Le COVID 19, sa genèse, sa gestion, ses questionnements, les perspectives et l’Europe

Texte de Jean-Pierre Girod

Nos sociétés avaient oublié les grandes pandémies du siècle précédent sans nous renvoyer aux 10 plaies d’Egypte ni à la pandémie de la peste de 1347-1348 qui a tué presque la moitié de la population en France. L’épidémie du choléra à Marseille en 1884 avait imposé un blocus total dont le port ce qui avait ruiné l’économie locale. La grippe espagnole après la 1ère guerre mondiale a fait 25 à 50 millions de morts mais la peste avait ressurgi dès 1917 mais elle a pu être circonscrite.
À chaque épidémie, la société a désigné un coupable qui a pu être les Juifs brûlés vifs car accusés de propager la peste,  les croque-morts en 1920 ou bien les chiffonniers lors de l’épidémie de la peste.

Le COVID 19 est apparu en Chine dans la région de Wuhan du passage faune sauvage à l’homme est-ce en 2019 au mois de décembre, voire courant novembre, sur des marchés d’animaux vivants car les chinois continuent de consommer des animaux sauvages même dans leurs refuges les plus reculés.
Cette pandémie est la conséquence de nos impacts écologiques car notre erreur commune a été de croire que l’homme était affranchi des lois de la nature. Les humains ont toujours été les meilleurs alliés des virus. Les effets du dérèglement climatique et de la dégradation de nos écosystèmes, par un consumérisme effréné, renforcent les risques de pandémie.
Les hommes sont les hôtes d’une nature ou les micro-organismes, les bactéries et les virus cohabitent mais peuvent impacter durablement par des retombées zoonotiques. Toute espèce, être vivant, a besoin de changer de lieu et de corps. L’écologie dont OIKOS en Grec se traduit par maison, nous pouvons constater que la maison n’est pas un moyen de protection car elle peut-être aussi le lieu de diffusion.
La gestion chinoise a été catastrophique car les autorités ont dissimulé les causes, la gravité de la crise et d’ailleurs le nombre de morts affiché est-il crédible ? De plus le pouvoir chinois a fait condamner les quelques médecins qui avaient alerté les autorités depuis le mois de novembre et décembre 2019 et que la prise en charge véritable est intervenue presque deux mois après.
La gestion de la crise a apporté son lot de contestation de « y-a-qu’à faut qu’on », des recettes miracles ou des dérives complotistes comme le déclenchement de la pandémie pour ne pas faire le second tour des municipales.

La France a été confrontée à plusieurs défis cumulés

  • L’absence de réserves de masques et matériels de protection alors que pour la pandémie du virus H1N1 des stocks avaient été constitués. Plusieurs gouvernements de droite comme de gauche en sont responsables avant l’arrivée de M. Macron et de la délocalisation en Chine des moyens de production par les groupes pharmaceutiques ;
  • La destruction de l’hôpital public avec le paiement à l’acte, la suppression massive de lits (10 000 lits en 20 ans) et une gestion financière et non de santé ;
  • L’absence de politique de santé de prévention et des moyens très réduits : inférieur à 4% ;
  • L’absence de consensus médical et scientifique sur les mesures, les moyens et les types de traitements ;
  • La délocalisation en Inde et en Chine massive depuis 20 ans de la fabrication des principes actifs avec la perte des infrastructures en France ou en Europe qu’il faudra relocaliser ;
  • La bureaucratisation de notre système de santé s’est renforcée au détriment d’une véritable territorialisation et qui s’appuie fortement sur les initiatives locales afin de le rendre plus efficient.

Face à cette situation, le confinement était impératif mais il a eu du mal à être appliqué avec rigueur. Les Présidents du Sénat et du Conseil Constitutionnel ont envoyé un mauvais message en demandant la tenue du 1er tour des municipales le 15 mars.
Les dirigeants politiques ont une grande responsabilité c’est de gouverner et de cogérer cette crise. L’étude des politiques menées dans des pays qui ont eu peu d’impact permet de dégager les éléments suivants :

  • c’est la précocité des réactions sans attendre, en surveillant les arrivées sur le territoire, en ayant des politiques et des stratégies de prévention qu’il fallait seulement activer ;
  • La collecte déjà mise en place des données de santé personnelles et le fort taux de volontariat pour géo-localiser les contacts pendant la période de contamination ;
  • La mise en place de quarantaines extrêmement strictes en réquisitionnant des hôtels pour les porteurs et les étrangers venant de régions touchées par la pandémie ;
  • Le port du masque obligatoire pour tous les déplacements, une hygiène méticuleuse ;
  • Une capacité importante pour diagnostiquer les cas grâce a du matériel stocké ;

Pendant ce temps en France, le débat se cristallise sur le traitement à l’hydroxychloroquine car nous sommes toujours dans les soins et non dans la prévention, la seule stratégie payante à long terme.

Une crise économique sans précédent

Qu’elle est loin à ce jour la promesse de Jean Fourastié pour le 20e siècle qui était l’épanouissement d’une économie de services où les humains travaillent non plus la terre ou la matière, mais l’humain lui-même. La priorité est dorénavant de sauver nos vies mais aussi nos économies car les dettes publiques vont s’accroître de manière vertigineuse, le chômage est massif, le nombre de faillites serait de 15% pour nos entreprises, les bourses sont en chute libre …

La sortie de cette crise économique pose la problématique du choix du scénario malgré les inconnues suivantes :

  • La durée du confinement aura des impacts plus ou moins importants selon les filières et leur réorganisation ;
  • De la date de circulation à nouveau dans un premier temps dans nos bassins de vie et dans l’espace Schengen ;
  • De la dynamique de la demande et de ses modifications générées par le confinement ;
  • De la réouverture des frontières internationales fin 2020 ou plus tard ;
  • Enfin que la sortie du confinement ne se traduise pas par un nouveau rebond de la pandémie.

