L’Europe à l’heure numérique, les suites

Vendredi 4 décembre s’est tenue la conférence de synthèse du séminaire : l’Europe à l’heure numérique. Nous avons reçu Nicolas Mayer-Rossignol, Président de Métropole Rouen Normandie, Maire de Rouen et Mme Morin-Desailly, Sénatrice de Seine-Maritime.
La conférence a été introduite par Alain Ropers qui en quelques minutes a présenté une synthèse de nos travaux.

MINI-SYNTHÈSE GÉNÉRALE, par Alain Ropers

 Comme nous l’avons précisé au début de cette réunion, nous avons organisé deux cycles de visioconférences.

  • Un premier cycle au mois de juin sur le thème de la santé que nous avons abordé avec différents regards : celui du médecin, de l’industrie pharmaceutique, du législateur français et européen, et sous l’aspect de la solidarité entre états et de la souveraineté européenne en la matière. C’était passionnant.
  • Un deuxième cycle qui se termine aujourd’hui sur le thème du numérique qui bouleverse profondément nos sociétés. Nous y avons donc consacré quatre visioconférences, en invitant des personnalités qualifiées pour nous parler des enjeux économique, éthique, sociétal et géopolitique du développement numérique….   Pour lire la suite, cliquez ici

Visionnez les interventions de Nicolas Mayer-Rossignol et Catherine Morin-Desailly. Cliquez sur le lien: https://bit.ly/04-12-synthese-seminaire 

Intervention de Nicolas Mayer-Rossignol,

Fonctionnaire auprès de la Commission Européenne de 2003 à 2008, spécialiste de pharmacobiologie et actuellement, Maire de Rouen et Président de Rouen Normandie Métropole.
À la commission européenne, Nicolas Mayer-Rossignol était spécialisé dans le domaine du médicament, des vaccins et de la thérapie génétique. Ce domaine dépendait de l’Industrie, à présent ce domaine est rattaché à la Santé.
Monsieur Mayer-Rossignol est en disponibilité actuellement … Pour lire la suite, cliquez ici.

Intervention de Madame Catherine Morin-Desailly

L’Europe et le numérique, deux thèmes qui me sont chers. Le numérique est plus que jamais d’actualité ; en juin 2016 j’ai clôturé une réunion des jeunes européens au CNAM où je parlais du numérique ; or aujourd’hui, plus que jamais, le numérique est en pleine actualité.
Je reprends les propos de Nicolas Mayer-Rossignol, je partage avec lui l’idée que Rouen doit être une Eurocité, Rouen a tous les bons atouts pour y réussir, de plus l’attractivité de la Normandie passe par l’attractivité de ses villes.

Le parlement français fait des propositions de loi, comme le projet de loi contre la haine en ligne ; il est essentiel de préserver la liberté de la presse et la liberté d’expression.
Je sors d’une réunion où j’étais en lien avec des parlementaires de plusieurs pays pour mettre en place une régulation de l’Internet qui se joue au niveau européen, mais aussi au niveau mondial… Pour lire la suite, cliquez ici

Synthèse, par Alain Ropers

MINI-SYNTHÈSE GÉNÉRALE,

 Comme nous l’avons précisé au début de cette réunion, nous avons organisé deux cycles de Visio conférences.

  • Un premier cycle au mois de juin sur le thème de la santé que nous avons abordé avec différents regards : celui du médecin, de l’industrie pharmaceutique, du législateur français et européen, et sous l’aspect de la solidarité entre états et de la souveraineté européenne en la matière. C’était passionnant.
  • Un deuxième cycle qui se termine aujourd’hui, sur le thème du numérique qui bouleverse profondément nos sociétés. Nous y avons donc consacré quatre visioconférences, en invitant des personnalités qualifiées pour nous parler des enjeux économique, éthique, sociétal et géopolitique du développement numérique.

L’ENJEU ÉCONOMIQUE:

Lors de notre première visioconférence, nous avons écouté Manuela Portier, présidente de Cap Digital.
Elle a choisi d’axer son propos non pas sur l’économie à proprement parler, ni même sur le numérique, mais plutôt sur l’impact du numérique pour aider à la transformation de l’économie, vers une économie plus vertueuse, centrée sur les objectifs de l’Union Européenne, à savoir la transition énergétique, le développement du numérique et son indépendance.

Elle a montré comment cette démarche de mise en réseau d’acteurs qui n’avaient pas forcément l’habitude de travailler ensemble pouvait aider à l’apparition de villes vertueuses.
Accéder à cette conférence: https://mouvement-europeen76.eu/europe-numerique-economie/

L’ENJEU ÉTHIQUE:

Pour notre deuxième visioconférence, l’invitée, Elodie-Paola Palombi, fondatrice de la société EDI, ou Ethic Digital Impact.
Elle a attiré notre attention sur la formidable révolution que nous vivons actuellement, après l’apparition de l’agriculture au néolithique et l’apparition de l’industrie au dix-neuvième siècle.

