Europe de la santé, qu’en penser?

En initiant le mois européen de la santé, le Mouvement européen de Seine-Maritime souhaitait mieux comprendre la place et le rôle de l’Union européenne dans la lutte contre la pandémie. Était-elle aussi inopérante que certains le disaient ? Prenait-elle toutes les initiatives souhaitables? Sortirait-elle affaiblie ou renforcée de ce moment particulièrement délicat ?
Pendant un mois nous avons rassemblé et mis en ligne diverses sources d’information. Nous avons organisé 6 visioconférences qui ont rassemblé une centaine de personnes.

Au final, que pouvons-nous en dire ? Retrouvez ci-dessous le point de vue de Philippe Thillay, Président du Mouvement européen de Seine-Maritime, écrit en appui sur ces sources d’informations et sur les comptes rendus des visioconférences rédigés par Alain Ropers.

Découvrir et télécharger le point de vue de Philippe Thillay
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Retrouvez tous les documents mise en ligne sur
https://mouvement-europeen76.eu/suites-mois-europeen-de-la-sante/

 

 

Le point de vue de Annie Vidal, Députée.

Semaine 3 :  L’action de l’Europe et la solidarité des Etats durant la crise sanitaire. 

Visioconférence du 17 juin 2020 – 18 h
Invitée : Mme Annie Vidal, députée de la Seine Maritime (2ème circonscription, LREM) à l’Assemblée Nationale, membre de la Commission des Lois

Animation : Jean-Marc Delagneau
Synthèse réalisée par : Alain Ropers

Propos d’accueil par Jean Marc Delagneau, qui dresse le cadre de notre mois européen de la santé, invite Mme Annie Vidal à répondre aux questions qui lui sont posées sous la forme d’un entretien à bâtons rompus, et lance la discussion en posant la première question.

Jean-Marc Delagneau.
Même si la santé ne relève pas des compétences de l’Union Européenne, la France a-t-elle été soutenue cependant par l’Union Européenne, voire aussi par des relations bilatérales entre Etats membres, au niveau des exécutifs et des parlements?
Annie Vidal: Merci de votre invitation à cette visioconférence à laquelle je suis honorée de participer. Je commencerai par un point de la situation, en me basant sur les sur les travaux de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
Nous déplorons environ 170 000 morts du coronavirus en Europe à ce jour.
La majorité des Etats ont établi un contrôle aux frontières.
La Commission Européenne a recommandé une réouverture progressive des frontières à partir du 15 juin, ce qui est en train de se réaliser.
Cette crise aura un impact économique et social énorme dans toute l’Europe, avec une chute importante du PIB dans tous les pays. En France, on s’attend à une chute du PIB de 11%.
Le confinement s’est fait à des niveaux différents selon les Etats. Ces choix ont été dictés, entre autres raisons, par les capacités hospitalières en réanimation.
Dix pays, dont la France ont opté pour un confinement strict. En France, on a commencé à déconfiner le 11 mai, mais le virus circule toujours, et il est important de continuer à respecter les distanciations et les gestes barrières : lavage de mains, pas d’embrassades, etc.
Certains pays comme le Danemark et l’Allemagne, ont opté pour un confinement relatif, c’est à dire un simple appel à rester chez soi.
D’autres pays ont parié sur l’immunité collective et n’ont pas décidé de confinement.
Chaque pays a commencé à prendre des mesures d’urgence, sans prendre forcément le temps de la concertation, mais on a aussi constaté la mise en place assez rapide d’une certaine solidarité entre les Etats, comme des livraisons de masques et de matériels médicaux, la prise en charge de certains patients, notamment dans le Grand Est, sans que l’UE ait été nécessairement force de soutien. La réaction commune au niveau européen, en revanche, bien que réelle, a été un peu tardive, et n’est restée que partielle.

Jean-Marc Delagneau.
Cette solidarité entre Etats s’est elle accompagnée de solidarité interparlementaire ?
Annie Vidal: Directement non, mais oui il y en a eu. Nous avons eu des relations plus denses avec les parlementaires européens, notamment en faisant des points de situation réguliers. Avec Stéphanie Yon-Courtin, nous avons travaillé à mettre plus clairement en valeur l’utilisation des fonds européens, par exemple. L’Europe finance beaucoup de projets et de réalisations y compris dans notre région, mais c’est trop peu su. Il faut continuer à renforcer ces liens entre parlementaires, aussi bien entre les parlements des Etats qu’avec le Parlement Européen.