L’Europe et ses difficultés décisionnelles

L’Europe a eu un démarrage chaotique dans cette crise sanitaire, économique et sociale. La BCE dans un premier temps avait indiquée le 12/03/2020 qu’elle ne réduirait pas ses taux. L’accord des ministres des finances sur les outils financiers mobilisables a été long à trouver. Alors que tout était réuni pour apporter des réponses claires, rapides et efficaces aux vues des nouveaux responsables  et de leur vision pour cette mandature européenne. La présidente de la commission européenne, Ursula Von Der Lupen a défendu l’instauration d’un salaire minimum ; La présidente de la BCE, Christine Lagarde s’était déjà exprimée pour une relance budgétaire et enfin le président du conseil européen, Charles Michel a toujours eu une approche très sociale des problèmes.
Mais comme l’a déclaré Jacques Delors, le microbe est « de retour » car au niveau des instances européennes, le chacun pour soi revient. Cette approche est suicidaire pour l’Europe car elle était déjà en danger.

Dorénavant les mesures annoncées vont dans le sens de plus de solidarité :

  • L’union européenne suspend les règles budgétaires du pacte de stabilité ;
  • La déclaration commune des 27 « nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour protéger nos concitoyens, sortir de la crise tout en préservant les valeurs et les modes de vie européens » est enthousiasmante ;
  • La commission européenne a dégagé rapidement 14 milliards des fonds européens pour soutenir les services de santé et les entreprises en difficulté ;
  • La BCE actionne les mécanismes européens de stabilité pour un montant de 410 milliards d’euros ;
  • La Banque européenne d’investissement a créé un fond de garantie de 25 milliards d’euros pour faire effet levier.

Une nouvelle ère économique à dessiner

Cette crise remet en cause les approches néolibérales de nos économies. Ce crash plus important que 2008 exige des réponses nouvelles qui cassent les dogmes économiques actuels. J’en veux pour preuve les discours de notre Président du Gouvernement qui affirme qu’il n’y a plus de limite à l’endettement public, la nécessité de relocaliser certains processus de production, de favoriser les circuits économiques de proximité, de faire des efforts de solidarité, d’opérer une relance budgétaire, et même de prévoir la nationalisation de certaines entreprises.
Certains dirigeants et économistes redécouvrent que la santé des citoyens est un incontournable pour le bon fonctionnement de nos économies et que la notion de bien commun devient essentiel.

Un tel retournement est dû à cette première crise exogène et qui a pour origine l’émergence d’un virus qui contamine tous les humains de notre planète et montre l’impuissance de notre système.
Les réactions politiques ont été difficiles car la primauté des biens marchands sur l’offre des services collectifs a été désastreuse sur les moyens consacrés à la prévention et sur nos équipements de santé.
Les politiques économiques qui ont été focalisées sur la stabilisation des indicateurs macro-économiques doivent dorénavant avoir deux autres objectifs : une redistribution plus équitable des richesses et la production de biens publics.

Un changement de paradigme est incontournable

Notre modèle économique doit dépendre moins des importations hors Europe, devenir plus soutenable et plus équitable.
Le paradigme actuel avec l’accroissement des flux d’échanges, l’interdépendance mondiale est responsable des zoonoses transmises à l’homme par l’animal car nous combinons trois conditions : la destruction de la biodiversité, l’échange rapide entre continent et l’accroissement de température sur notre planète.

Les pistes pour sortir de la crise ne peuvent s’appuyer que sur un développement plus soutenable et une certaine sobriété. La guerre contre le virus doit se focaliser sur l’intérêt collectif et non l’individualisme et sur les outils de prévention et non sur les coûts. D’autre part les annulations de dettes souveraines seront nécessaires mais elles doivent être conditionnées par des investissements massifs pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et œrestaurer les fonctionnalités de nos écosystèmes.
Certaines pistes sont envisageables pour ce nouveau paradigme économique :

  • Une relocalisation des activités notamment plus solidaires, plus écologiques, plus équitables grâce à une fiscalité différenciée et la mise ne place d’un revenu d’existence sociale et écologique ;
  • Un effort massif financier pour une rénovation globale énergétique des bâtiments ;
  • Lutter contre l’artificialisation des sols notamment par l’étalement urbain et commercial ;
  • Favoriser les déplacements doux et collectifs en réduisant fortement les déplacements solistes en voiture ;
  • Valoriser les produits de proximité à faible impact écologique ;
  • De rendre obligatoire l’éco-conception des produits et des services, en supprimant l’obsolescence programmée et en allongeant la longévité des produits et des services ;

Cette riposte économique doit avoir plusieurs finalités, que nos gouvernements s’occupent des vrais problèmes auxquels nous sommes tous confrontés, qu’une véritable redistribution de la valeur ajoutée, des revenus et du patrimoine soit enfin mise en place et que nos concitoyens retrouvent la confiance dans notre système de santé, social, politique et dans notre économie.
Cette nouvelle économie doit être mixte, une économie administrée pour produire les biens publics et communs et une économie de marché pour les biens et les services.

Jean-Pierre GIROD
Président du parc naturel régional des boucles de la Seine normande

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