La campagne actuelle pour les élections législatives fédérales en Allemagne du 26 septembre est scrutée avec une attention particulière, dans la mesure où une grande incertitude règne actuellement sur le choix définitif qu’effectueront les députés élus pour la succession de la Chancelière Angela Merkel qui ne se représente pas.
Ce choix sera effectué par une majorité issue d’une coalition de plusieurs partis, deux jusqu’à présent dans l’histoire de la République fédérale depuis 1949, mais les pourcentages obtenus actuellement dans les sondages par les principaux partis laissent augurer la nécessité cette fois d’une coalition de trois partis. Parmi les candidats en lice, seule la personnalité politique qui réussira à réaliser un compromis avec les deux autres partis, en abandonnant une partie de ses positions actuelles et en leur faisant abandonner également une partie des leurs, pourra accéder à la chancellerie. La majorité ainsi constituée de députés au Bundestag élira ensuite le Chancelier ou la Chancelière, après présentation formelle de sa candidature par le Président Fédéral.
Les partis conservateurs, Chrétiens Démocrates (CDU) et Chrétiens Sociaux bavarois (CSU) réunis dans l’Union, ainsi que les Sociaux Démocrates (SPD) et les Verts (Bündnis 90/Die Grünen) excluent toute alliance avec le parti situé à l’extrême droite, “Alternative pour l’Allemagne” (AFD). L’Union CDU/CSU avec son candidat à la chancellerie, Armin Laschet, exclut également toute coalition avec le parti situé à l’extrême gauche et ayant succédé notamment au parti socialiste allemand unifié (SED) au pouvoir en RDA après la réunification allemande, “La Gauche”(Die Linke). Les Sociaux Démocrates et les Verts sont plus flous à ce sujet et ne souhaitent pas se fermer cette porte en cas de résultats leur permettant d’envisager la constitution d’une majorité commune avec ce parti.
Certes leurs candidats respectifs à la chancellerie, Olaf Scholz et Annalena Baerbock, placent comme exigences incontournables à une coalition la reconnaissance de l’appartenance de l’Allemagne à l’OTAN et une prise de position claire en faveur d’une Europe forte et souveraine, – deux sujets auxquels le parti Die Linke était jusqu’alors opposé dans différentes déclarations officielles – mais leurs bases respectives sont très favorables à une future coalition SPD-Verts-Die Linke. Les responsables de Die Linke ne reprennent plus actuellement dans leur programme leurs oppositions tranchées à l’OTAN et à l’Europe et se déclarent pour la première fois disponibles pour des discussions préalables à leur participation à une coalition gouvernementale. Celle-ci est envisagée plus précisément avec le SPD. De leur point de vue, ils sont les seuls avec les Verts qui les partagent, à pouvoir permettre la réalisation des objectifs sociaux du SPD en matière de politique salariale et d’emploi, de modération des loyers et d’une plus grande justice fiscale, Il y a enfin un autre parti qui pourrait compléter une coalition menée soit par l’Union CDU/CSU, soit par le SPD, soit par les Verts, comme il l’a déjà fait dans le passé au niveau fédéral, ou dans des gouvernements d’états régionaux (Länder), le parti centriste des Libéraux Démocrates (FDP). Mais il est totalement opposé à une augmentation des impôts pour les classes les plus aisées et les entreprises.
Le partenaire idéal du FDP serait donc naturellement l’Union CDU/CSU et le candidat de l’Union à la chancellerie, Armin Laschet, y est tout à fait favorable, car il gouverne actuellement le Land de Rhénanie Nord- Westphalie en coalition avec le FDP. Mais selon les enquêtes d’opinion, ils auraient besoin au niveau fédéral d’un troisième parti, et les bases du SPD comme des Verts refusent actuellement d’envisager une coalition avec le FDP et/ou l’Union, comme c’est le cas actuellement dans certains Länder.