Jean-Marc Delagneau.
Que peut attendre maintenant la France de l’Union Européenne au niveau financier, économique, environnemental et social pour surmonter les conséquences de cette crise, et aussi affronter dans de meilleures conditions de nouvelles crises éventuelles?
Annie Vidal: On a constaté dès le début de la crise une pénurie d’équipements de protection individuelle, notamment pour les soignants, mais pas de pénurie de molécules médicamenteuses. La France a pu ainsi aider l’Italie en lui fournissant des médicaments. De même, la solidarité des Etats a permis à certains citoyens de regagner leur pays. Il est toujours facile de dire après coup ce qu’il aurait fallu faire. Cette crise est d’une ampleur importante et inattendue. Beaucoup de pays n’étaient pas préparés. Par exemple, les stocks de masques étaient largement insuffisants, car des stocks stratégiques avaient été mis en place, puis détruits, et on a pris de plein fouet notre dépendance face à la Chine.

Un des enseignements qu’on peut en tirer, c’est la mise en place souhaitable de procédures d’anticipation au niveau européen. Il est urgent de restaurer notre indépendance et notre autonomie européenne ainsi que notre capacité d’anticipation sur certains produits. Et ce sera évidemment bien plus facile avec la force de l’UE que Etat par Etat.

La Commission Européenne a déjà fait un certain nombre de propositions dans ce sens. Par exemple la proposition du 26 mars, très concrète, suggère de faire des appels d’offres communs pour l’acquisition de matériel médical, entraînant une meilleure harmonisation et un prix de revient plus intéressant.

André Calentier (participant). Actuellement, la santé reste un domaine réservé aux Etats, et n’est pas une compétence de la Commission Européenne. L’organisation européenne de la santé n’existe pas. Comment l’imaginer demain, alors qu’il y a de grosses diversités des systèmes de prise en charge de la santé?
Annie Vidal : C’est vrai que les systèmes sont très différents, mais la coordination est indispensable. Il convient de faire d’abord un état des lieux très précis, puis de se concerter pour construire une stratégie commune. Personnellement, je pense qu’il faut baser cette stratégie sur le parcours de soins de la personne et non pas sur la structure de soins (hôpitaux, médecine de ville,etc.) qui ne doit venir à mon sens qu’après. C’est un chemin long mais pas impossible.

Jean-Marc Delagneau.
La présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, elle même médecin de formation, formule des propositions pour avancer dans ce domaine, en s’appuyant sur le Traité de Lisbonne qui mentionne, parmi ses objectifs, un niveau élevé de protection sanitaire.
Annie Vidal: L’approche santé n’est pas assez présente eu niveau européen. On peut rebondir positivement sur cette crise et en tirer les leçons.
S’il y a une volonté commune, on peut y arriver. Il est important d’enclencher la dynamique. Si on arrive à se mettre d’accord sur la stratégie, les adaptations législatives suivront dans chaque état.

Jean-Marc Delagneau. Le thème de la santé est évidemment fondamental, mais on ne peut le dissocier des autres aspects, économiques et environnementaux. C’est un tout.

Annie Vidal: Oui, c’est un tout. De bonnes propositions sont faites. Elles visent à définir une directive d’harmonisation des systèmes de santé européens, avec la mise en commun de procédures pour garantir des stocks, une stratégie commune de productions médicales, vaccins, antibiotiques, matériel etc.
Il faut aussi renforcer et soutenir la recherche au niveau européen, harmoniser les pratiques et mutualiser les compétences.

Philippe Thillay. Faut-il aller jusqu’à un transfert de compétences ?
Annie Vidal: Oui, il faut mutualiser et partager les compétences entre acteurs de la santé au niveau européen.

Jean-Marc Delagneau. Quelles décisions la France doit-elle envisager à son tour pour renforcer l’intégration européenne, non seulement au niveau politique et institutionnel, mais aussi au niveau individuel de l’ensemble des citoyens ?
Annie Vidal : Pour une association plus active des citoyens, il faut créer des instances de dialogue sur certains sujets qu’on pourrait partager. Par exemple, le vieillissement de la population. En France, ou 28% de la population a plus de 65 ans, on a beaucoup travaillé sur ce sujet. Parallèlement, d’autres pays travaillent sur le même sujet et on refait plusieurs fois les mêmes travaux. On devrait organiser des partages de réflexions, pour que les travaux des uns bénéficient aux autres et éviter les doublons. Nos apports peuvent faire avancer les choses en même temps dans plusieurs pays. Car quand il y a un décalage l’UE intervient trop tardivement.

Alain Ropers. Pour que le domaine de la santé devienne une compétence de la Commission en tant que telle, est-il nécessaire de recourir à de nouveaux traités ?Annie Vidal: Je ne suis pas assez juriste pour vous répondre. Il est vrai que recourir à de nouveaux traités, c’est une procédure à risques. Mais je vais faire suivre la question.

Alain Ropers. Tout est souvent une question d’argent. Les ressources de l’Europe c’est actuellement environ 1% de PIB de chaque Etat. Ne pensez vous pas qu’il faut largement augmenter ce pourcentage, et que l’UE devrait disposer de ressources propres et d’un budget autonome et significatif ?
Annie Vidal : Je n’y suis pas opposée personnellement.

