Et l’Europe dans tout cela, le point de vue de Stéphanie Yon-Courtin

Visioconférence du 26 juin 2020 – 10 h

Invitée : Stéphanie Yon-Courtin, députée européenne (Renew Europe)
Animation : Philippe Penot (PP)
Synthèse rédigée par : Alain Ropers

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Présentation de l’invitée et propos d’accueil par Philippe Penot.
Stéphanie Yon-Courtin, avocate de formation a été élue en mai 2019 députée européenne. Elle est spécialisée dans le domaine du droit de la concurrence, a exercé en qualité de juriste à la Commission Européenne et, de ce fait, possède une bonne connaissance de nos institutions européennes. À noter son ancrage territorial en Normandie où elle a été élue Maire de Saint-Contest en 2014.
 « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises », écrivait Jean Monnet dans ses Mémoires. A l’heure où l’Union Européenne vit sa plus grande crise sanitaire, il sera intéressant de voir si, à long terme, ce principe d’un des pères de la Communauté Européenne se vérifie.

L’Europe au temps du coronavirus s’est montrée dispersée, peu solidaire, chaque État choisissant sa version d’un confinement plus ou moins strict, d’un déconfinement plus ou moins rapide. « La crise a mis l’accent sur des défaillances des systèmes de santé nationaux et sur le manque de compétence de l’UE pour répondre à ces défaillances », résume Claire Dhéret, responsable d’un programme de recherche sur « Europe sociale et bien-être » au European Policy Center. Pour certains, cette gestion étatique a montré l’inutilité de l’Union européenne. Pour d’autres, au contraire, une véritable Europe de la santé n’a jamais été aussi urgente.

Première question. Les armes de l’Europe face aux crises.

Philippe Penot : Alors diriez-vous avec Jean-Yves Le Drian que : “L’Europe a eu du retard à l’allumage”, mais “s’est bien rattrapée” ?   A la lumière de la gestion de la crise sanitaire actuelle pensez-vous que l’Europe est, d’un point de vue institutionnel, bien armée pour les affronter avec toute la réactivité exigée par les circonstances ?
Stéphanie Yon-Courtin : Merci de m’accueillir. Vous avez mentionné dans votre présentation l’ancrage territorial. Oui, il est plus que jamais nécessaire d’être ancré sur les territoires. Je suis, pour ce qui me concerne, toujours conseillère départementale du calvados.
Jean Monet disait fort justement que l’Europe se construirait grâce aux crises, et ça peut tout à fait être le cas cette fois-ci. S’il a été dit que l’Europe a eu du retard à l’allumage, cela montre a contrario que la population a une très forte attente de la part de l’Europe. Les dernières crises auxquelles l’Europe a dû faire face étaient d’ordre financier ou économique, et on pouvait mieux en cerner les causes, et même pointer du doigt un responsable. Là, c’est différent. La pandémie nous est tombée dessus de façon inattendue, et sans qu’on puisse l’attribuer à qui que ce soit en particulier. Les reproches qu’on entend ici ou là ne s’adressent pas aux responsables indéterminés de la pandémie, mais concernent la façon dont le problème a été pris en compte par les uns ou les autres.

Au niveau de l’Europe, et malgré les circuits complexes qui la caractérise, des décisions ont été prises très rapidement : assouplissement budgétaire (la fin du verrou de Maastricht), déblocage de 120 milliards d’euros pour des rachats d’actifs et pour des investissements, etc. Et ce, malgré le fait que la compétence en matière sanitaire relève des États membres et non de la Commission. Pour changer cela, il faudra passer par de nouveaux traités, et donc il faudra l’unanimité, ce qui ne simplifie pas les choses. De plus, dans certains États membres, cette compétence en matière sanitaire ne relève même pas de l’État, mais des entités régionales. Et c’est le cas notamment des pays les plus touchés par le virus, l’Espagne et l’Italie.

Ce n’est pas à l’Europe de venir au secours des systèmes de santé défaillants. Il faut proposer quelque chose, et certains y travaillent au Parlement Européen, pour muscler le rôle de l’Europe dans ce domaine, et lui permettre de coordonner les actions des États membres. Cette coordination n’est pas facile, puisque cette fois, par exemple, chaque État n’a pas été touché de la même manière ou avec la même intensité, ni au même moment.

Ça n’a pas empêché la solidarité de fonctionner. Quelques exemples parmi d’autres : La France a donné 1 million de masques et de tenues de protection à l’Italie, l’Allemagne donné des tonnes de masques, l’Autriche le Luxembourg la Grèce ont accueilli beaucoup de patients venant des autres pays, les États se sont entraidés pour rapatrier énormément de monde. De plus, on a pu débloquer des fonds pour la recherche qui a travaillé en concertation, des reliquats de fonds régionaux inemployés ont été mobilisés, etc. En résumé, il y a eu une vraie dynamique, bien au delà des compétences de la Commission Européenne.

Deuxième question. Efficacité et types de régimes.

