A propos du livre d’Adina REVOL, Rompre avec la Russie : le réveil énergétique européen., édition Odile Jacob, octobre 2024. Invitée par le Mouvement Européen de Seine Maritime, le 12/11/24, à 18h.
C’est souvent dans les moments de crise que l’Union européenne parvient à se construire et à afficher une véritable unité. Ce constat est au cœur de l’ouvrage que l’autrice, Adina REVOL, ancienne porte-parole de la Commission européenne en France nous a présenté, le mardi 12 novembre, à la Librairie Colbert.
À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie déclenchée le 24 février 2022, les Etats membres de l’Union européenne ont pris enfin pleinement conscience de leur trop forte dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, une stratégie menée (opérée) depuis de nombreuses années par Vladimir Poutine pour tenter de diviser et affaiblir l’Union européenne. En 2022, pas moins de 45% des importations gazières, 45% du charbon et 25% du consommé au sein de l’Union, provenaient de Russie.
Une Union européenne réactive
Face à cette réalité, et contrairement à l’idée répandue selon laquelle l’Union européenne agirait lentement, celle-ci a vite réagi ; l’U.E. a adopté ainsi une série de mesures pour se « désintoxiquer » des hydrocarbures russes : embargo sur le charbon et le pétrole russes, baisse de la consommation de gaz et d’électricité, initiatives pour stabiliser les prix de l’énergie, telles sont les premières actions réalisées par l’Union Européenne en 2022-23.
Les Etats-membres ont aussi décidé de mettre en place une stratégie d’achat en commun de gaz afin de faire baisser les prix de manière durable tout en évitant une concurrence intra-européenne sur le marché mondial. Parallèlement, les dirigeants européens recherchent de nouveaux partenaires énergétiques (Norvège, Etats-Unis, Azerbaïdjan) tout en diversifiant massivement ses sources et ses voies d’approvisionnement.
Ces efforts s’inscrivent dans un contexte de profonde transformation des systèmes énergétiques européens, tournés vers une énergie plus propre et plus écologique. Avec l’adoption du Pacte Vert (e), l’Union européenne s’est fixée pour objectif d’atteindre, au minimum, 42% d’énergies renouvelables dans sa consommation énergétique d’ici 2030 et la neutralité carbone en 2050.
Questions posées par l’auditoire :
Comment se rendre réellement indépendant sans tomber d’une dépendance à l’autre ?
L’UE, sous l’impulsion de la Commission et du Parlement a diversifié son approvisionnement (Norvège, GNL américain, le « diable » azerbaidjanais) en hydrocarbures et le plan vert a boosté ces dernières années le développement des énergies renouvelables, éoliennes off-shore etc. L’Europe de l’énergie s’est accélérée avec la crise ukrainienne. Nous sommes passés de 45% de dépendance du gaz russe à 15%. Les Plans Re- Power EU (2022-24) et le Plan vert 2019-24 ont commencé à produire leurs effets.
Comment éviter le décrochage technologique et industriel européen (90% des panneaux photovoltaïques utilisés en Europe sont par exemple produits par la Chine) ?
L’UE doit encourager la Recherche – Développement et atteindre la masse critique financière pour éviter la fuite des cerveaux vers les autres régions du monde très innovantes (E-U, Chine, Inde etc…). Le rapport de Mario Draghi estime le besoin de financement pour éviter le décrochage technologique européen à 900 milliards d’euros par an ; il préconise une Union Européenne des marchés financiers pour développer le capital-risque et surtout une réorientation de l’épargne des européens vers les activités innovantes (micro-conducteurs, IA, biotechnologies, domotique, constructions passives). Il souhaite aussi un grand emprunt européen mais l’Allemagne est encore un peu réticente même si cela change vite outre-Rhin.
A l’heure de Space X et des constellations de satellites d’Elon Musk que peut L’UE en matière spatiale ?
Ariane 6 dont le lancement a été validé est de nouveau dans la course et les producteurs de constellations de satellites européens à l’œuvre. On tient la corde, l’Allemagne et la France se sont mises d’accord pour faire évoluer la production et favoriser le développement de petites mais audacieuses entreprises spatiales, complémentaires ou concurrentes de L’ESA.
Se désintoxiquer des hydrocarbures c’est bien, mais le tout électrique est tout aussi dangereux ?
Le tout électrique n’est pas la panacée mais il émet moins de GES. De plus, on peut consommer moins en isolant le bâti, en le dotant d’outils technologiques, en optimisant les basses consommations d’énergie électrique…Place à l’innovation (déjà en cours…) !
Pour la voiture électrique, l’UE a conclu des accords avec le Chili (sur le lithium) et l’Argentine. Mais c’est une matière fossile. Il faut développer un autre type de croissance, moins énergivore. On peut aussi développer des mini – centrales nucléaires…
A suivre : pourquoi pas une nouvelle CECA (on l’appellerait …CEED : Communauté Européenne de l’Energie et une CED (Communauté Européenne de Défense). A l’heure du découplage Etats-Unis/Europe annoncé après la victoire de Trump II, cela mérite d’être débattu sérieusement. On en reparle ?
Compte rendu rédigé en commun par Pierre-Maxime Duca-Deneuve et Charles Marechal, le 19/11/24