Jean-Marc Delagneau. Beaucoup de fonctionnaires européens, compétents et bilingues, travaillent ensemble sur bien des sujets essentiels, mais leur action n’est pas médiatisée, et trop peu connue. Ne pensez-vous pas qu’ils pourraient servir de relais ?
Annie Vidal:  Oui, il y a un effort de visibilité à faire. Il faut profiter de cette opportunité d’après crise. C’est le moment de mettre sur la table des propositions. Certains sujet sont faciles à traiter ne coûtent pas cher, et sont d’une réelle efficacité sur le terrain.

Jean-Marc Delagneau. Dans le domaine des risques, nous y sommes sensibles ici depuis l’affaire Lubrizol, on constate une absence totale de termes communs aux Européens. Des Alsaciens ont mis en place une sorte de lexique, pour que tout le monde parle de la même chose.
Annie Vidal: C’est vrai aussi dans le domaine de la santé. Il faut mettre en commun les termes, les définitions, les méthodes de calcul, de façon à pouvoir parler de la même chose avec les mêmes mots, et mieux se comprendre.

Dominique Renault (participant). On a la réserve sanitaire en France. Peut-on imaginer quelque chose de semblable au niveau européen, pour mobiliser des moyens et des énergies nécessaires lorsqu’une catastrophe se produit ?
Annie Vidal : Pourtant, au cours de cette crise, il y a eu des transferts de médecins et de professionnels. Mais même en France ça n’a pas été si fluide que ça dans la mobilisation des médecins. Je prends note de ce que vous dites et je relaierai.

Jacques Brifault (participant). La pénurie de masques du départ a été partiellement compensée par la mobilisation des fabricants de tissus qui se sont mis à fabriquer des masques lavables et réutilisables. Mais, aujourd’hui, les entreprises rechignent à acheter ces masques lavables et réutilisables, car elles ont la responsabilité des lavages alors qu’elles ne peuvent pas matériellement les gérer. Il faudrait transférer la responsabilité des lavages sur les épaules des utilisateurs.
Annie Vidal : Je connais cette situation. Les entreprises rencontrent beaucoup de difficultés pour obtenir le logo indiquant le nombre de lavages possibles. Difficultés aussi de faire face aux tests. Pour moi, il est impensable de donner la responsabilité des lavages aux entreprises, et on va essayer de revenir là-dessus. C’est en discussion, mais on constate actuellement un peu de frilosité, je ne sais pas pourquoi. On a voulu une garantie pour les salariés, mais ça pèse un peu trop lourd sur les entreprises.

Jean-Marc Delagneau. Dommage qu’il n’y ait pas de norme européenne en ce qui concerne les masques.
Annie Vidal: Dans la course contre la montre qu’on a connue, ceux qui ont produit des masques ont déjà eu beaucoup de contraintes. S’ils avaient dû en plus obtenir le logo européen, on ne s’en serait pas sorti en termes de timing. Mais les échanges d’expériences devraient finir par aboutir à une norme européenne.

Philippe Thillay. Dans d’autres pays, il y a d’autres pratiques. Il serait bon d’échanger sur ce qu’on fait ailleurs, et comment on le fait. Peut-on s’approprier chez nous en France les bonnes pratiques constatées ailleurs ?
Annie Vidal : C’est ce qu’on appelle le Retex, le retour d’expérience. C’est une bonne chose très utile. Un mouvement comme le vôtre doit pouvoir le faire aussi. Il faut contextualiser les chiffres et les corréler.
Et voir aussi de quoi sont partis les pays. En France, on savait qu’on n’avait pas la capacité en lits de réanimation pour accueillir des vagues de patients en même temps. C’est pourquoi nous avons opté pour le confinement strict. Un pays qui a eu au départ une capacité de réanimation plus importante aura choisi sans doute un confinement plus relatif.

Jean-Marc Delagneau. Les cultures sont différentes et les habitudes sont différentes. Il y a des différences aussi aussi dans les équipements. En Allemagne, il y a des lavabos partout, dans les salles de classes, à côté des tableaux noirs, par exemple.
Annie Vidal: Dans notre culture latine on est tactile. Il va pourtant falloir garder les nouvelles habitudes. La pédagogie sur les bons comportements n’est pas assez développée chez nous. Il y a quelques années, dans les films, la cigarette et l’alcool étaient omniprésents, et de ce fait leur usage semblait naturel, voire encouragé. Maintenant avec la politique de prévention, on ne verrait jamais ça. C’est la prévention qu’il faut continuer à développer.

Dom Renoult. Certaines personnes sont très “à risque”, comme les SDF, les migrants, les personnes en dessous du seuil de pauvreté. Il y a certainement un lien entre le nombre de personnes atteintes par le virus et le niveau économique et culturel des populations.
Annie Vidal: Le confinement pour certaines catégories a été plus difficile à respecter. Il y a des efforts importants à faire pour ces populations.

