
Réhabilitation de la grande halle SMN : création d’un tiers lieu à vocation culturelle et économique.
CINRAM : ancienne usine de fabrication de vinyles devenue un des grands sites de coworking de Normandie.
Reconversion des ateliers de rotation en salle polyvalente.
Une école, des logements, une maison médicale.
Le recyclage des matériaux abandonnés.
Une halle couverte et une salle de spectacle
Une ferme solaire à Condé sur Noireau sur la friche Honeywell
Re-naturation, évolution du climat
La réutilisation des friches c’est aussi la re-naturation sur certaines friches qui ne trouvent pas de destination. On recrée ainsi un lieu de diversité végétale et animale avec des espèces endogènes. en outre, la vallée étant très impactée par les évolutions du climat, des ruissèlements, de la mer, on a besoin de travailler sur le naturel et de réduire l’impact foncier, ou de réaliser des espaces de compensation.
L’EPF Normandie a même acquis plein de petites parcelles, pour permettre d’assurer la continuité des aménagements possibles d’un cheminement vélo ou piétons le long de la Seine.
Enfin, il y a environ 600 friches réparties sur 300 communes. Leur réhabilitation et leur réindustrialisation sont aussi une réponse en termes d’économie circulaire. Dans un territoire comme le Normandie on réalise 80 milliards d’achats à l’extérieur du territoire. C’est pourquoi, même si on ne pouvait en produire seulement 10% sur place, ce serait déjà formidable.
Questions réponses
Philippe Penot, membre du bureau du ME 76 remercie Gilles Gal pour son exposé. Exposé qui non seulement montre la complexité des problèmes et les enjeux et perspectives de l’aménagement de la vallée de la Seine, mais souligne aussi l’importance du fleuve au regard du lien qu’il crée entre toutes ses villes.
Philippe Thillay évoque les échanges avec les autres pays européens sur ces sujets. La connaissance des bonnes pratiques peut être une source d’inspiration.
Philippe Penot rappelle que justement, ultérieurement, nous allons parler de ce qui se fait ailleurs, à Lille, à Magdebourg, à Hanovre, à Hambourg.
Un grand nombre de friches ont besoin d’une réhabilitation
Selon Gilles Gal, dans le cadre du plan de relance européen, les appels à projets sur les friches en difficulté de réalisation, représentent déjà un montant cumulé de 1,2 milliards d’Euros. Ça illustre les besoins en la matière.
Thomas Malgras indique que par rapport aux autres pays européens nous sommes plus latins que nordiques. En effet, les nordiques font preuve de plus d’attachement à leur patrimoine industriel bâti. Au contraire, chez les latins le sentiment du mouvement ouvrier est fort, mais il n’y a pas de lien sentimental par rapport aux bâtiments. La ville a tendance à s’étaler et à grignoter des terres agricoles. Par ailleurs, on constate un intérêt certain pour les échanges d’artistes, et les résidences lors de la reconversion. Un des axes de travail potentiels, serait la place des enfants dans la ville.
Conclusions
Alain Ropers, a pris des notes et fait une petite synthèse de cette conférence. Les propos tenus lui ont rappelé quelques moments forts de sa vie professionnelle d’architecte
Philippe Thillay conclut la réunion en remerciant les intervenants pour leur participation. De plus, il nous donne rendez-vous le 27 mai prochain. la prochaine conférence traitera des friches du Havre. Des transformations radicales et de la re-qualification du centre-ville entreprises. Le 500ème anniversaire de la ville a été l’occasion de la transformer en une ville attrayante.
Fin de la visioconférence, à 19 h à 55.
Revoir, partagez l’enregistrement de la conférence:
https://bit.ly/ME76-Friches-Metro-Rouen
D’autres vidéos:
l’Europe le long de la Seine, le programme:
https://mouvement-europeen76.eu/europe-des-territoires/
Vidéo documentaire: Compter sur les territoires
Séminaire l’Europe le long de la Seine
demandez le programme
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Annexe : photos de réalisations