L’homme est confronté aux réseaux et au temps réel, ce qui entraine des dérèglements sociaux, économiques, civilisationnels et environnementaux, enjeux auxquels l’éthique, nous impose d’apporter des réponses et donc de mettre en place le développement durable, auquel le numérique peut apporter du positif comme du négatif.
Accéder au compte rendu de cette conférence: https://mouvement-europeen76.eu/suite-conference-ethique/ 

L’ENJEU SOCIÉTAL:

Pour la troisième visioconférence, notre invité était Philippe Vidal, professeur des universités en géographie et en aménagement actuellement en poste à l’université du Havre.
Il nous a montré les étapes du développement numérique dans les différents territoires européens, américains et chinois, et présenté les enjeux fondamentaux du numérique : les habitants, la régulation publique, la justice spatiale et sociale, la formation, la démocratie et la gouvernance.

Pour lui l’Europe et les citoyens européens sont à la croisée des chemins, et devra choisir, parmi les scénarios possibles, de favoriser un modèle humaniste plaçant l’humain au centre de l’innovation et prônant une société ouverte, démocratique et durable.
Accéder au compte rendu de cette conférence: https://mouvement-europeen76.eu/enjeu-societal-compte-rendu/

L’ENJEU GÉOPOLITIQUE:

Pour notre quatrième visioconférence notre invité était Gilles Babinet, vice-président du Conseil National du numérique, un collège de trente membres nommés par le premier ministre, et chargé de représenter la France à Bruxelles en ce qui concerne le numérique.
Il nous a expliqué la fin des modèles régaliens, puisqu’aujourd’hui de nombreux acteurs comme les hackers, les géants du numériques, etc. prennent une puissance aussi grande voire plus grande que les états, et que cela menace notre souveraineté numérique.

Selon Gilles Babinet le destin de l’Europe est de faire émerger un projet européen de démocratie technologique, et surtout, il est urgent de penser à long terme, en misant, par exemple sur le développement d’une cyber défense européenne, ce qui se rapproche de la recherche fondamentale.

Deux courtes phrases de Gilles Babinet peuvent résumer ces quatre visioconférences :
Accéder au compte rendu de cette conférence: https://mouvement-europeen76.eu/compte-rendu-enjeu-geopolitique/ 

« Tout n’est pas perdu. Mais il faut se réveiller. »

 

 

Internet ou un raté français !

Au début des années 60, le Général de Gaulle, en appui sur les outils stratégiques comme le Commissariat au plan, lance le plan Calcul. Un plan qui vise à développer nos capacités mathématiques et informatiques pour, notamment, nous affranchir de la tutelle américaine. Sous la houlette de Maurice Allègre et Louis Pouzin est né le projet Cyclades. Il s’agissait d’augmenter la vitesse de circulation de l’information entre deux points. Cela a engendré le Datagramme, que les Américains ont ensuite développé sous la forme du protocole TCP/IP que nous utilisons tous aujourd’hui sur Internet.

Parallèlement, au CERN à Genève, des chercheurs européens créèrent le Web : Une application permettant d’écrire sur les écrans des ordinateurs et de communiquer l’information.  C’est le protocole htlm.

Ces initiatives ont débouché sur le projet européen Unidata. Un consortium regroupant centres de recherche, universités, entreprises…, avec la perspective de créer une dynamique du type Airbus.

Un projet abandonné:

En 1974, le nouveau Président de la République, Valéry Giscard D’Estaing abandonna le projet. Ambroise Roux, PDG de la Compagnie Générale d’Électricité (CGE), grand fournisseur des PTT, le convainquit de liquider le plan calcul, la filière informatique et par voie de conséquence le projet européen Unidata. Nous eûmes le Minitel tandis que les américains inventèrent le PC. Cherchez l’erreur.

Les Allemands et de nombreux partenaires européens s’en souviennent encore. Les Américains pour leur part, se sont appropriés le Web, ont développé le datagramme et ont créé dans la foulée Internet.

Pour en savoir plus :

Ce ne sont pas vos données qu’ils vendent…

A voir, le documentaire: The social dilemma

Ce documentaire sorti le 20 septembre 2020 sur Netflix donne la parole à une dizaine d’anciens cadres dirigeants qui ont démissionné de grandes entreprises de la Silicon Valley. Comment ces entreprises s’emparent de nos données et au bout du compte façonneent le monde.