Jacques Brifault. J’ai assisté récemment à une réunion revente entre chefs d’entreprises, suivie d’un cocktail. J’ai constaté que les distances et le port du masque n’étaient pas vraiment bien respectés.
Cette inconscience fait craindre pour l’avenir, car elle n’est pas seulement le fait des catégories socioprofessionnelles les plus basses.
Annie Vidal: Tout un chacun doit se discipliner. Toutes les réunions sont à risque mais il est difficile de les interdire. Chacun doit avoir conscience de sa responsabilité.
Ça bouscule la manière de vivre à la française, mais il est important de modifier nos pratiques, pour ne pas faire redémarrer l’épidémie.

Jacques Brifault. C’est aux organisateurs de ces cocktails d’informer les participants, comme dans les théâtres ou les salles de conférences où on demande aux gens de couper leurs téléphones.

Jean-Marc Delagneau. Nous arrivons à la fin de cette visioconférence, et nous vous remercions pour votre participation.
Annie VidalMerci à vous aussi. J’espère avoir apporté les réponses à vos questions. En conclusion, je voulais vous dire que je suis très heureuse et fière d’avoir porté le texte qui ouvre une nouvelle branche de la Sécurité sociale, la branche autonomie. C’est un pas important vers une vraie politique de l’autonomie. Et c’est à partager au niveau de l’UE.

Philippe Thillay. Merci Madame Vidal. La visioconférence est terminée, mais le débat continue sur notre site internet.
La semaine prochaine, nous recevrons le 24 juin M. Andres Cattaneo, pour traiter de la la géopolitique de la pandémie, puis, le 26 juin Mme Stéphanie Yon-Courtin pour terminer notre mois delà santé avec le parlement européen.

Fin de la visioconférence ,à 19 h 10.

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Régie de la rencontre : Gérard Grancher, puis Philippe Thillay

Covid 19, le point de vue de Mathieu Monconduit

Covid-19 ? Qu’est-ce qu’une pandémie ?
Comment s’en protéger?

Invité : Professeur Mathieu Monconduit, hématologue, ancien directeur du centre Henri Becquerel.
Animation: Sophie Boucher
Synthèse rédigée par Alain Ropers

Première question : Pourquoi en sommes-nous arrivés à une pandémie ?
SB : Quelques mois après l’apparition de la maladie en Chine, la Covid-19 a atteint tous les continents. L’OMS a qualifié la situation engendrée par ce virus de pandémie. Cette pandémie, dont l’Europe a pendant un temps été l’épicentre, a entraîné de lourdes conséquences pour la santé et la vie quotidienne de ses citoyens. Après un retour bref sur les évènements clés qui ont jalonné cette crise sanitaire, pouvez-vous nous dire pourquoi malgré Ebola et le SRAS, nous n’avons pas mieux reconnu nos interdépendances planétaires en matière épidémique ? Pourquoi en sommes-nous arrivés à une pandémie ?

Professeur Mathieu Monconduit
Merci de m’accueillir et de me proposer cet échange. Il y a déjà eu un partenariat fructueux entre le ME76 et les semaines sociales.
On ne connaît pas bien le début de cette histoire, notamment parce que les Chinois ont une façon très particulière d’appréhender les informations qu’ils croient bon de diffuser au reste du monde. L’épidémie provient-elle d’un laboratoire dans lequel on étudiait des virus ? Vient-elle du marché aux animaux sauvages de Wuhan ayant entraîné une perturbation de l’écosystème local ?
On a déjà connu des pandémies auparavant, bien sûr, mais une pandémie avec une telle contagiosité déclenchant un tel arrêt de l’économie mondiale c’est du jamais vu. Pourtant, certains signaux existaient. Un médecin chinois, décédé depuis, a tenté d’alerter le monde.

Comme dans d’autres domaines, le réchauffement climatique par exemple, on a assisté à une certaine indifférence générale à ce qui se passait si loin de chez nous. Et, sans doute un peu trop sûrs de nos capacités sanitaires occidentales au regard des conditions sanitaires difficiles de certains autres pays, nous avons sous-estimé tout d’abord le danger, et la prise de conscience tardive a entraîné un arrêt brutal à la mi-mars.

De plus, la fin de l’épidémie précédente, le SRAS, et donc la disparition des cas, a détruit le marché potentiel pour les industriels et a interrompu les recherches.
Néanmoins les pays asiatiques, plus touchés par le SRAS, étaient restés davantage sensibilisés. Leur réaction a été beaucoup plus rapide.