Le candidat du SPD, Olaf Scholz, Vice-chancelier et Ministre des Finances du gouvernement actuel de coalition Union-SPD dirigé par Angela Merkel, est actuellement en tête des successeurs potentiels et semble mener une campagne efficace et claire dans ses objectifs qui pourrait faire remonter considérablement les votes pour son parti. Mais les électeurs devront bien faire le lien entre sa personne, membre du gouvernement actuel Union-SPD, et les candidats du SPD au Bundestag. De manière inattendue, c’est donc le social démocrate Olaf Scholz qui représente actuellement la continuité avec le sérieux, la sérénité et les compétences attribuées à Angela Merkel, et non le candidat du parti chrétien démocrate de la chancelière, Armin Laschet. Ce dernier semble louvoyer en essayant tantôt de défendre un bilan auquel il n’a pas participé directement, tantôt de se démarquer d’Angela Merkel en critiquant implicitement certaines de ses décisions, tantôt d’agiter la menace de l’accès de la gauche au pouvoir avec une augmentation considérable des impôts pour les entrepreneurs et les professions libérales constituant à ses yeux une menace pour l’économie allemande.
On trouve d’ailleurs actuellement dans les débats deux divergences importantes sur la future politique fiscale. L’Union CDU/CSU, le FDP et l’AFD souhaitent un allègement important général des prélèvements obligatoires, y compris pour les classes aisées et les grandes entreprises, et font confiance aux dons volontaires de ces derniers et aux fondations pour que l’état puisse réaliser ses projets futurs en matière de soutien social, d’éducation, d’infrastructures et de transition numérique et écologique. L’AFD vient même de voter au Bundestag contre le fonds fédéral décidé pour venir en aide aux sinistrés des graves intempéries de l’été. Au contraire, le SPD, les Verts et Die Linke veulent rééquilibrer les allègements d’impôts effectués au cours des dernières années. Des augmentations d’impôts proportionnelles permettraient d’assurer une plus grande justice sociale, d’améliorer les conditions de vie des plus pauvres, des femmes seules avec enfants et des membres des classes moyennes qui ont perdu une part importante de leur pouvoir d’achat, par exemple, avec l’augmentation fulgurante des loyers, donner les moyens qui ont fait défaut durant la pandémie à l’éducation et aux crèches, et soutenir les acteurs économiques comme les citoyens pour la réalisation des transitions numérique et écologique. La seule divergence importante entre les Verts et le SPD se situe au niveau du calendrier pour la réalisation de la transition énergétique qu’ils souhaitent plus rapide, ainsi la date de 2038 envisagée par le SPD pour l’abandon des énergies fossiles, en particulier du charbon, est jugée trop lointaine par rapport aux évolutions climatiques. Le SPD vient d’ailleurs d’évoquer maintenant 2031. Cette divergence s’applique également, avec encore plus de vigueur, aux programmes des partis conservateurs ou centriste jugés trop timorés en la matière, dans leur souci de préserver les intérêts des acteurs économiques et de ne pas soutenir fortement avec des fonds fédéraux provenant des impôts les citoyens pour les frais occasionnés par cette transition.
Les tractations, à l’issue de l’élection des députés du Bundestag le 26 septembre, risquent donc d’être longues et difficiles avant qu’une coalition gouvernementale soit signée et qu’un Chancelier ou une Chancelière prenne officiellement la succession d’Angela Merkel, sauf si les électeurs donnent une majorité suffisante au moins à l’une des deux paires de partis déjà ouvertement compatibles, soit SPD et Verts ou Union CDU/CSU et FDP. Les partis ont cependant une obligation de résultat : ils doivent aboutir à la création d’une majorité parlementaire et d’un gouvernement qui en soit issu. Ils y sont fortement incités par la Constitution Fédérale et le Président Fédéral qui peut, en cas de difficultés, s’impliquer en convoquant les responsables des partis susceptibles de former une coalition et les placer devant leurs responsabilités. Ce fut le cas à la suite des élections précédentes du 24 septembre 2017, quand la Chancelière Angela Merkel ne fut élue que 6 mois après, le 14 mars 2018. Vu le blocage des tractations envisagées préalablement, suite à l’abandon du FDP, les deux grands partis habituellement en opposition, l’Union CDU/CSU à droite et le SPD à gauche, avaient fini par se résoudre à une “grande coalition” gouvernementale dirigée par l’Union arrivée en tête, avec la Chancelière Angela Merkel. Au cas contraire, le Président Fédéral aurait été amené à dissoudre le Parlement et à organiser de nouvelles élections.
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