“Quand l’accès à un réseau est gratuit, c’est que les utilisateurs sont le produit”. On a tous entendu cette sentence. Mais non! Nous disent ces témoins. Ce ne sont pas vos données qu’ils vendent, mais les modèles comportementaux qu’ils élaborent à partir de vos données. Dès que vous vous connectez, dès que vous téléchargez une application, vous envoyez  à chaque instant des données à partir desquels les firmes élaborent leurs modèles.

Ces modèles, ils les proposent à des entreprises pour caler leur stratégie de communication. Ensuite à chaque fois que vous vous connectez à une application, à un réseau, vous recevrez des notifications, des messages correspondants à vos attentes, vous renforçant dans vos prédispositions, dans vos opinions.
C’est vrai aux plans de la mode, des affaires, des choix culturels… Mais c’est vrai aussi aux plans politique et moral.

Les réseaux sociaux créent des bulles, isolent les groupes sociaux les uns des autres, développent les antagonismes. Ils fragilisent le corps social.Les témoins expliquent ainsi les profonds clivages qui traversent nos sociétés et tout particulièrement les USA.
Les réseaux sociaux plutôt que de favoriser le débat, la rencontre entre des appréciations différentes, confortent au contraire chacun dans ses positions en lui envoyant les informations qu’il attend.

Les témoins tirent le signal d’alarme et dénoncent le chemin vers la guerre civile que prennent les USA. Ils tirent le même signal en direction de l’Europe.

Mais alors Que faire?
Deux propositions ressortent de ce documentaire:

  • A titre individuel, refuser tous les cookies et les notifications proposés par les sites auxquels nous connectons, n’utiliser que des moteurs de recherche comme Qwant qui ne conservent pas nos données.
  • A titre collectif, prendre des mesures pour obliger les entreprises numériques à retreindre leurs collectes. Il suffirait de créer un impôt sur le volume des données collectées.

En savoir plus sur le documentaire:

Révolutions technologiques, pour le meilleur ou pour le pire?

Les 1er et 2 octobre, se déroulaient à Caen le « Forum mondial pour la Paix ». Le Mouvement européen 76 y participait. Retrouvez ici le compte rendu de la conférence du 2 octobre.

Thème de la conférence:

” Dans notre monde interconnecté, les nouvelles technologies imprègnent notre quotidien et impactent de nombreux secteurs. La gestion du Big Data, le recours à l’intelligence artificielle, l’essor de la reconnaissance faciale rendent impérative une réflexion sur la maîtrise et l’encadrement de ces nouveaux procédés, tant d’éventuelles dérives seraient porteuses de déstabilisation majeure, y compris dans les pays démocratiques. Déploiement de robots tueurs, armes intelligentes ou généralisation de la surveillance : sur le terrain militaire également, de nouvelles formes d’intervention et d’affrontement émergent.

Génératrices d’inquiétudes, ces révolutions technologiques sont aussi de formidables leviers d’innovation, porteurs de changements profonds et multiples, y compris pour le meilleur. À l’image de la Green Tech ou de la Tech for Good, elles permettent d’œuvrer en faveur de la transition écologique. Elles  apportent des réponses concrètes à des problématiques contemporaines. Au cœur de la réflexion sur le monde de demain, les révolutions technologiques seront-elles pour le meilleur ou pour la guerre?”

Nicole Gnesotto: Science sans conscience ?

Lors d’une courte introduction, Nicole Gnesotto introduit la notion de rupture civilisationnelle. Jusqu’à nos jours les innovations technologiques ont toujours été ambivalentes. On pouvait les utiliser pour le meilleur ou le pire. On connaît tous cette citation de Rabelais tirée du Pantagruel : “science sans conscience n’est que ruine de l’âme”. Récemment encore on a vu comment des outils comment Twitter pouvaient tout à la fois contourner la censure mais aussi surveiller les comportements de chacun… Mais aujourd’hui?  Que sont les développements de l’intelligence artificielle?  Quelle place  prennent les algorithmes dans la gestion du monde. Quel poids de la conscience humaine? On sait comment les automatismes ont accéléré la crise financière de 2008. Qu’en sera-t-il demain? La question mérite d’être posée.
Nicole Gnesotto: Professeure au CNAM, titulaire de la Chaire Europe : L’Europe indispensable éditions du CNRS   .

Justice : le danger de l’arbitraire

Christiane Feral Shul a pointé le recours de plus en plus importants des cours de justice aux outils numériques. Certes, l’accès aux données est une formidable source d’informations utiles aux différentes parties prenantes. Mais au-delà , Christiane Feral Shul s’inquiète de la tentation pour les juges de recourir à l’intelligence artificielle comme auxiliaire de justice, voire même pour rendre la justice dans certaines situations.