Deuxième question : Quelles réactions ? Quels dysfonctionnements ?
 SB : Face à cette crise inattendue, pour faire face dans l’urgence, comment ont réagi les différents acteurs de la santé, y compris les chercheurs scientifiques ? Quels dysfonctionnements ?

Professeur Mathieu Monconduit
Les différents acteurs de santé ont réagi comme ils pouvaient, mais en France, ce n’est pas nouveau, les dysfonctionnements sont presque institués.
L’état garde ses réflexes centralisateurs, ce qui a des avantages, mais qui apporte aussi la lourdeur que l’on sait. Par exemple, lors de leur mise en place, les ARS recevaient une circulaire chaque jour. Tout cela n’aide pas les acteurs en périphérie à vivre leur autonomie, car il est difficile de décider quoi que ce soit, sans en référer au niveau national. Malgré cette mise en place des ARS, les hôpitaux publics restent culturellement moulés dans les mêmes dispositions tant dans leur fonctionnement que dans leur mode de financement.

La tarification à l’activité a entraîné les établissements à produire de l’activité (robots médicaux, imagerie, etc.) pour générer des budgets plutôt que des soins pour les gens qui en avaient besoin. Résultat, on envoyait les « fins de vie » aux urgences, faute d’avoir un lieu pour les accueillir. Décéder sur les brancards des urgences, c’est révoltant.

Face à cela, les soignants cherchaient un sens à ce qu’on leur demandait de faire, et disaient depuis longtemps que ça n’allait pas. On a vu des manifs dans les services d’urgences à l’initiative des aides-soignantes. Sait-on que le taux de suicide chez les médecins et les soignants en général est supérieur à la moyenne nationale ? On n’ose d’ailleurs pas faire le décompte des morts parmi les soignants qui ont payé de leur vie le manque des outils de travail qu’ils auraient dû avoir.

Une certaine culture imprègne le système de santé profondément. Appliquer à l’hôpital les recettes de management de l’industrie aboutit à des aberrations, comme par exemple la mauvaise gestion des masques et les changements de discours notamment sur le rôle des généralistes dans cette crise. Le conseil d’Etat, par exemple, a cru bon d’annuler les décisions des maires qui avaient recommandé le port du masque. Certains maires ont décidé que le masque était une bonne chose, mais le conseil d’Etat a annulé ces décisions.

La prévention est depuis toujours la grande oubliée du système de santé. L’Université, les Facultés de médecine ne font que peu de place aux enseignants de santé publique. Et pourtant, c’est d’intérêt collectif.

SB : Comment ça s’est passé au niveau des chercheurs ?

Professeur Mathieu Monconduit
L’aspect positif, c’est qu’on est face à l’inconnu, d’où l’intérêt de la recherche. Les outils de communication scientifique ont évolué considérablement, et on fait maintenant des pré-présentations sur internet, qui valent comme présentations pour l’avenir. Le résultat, c’est une rapidité plus grande de la communication. Beaucoup de choses ont été trouvées en très peu de temps.

L’aspect négatif c’est une sorte d’emballement industriel, pas forcément pour l’intérêt des patients. La recherche est devenue un enjeu économique majeur, et aussi un enjeu politique majeur. À cause de cet emballement, les chercheurs ont perdu un peu le coté rationnel, comme on l’a vu lors de l’épisode Raoult, avec la volonté de dire vite et d’être soutenu par un laboratoire. Son étude n’a pas été faite suivant les codes habituels (essais randomisés), donc pas validée, et on repart à zéro.

J’ai participé à un organisme de traitement du cancer il y a quelques années. Les recherches, les discussions pour décider d’un nouvel effet thérapeutique ont nécessité environ deux ans. La rigueur scientifique nécessite du temps.


Troisième question : Comment améliorer la coordination européenne
SB : La santé ne fait pas partie des compétences de l’Union Européenne, mais celle-ci doit contribuer à une meilleure coordination entre les Etats membres dans ce domaine. Comment améliorer cette coordination ?

Professeur Mathieu Monconduit
La difficulté de la coordination entre les pays d’Europe est un problème qui n’est pas propre au domaine de la santé.
Pour se mettre en réseau et se coordonner, il faut des repères communs. Or, les statistiques ne sont pas les mêmes suivant les pays. On ne compte pas de la même façon. Les chiffres portent donc sur des événements différents, et ne sont donc pas comparables. Cette différence de critères entraîne des suspicions sur les résultats, et même sur le décompte du nombre de morts! Alors que la constatation de la mort n’est en principe pas contestable, cela génère des divergences de chiffrage, car on ne prend pas les mêmes critères en considération pour classer les causes des décès. Néanmoins, c’est une première étape pour mettre en harmonie nos systèmes.

Sur la prévention et l’éducation à la santé, il y a de grandes différences. Il n’est pas impossible qu’on constate au final que les pays ayant les meilleurs systèmes préventifs auront eu les meilleurs résultats. La résolution de la crise viendra sans doute principalement du respect des gestes simples, comme le lavage des mains et la distanciation physique. Et pourtant, se laver les mains, en maternelle ça a été difficile, car il n’y a pas assez de lavabos pour les écoles maternelles.

Il n’y a pas d’action de prévention cohérente, alors que l’on sait que l’espérance de vie augmente avec la prévention, pour tout le monde. En gros, les maladies causées par le tabac, l’alcool et les mauvais comportements alimentaires consomment les 2/3 des dépenses de l’assurance maladie. On pourrait réduire considérablement ce budget par de la prévention qui ne représente pourtant que 3% des dépenses de santé. Il faudrait pour ça davantage de médecins et d’infirmières dans les établissements scolaires, par exemple. Mais nous ne faisons pas ces choix, ou plutôt nous laissons faire collectivement.

Quatrième question : Quelle fin pour l’épidémie ?
SB : Au vu des différentes épidémies qui se sont produites dans le monde au cours de notre histoire, comment se termine une épidémie ? Quels sont les différents scénarios de fin du Covid-19 envisagés par les modélisateurs et les épidémiologistes ?

Professeur Mathieu Monconduit
Je ne suis pas dans les têtes de modélisateurs ni des épidémiologistes, mais il n’y a pas de modèle connu actuellement. Nous sommes dans l’inconnu.
S’agit-il d’un virus respiratoire qui régressera avec l’été, avec une résurgence possible en saison plus fraîche ? Peut-être, mais on ne sait pas.
L’épidémie disparaîtra-t- elle ? Verra-t-on l’émergence de problèmes immunitaires nouveaux, comme la diminution de nos défenses au lieu d’une accentuation des défenses ?
Ce virus semble réagir différemment de ceux de la grippe, du sida, par exemple.

Conclusion :
Par le passé on constate que les épidémies ont disparu, non pas avec des moyens médicaux sophistiqués, mais grâce à des mesures rustiques et primaires : installations d’égouts, d’installations sanitaires, amélioration de l’hygiène, lavage de mains, etc. Ce sera sans doute la même chose pour cette pandémie.

Questions des auditeurs
Dominique Renoult : Les études épidémiologiques communes au niveau européen sont rendues difficiles parce que les items ne sont pas homogènes. Peut-on aboutir à cette homogénéisation ?

Professeur Mathieu Monconduit
Ce serait évidemment bien d’homogénéiser les items, mais cette difficulté n’est pas propre au domaine de la santé. Par ailleurs, si les études mettent en évidence des populations à risque, cela peut avoir comme effet collatéral des problèmes de mise à l’écart, etc. Nous pouvons peut-être lancer un appel collectif pour que la commission européenne s’empare du sujet.

Mireille Didienne : Pensez-vous qu’il y a des strates administratives à réorganiser voire à supprimer ? L’ARS a été créée pour faciliter les choses à l’hôpital. Est-ce le cas ?

Professeur Mathieu Monconduit
J’ai vécu la mise en place des ARS (agence régionale de santé) en remplacement des ARH (agences régionales d’hospitalisation) pour réguler le fonctionnement des hôpitaux publics et rassembler tout le monde de la santé pour les faire travailler ensemble. C’était une révolution culturelle car il s’agissait de rassembler des personnes dont les statuts étaient très différents. Puis il y a eu les Conférences régionales de santé qui donnaient leur avis sur le fonctionnement des ARS, mais qui n’ont pas de pouvoir direct sur les budgets des financements des hôpitaux. Le financement reste centralisé par l’assurance maladie ou par l’Etat. Sans maîtrise des financements, et sans autorité sur certains secteurs, l’ensemble du système est en tension, et au final, les ARS sont passées du rôle de facilitateur au rôle de méchant inspecteur.

Max Martinez : Je confirme que beaucoup d’élus considèrent les ARS comme les gendarmes de la santé.

Professeur Mathieu Monconduit
J’ai les mêmes échos. Il y a eu une évolution qui s’est produite au fil des années. Les relations se sont tendues. La centralisation n’a pas diminué, au contraire. La marge de manœuvre s’est réduite. Les ARS ont le pouvoir d’ouverture ou de fermeture des établissements pour des raisons de santé publique en principe. Cette confusion des rôles est un peu la même chose que la confusion des rôles qui existe entre la responsabilité du comité scientifique, et les décisions que doit prendre l’élu au vu de ses recommandations.

Fin de la visioconférence
Télécharger le compte-rendu

 Résumé par Alain Ropers – Remerciements par Sophie Boucher – Fin à 19 h 30

Réalisation de la visioconférence 
Gérard Grancher

 

du 2 au 5 juin : Covid-19, l’état des lieux.