C’est déjà le cas en Estonie où dans les affaires civiles portant sur une créance inférieure à 7000€ la procédure est automatisée. Si cette manière de faire peut paraître objective, rigoureuse, elle présente une faiblesse énorme. Elle ne tient pas compte des circonstances qui sont à l’origine du délit. Elles sont pourtant essentielles pour comprendre les situations et formuler les décisions justes.
La France résiste à une telle évolution mais jusqu’à quand? Il faut se méfier de l’arbitraire de l’Intelligence artificielle.
Il est indispensable de poser des règles éthiques, de mettre sous surveillance les algorithmes, de maintenir l’intervention humaine dans le processus judiciaire.
Le conseil national des barreaux s’est tourné vers le Conseil de l’Europe.
Cette instance est à l’origine de plusieurs conventions qui ont inspiré le législateur: protection des données, cybercriminalités. Il pourrait ici se mobiliser à bon escient, même s’il ne faut surestimer le poids de ces conventions qui ne sont des textes contraignants.
Christiane Feral Schul est avocate: Présidente du conseil national des barreaux.

L’extension du domaine de la lutte :

Jean Marc Vigilant, Général d’Aviation, Directeur de l’école de guerre pointe l’extension de l’environnement stratégique. Très récemment ont été intégrés trois nouveaux domaines: l’Espace, le cyber espace et l’information. Les conflits ne se déroulent plus aujourd’hui uniquement sur les champs de bataille.
Cette extension du domaine de la lutte exprime une double tendance: le recul de l’influence de l’Ouest à l’échelle du monde, et l’importance essentielle du Capital humain.

Pour tenir compte de tout cela, la France élargit son approche stratégique.
– Elle crée des outils: une agence sur l’innovation numérique en lien avec les entreprises, un commandement de la cyberdéfense et de l’espace, l’armée de l’air est aussi celle de l’espace maintenant. Développement de nouvelles bases de données en lien avec l’Intelligence artificielle.
– elle développe une approche globale en réseau pour mettre en œuvre des réponses complexes, multi localisées, répondant en de nombreux points en cas d’agression.

Dans le prolongement ,

Jean-Louis Gergorin, (un ancien du quai d’Orsay) souligne la rupture introduite par le numérique dans le rapport à la guerre. Aujourd’hui la frontière est devenue volatile. Il existe des zones hybrides.
Grâce aux outils numériques, une puissance étrangère peut agresser un territoire. On l’a vu par exemple en Ukraine avec les coupures d’électricité.
Les cyberattaques sont devenues l’équivalent des notes diplomatiques. Elles envoient un message, expriment une menace, invitent à un repositionnement. On peut lire ainsi la cyberattaque de mars dernier sur les hôpitaux de Paris.

Si la France a su prendre la mesure du problème, il faut aller beaucoup plus loin et bien prendre en considération la dimension globale du problème. Il faut tout à la fois:
– traiter de l’information: si les médias traditionnels sont contrôlés, ce n’est pas le cas des réseaux sociaux. On peut dire ce que l’on veut.
– agir dans les domaines militaires et civils: les attaques numériques en demandes de rançon se sont multipliées par 8 depuis 2017.
– les frontières s’estompent entre les groupes mafieux, les attaques “militaires” l’espionnage économique…
– agir à l’échelle internationale: mettre en place pour la circulation de l’information des instances du même type que ce qu’il existe dans l’aviation civile, la santé par exemple…

En contrepoint Nicole Gnesotto réagit  soulignant que  la gouvernance doit aller au-delà des Etats et associer l’ensemble des acteurs de la société civile.

Pour conclure Science et éthique ?

Fréderic Bordry a développé une approche plutôt optimiste en soulignant la dimension géopolitique de la science. Il a cité en exemple plusieurs programmes du CERN qui associent étroitement des soi-disant ennemis. Que ce soit entre Israël et la Palestine, ou entre les différents pays des Balkans
il a souligné la dimension universelle du langage de la science qui permet de jeter des ponts, de s’affranchir des susceptibilités et de jeter des ponts entre des territoires séparés.
Fréderic Bordry est directeur au CERN à Genève.

– Gabriela Ramos Patino est revenue sur la nécessité d’encadrer à l’échelle internationale l’usage des outils numériques et notamment l’Intelligence artificielle. Aujourd’hui 200 entreprises dans le monde régulent 80% des outils numériques.
Quelle que soit la performance des outils, il faut en revenir à l’origine, c’est à dire à la commande et sa régulation, aux valeurs qui la cadrent. C’est possible. Regardons ce qu’a fait l’Europe avec le RGPD. L’Unesco agit en ce sens à l’échelle internationale.
Gabriela Ramos Patino Directrice générales sciences sociales UNESCO

 

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