Cette semaine, nous nous attacherons plus particulièrement à mieux comprendre ce qu’est la pandémie, comment ont réagi les acteurs de la santé et plus largement qui sont les différents acteurs concernés, quels sont les risques de voir une telle situation se reproduire, comment s’en prémunir ?

Au programme

  • des vidéos à découvrir:

  •  Des graphiques à décrypter: Aller les voir

  • des articles à lire:

    • Gestion du coronavirus : ce sont des hommes qui donnent les ordres : un article de Gaby Hinsliff, publié dans le Guardian et traduit par Florence Aston. Lire l’article
    • Symptômes du coronavirus : les plus courants, hommes-femmes, durée: Les symptômes décrits par les scientifiques chinois sont différents de ceux constatés en Europe, le virus a-t-il muté ? La maladie ne prend pas la même forme chez tous les patients atteints de la Covid-19, certains n’ont pas de symptômes respiratoires. Que faire ? Quelle évolution ? Combien de temps pour que la maladie se déclare ? Combien de temps pour s’en remettre ?
      Lire l’article
    • Inserm: SARS-CoV-2 : comprendre comment il se réplique… pour l’en empêcher ! À Marseille, Isabelle Imbert allie modèles biologiques et prédictions informatiques pour étudier les enzymes nécessaires à la réplication du SARS-CoV-2. Ces travaux ont permis aux chercheurs de gagner 10 ans. Les recherches avancent pour mettre au point des traitements antiviraux contre la Covid-19. D’abord les tests in vitro pour perturber la réplication de l’ARN du virus, ensuite travaux afin de prédire l’activité de l’enzyme. Comprendre pour l’empêcher de se reproduire. Accéder au site
    • Inserm: Tabagisme et Covid-19 : que montrent les publications scientifiques ? La nicotine pourrait-elle avoir des effets protecteurs ? En Chine on a constaté un taux particulièrement bas de fumeurs chez les patients en réanimation atteints de la Covid-19, mais les fumeurs sont généralement plus jeunes. Les travaux sont contradictoires, mais se tourner vers la cigarette pour se prémunir contre la maladie n’est pas conseillé. Lire l’article 

    • CHU de Rouen: Pour comprendre les effets des médicaments sur la Covid-19, découvrez l’interview de Vincent Richard, professeur des universités en Pharmacologie (études des médicaments). Lire l’article
    • une situation sans précédent: Découvrez le point de vue de Florence Aston adhérente du Mouvement européen 76. Lire l’article

Gestion du coronavirus : ce sont des hommes qui donnent les ordres

Traduction par Florence Aston de l’article du Guardian de Gaby Hinsliff : On coronavirus, men are calling all the shots. We’re seeing why it matters
https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/may/22/coronavirus-me-call-shots-women-cautious-government?CMP=Share_iOSApp_Other

Présentation de l’article

Le Royaume-Uni est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre de décès. Au début de l’épidémie, le chef du gouvernement avait décidé d’adopter la même méthode que les Suédois, mais il a changé de politique lorsque le nombre de décès est devenu incontrôlable, continuant toutefois à dire qu’il n’avait peur de rien et serrant les mains de tout le monde y compris des malades atteints de la Covid. Cela a conduit à son hospitalisation et au désastre sanitaire. La journaliste qui a écrit l’article ci-dessous reprend les propos d’une députée du Labour qui attribue l’échec de la gestion de l’épidémie à la composition du gouvernement qui ne comporte que très peu de femmes. Elle donne en exemple les pays gouvernés par des femmes, mettant en avant que les gouvernements paritaires ont mieux géré la crise du Coronavirus.

L’article comporte une courte vidéo filmée à la Chambre des Communes où l’on voit une députée du Labour reprocher à Boris Johnson le peu de femmes que comporte son gouvernement pour gérer la crise du Coronavirus alors que les femmes constituent l’essentiel des équipes médicales qui affrontent l’épidémie.

Lire l’article en son entier

La Covid-19 : une situation sans précédent.

Par Florence Aston

La pandémie de la Covid-19 nous a plongés dans une situation sans précédent. L’humanité a certes toujours connu des épidémies, mais pas au niveau planétaire. Même la grippe « espagnole » venue des États-Unis en 1918 n’avait pas semer l’anxiété, justifiée, que nous vivons en ce moment.

La Covid-19 est une maladie que les médecins découvrent au fur et à mesure. La solidarité et la mise en commun des observations ont permis de mieux prendre en charge les patients souffrant de la Covid-19 avec des atteintes graves. Certains malades se rendent à peine compte d’être atteints : cette jeune femme a perdu l’odorat ; d’autres auront eu moins de chances et ont été touchés par une forme plus sévère et devront subir une réanimation lourde suivie d’une longue rééducation ; enfin environ 30 000 personnes en France en sont mortes. Le nombre impressionnant et longtemps croissant de patients décédés a créé une angoisse compréhensible dans la population.

Les médecins ne prescrivent pas de traitement aux malades qui peuvent rester à leur domicile car il n’en existe pas pour le moment dont les tests aient été validés avec succès. Les recherches sont intenses dans tous les pays riches. C’est la course à qui trouvera le premier un vaccin ou traitement. Des pistes ont donné des espoirs : le BCG a-t-il un effet préventif ? La nicotine peut-elle limiter l’action du virus ? On cherche désormais à protéger les personnels de santé, qui n’ont pas à être les premières victimes de l’épidémie, personnels dont nous avons plus que jamais besoin, qui ont payé un lourd tribut, allant au combat au début de la pandémie sans les protections nécessaires. Dans ces conditions, la tentation d’avoir recours à un produit miracle est forte.

L’apparition d’une telle maladie est sans précédent, mais le comportement de beaucoup de gens a également été sans précédent. Nous avons vu, ébahis, l’importance donnée aux non-scientifiques : le traitement médiatique et les interventions des hommes politiques, suppléant sans vergogne les médecins et les scientifiques, se prenant pour des experts, confirmant l’efficacité de produits pharmaceutiques non testés dans le cadre de cette maladie. Ils se répandent dans les médias, les réseaux sociaux et les journaux télévisés, dépossédant les scientifiques de la parole scientifique. Jusqu’à l’Assemblée Nationale où les élus commentaient, affirmaient, mais ne démontraient jamais. La sagesse voudrait qu’on laisse aux scientifiques le soin d’expérimenter et de débattre entre eux et enfin de tirer les conclusions en ce qui concerne les questions médicales et pharmaceutiques. La polémique autour du Professeur Raoult a pris un tour politique, le chercheur est devenu le héro de l’antisystème. Le virus n’est ni de droite, ni de gauche et si nous n’allons pas tous mourir, beaucoup seront touchés.

Et l’Europe dans tout cela ? On peut voir le verre à moitié plein et ne pas se lamenter parce que nous n’avons pas, entre pays de l’UE, trouver le moyen de collaborer tous ensemble sur les études comparatives et sur des échantillons de patients. L’essai français Discovery coûterait 5 ou 6 000 € par patient ; certains pays ont trouvé cette méthode de recherche trop onéreuse et aucun accord n’a pu être trouvé. Nous devons cependant reconnaître que l’UE a aidé à ralentir la propagation du virus, a mis à disposition du matériel médical, a aidé les chercheurs pour qu’ils trouvent plus vite un vaccin, a fait rapatrier les citoyens de l’UE, a stimulé la solidarité européenne en encourageant les différents membres à venir en aide aux équipes médicales des pays frontaliers dont les hôpitaux n’étaient plus capables d’accepter de patients parce que ces équipes étaient débordées. L’UE a soutenu l’économie, protégé l’emploi, soutenu la relance, aidé à trouver des solutions mondiales et a très énergiquement lutté contre la désinformation concernant la Covid-19. De plus l’UE lutte depuis longtemps pour la préservation de la santé de ses citoyens par de nombreuses autres petites mesures. Je ne donnerai qu’un seul exemple pour que cet article ne soit pas trop long. L’UE a interdit la construction d’abattoirs géants. Ces immenses abattoirs avaient pour but de réduire le coût de la viande pour le consommateur, une fausse bonne idée. Je ne parlerai pas des considérations éthiques ou environnementales, faire parcourir des centaines de kilomètres à des bêtes pour les conduire à l’abattoir certes coûte du pétrole et ne respecte pas le bien-être des animaux, mais engendre des conditions sanitaires dangereuses pour les humains. Plusieurs abattoirs, avec leurs bâtiments bruyants où les employés sont obligés de parler très fort pour être entendus, se sont révélés être le mois dernier le lieu de « clusters » de la Covid-19. Les abattoirs plus proches du consommateur, de petite taille, n’ont pas été confrontés à ces problèmes et sont donc moins dangereux pour ceux qui y travaillent.

Le système de santé de chaque pays de l’UE est de la compétence de chacun de ces états. L’UE peut cependant travailler à faire rapatrier assez d’usines pharmaceutiques ; nous avons les laboratoires de recherche, nous ne devons plus dépendre d’usines implantées à l’autre extrémité de la planète et devons être en mesure d’assurer, entre Européens,  et de trouver rapidement les moyens matériels de veiller à la santé de nos compatriotes. Reste à nos pays respectifs de trouver les budgets (et donc d’arrêter les coupes sombres dans les budgets des hôpitaux des pays qui cherchent à réduire leur dette nationale), budgets qui doivent être prioritaires afin de placer ces pays en capacité de donner aux personnels médicaux, soignants et hospitaliers du matériel médical, des moyens, et des conditions de travail dignes de leur immense savoir-faire et de leur incommensurable dévouement.

Rouen, le 28 mai 2020.   Florence Aston