Philippe Penot : J’aimerais aussi entendre votre sentiment sur ce débat qui agite nos sociétés : les régimes autoritaires seraient plus efficaces pour lutter contre les crises sanitaires et, corollairement, les démocraties adoptent des mesures régressives de nos libertés, généralement temporaires, sauf à utiliser la crise comme prétexte pour s’installer durablement dans un régime illibéral, y compris au sein de l’Europe.
Stéphanie Yon-CourtinC’est un point sur lequel on est vigilant. Les périodes de crises sont souvent des opportunités pour les régimes autoritaires et les dictateurs en germe qui profitent de l’état d’urgence pour mettre en place des mesures liberticides, museler le parlement, les juges et les journalistes. Victor Orban n’a pas attendu la crise pour le faire. Mais, l’Europe s’est construite sur des valeurs de respect des droits de l’homme et des valeurs démocratiques qu’il ne faut pas oublier et qui ne sont pas négociables. Une collègue hongroise a vu sa photo placardée la montrant avec un fusil pointé sur elle et la mention « il faut les tuer, ce sont les ennemis de la Hongrie ». Elle nous a envoyé un SOS. Le parlement a adopté une résolution indiquant que l’état d’urgence en Hongrie ne pouvait pas être maintenu indéfiniment, car incompatible avec les valeurs européennes. En France, par opposition, les mesures de restrictions de liberté sont strictement proportionnées et limitées dans le temps. Actuellement, nous travaillons sur les prochains budgets, et beaucoup d’entre nous veulent introduire pour la perception de fonds régionaux, des critères de conditionnalité au respect des valeurs démocratiques et de l’état de droit. Ce sont justement les pays qui cherchent à s’affranchir des valeurs européennes qui perçoivent le plus de fonds régionaux. Dans l’ensemble, ce principe de conditionnalité est assez accepté, mais avec un bémol : Victor Orban fait partie du FIDES, dont les députés siègent au PPE. Et la droite française, ne se démarque pas suffisamment  de ses positions et se refuse à exclure le FIDES du PPE.

Troisième question. Compétences de l’Europe.

Philippe Penot : La santé publique est, par principe, de la compétence interne des Etats membres, même si l’action de l’Union européenne se manifeste déjà en matière de santé dans les domaines de l’information, l’éducation, la prévention, la surveillance ou la recherche. Nul doute qu’à la lumière de cette crise, des améliorations, extensions de compétences … seront envisagées.
A-t-on déjà quelques idées de dispositions souhaitables et quelles chances ont-elles d’être mises en œuvre et quelles seront les actions prioritaires ?
Et, corollairement, l’Europe devrait-elle se doter de moyens de fiscalité propre pour une action plus efficace ?
Stéphanie Yon-Courtin: Permettre à l’Europe d’avoir des compétences réelles, oui. Mais il faut des moyens financiers à la hauteur de ces nouvelles ambitions. La création de ressources propres est en discussion pour le budget en cours. On travaille notamment sur la fameuse taxe GAFA visant à faire contribuer les géants du numérique. Et d’autant plus qu’il faut mettre au point  dès maintenant des plans de gestion de crise, car une deuxième vague n’est pas exclue, pas plus qu’une autre pandémie. Nous avons fait des propositions pour un programme santé  de 10 milliards d’euros, soit 23 fois plus qu’évoqué avant la crise. La crise peut avoir du bon. Ce programme va de la réaction aux crises, à la lutte contre les inégalités face aux problèmes de santé, et à l’aide à la coordination et l’harmonisation des systèmes sanitaires des États membres. Il est actuellement en cours de discussion entre la Commission, le Parlement et le Conseil pour trouver une position commune.

L’Europe est un géant politique en germe mais un nain budgétaire. Son budget ne représente que seulement un peu plus de 1% du PIB de chaque État, alors qu’il y a énormément de choses à financer, et d’autant plus qu’il faut trouver un budget supplémentaire, en remplacement de celui que l’Union Européenne perdra avec le départ du Royaume Uni. La renégociation du CFP (cadre financier pluriannuel), définissant la liste des ressources possibles est en cours de discussion. On cherche la possibilité d’instaurer des taxes et redevances là où on peut, comme sur les plastiques ou autres. Le parlement Européen est maintenant co-législateur, notamment en matière de budget, et on ne votera pas le budget s’il n’est pas assez ambitieux.

Mais il faut aussi discuter aussi avec ceux qui ne sont pas d’accord pour une augmentation de budget comme les pays dits « frugaux ». Augmenter les compétences sans augmenter le budget paraît pourtant illusoire. Si chaque État membre se met à taxer les GAFA à sa façon, avec des taux différents, ça n’a pas de sens car l’homogénéité n’est pas respectée. Il vaut mieux avoir la même taxe pour tous. Emmanuel Macron et Angela Merkel ne ménagent pas leurs efforts sur le sujet, avec leur proposition d’une émission de dettes communes mutualisées. C’est encore plus nécessaire au moment où Donald Trump vient d’annoncer, par son Secrétaire d’État, son intention de voir les USA quitter l’OCDE.

Dernière question. Opportunité.

Philippe Penot : En guise de conclusion, la crise du Covid-19, après celle des migrants et le Brexit, risque-t-elle être la crise de trop pour l’Europe ou au contraire une opportunité pour le réveil européen et pour que l’Europe s’affirme comme puissance souveraine de son destin ? Et que peut-on attendre de la conférence sur l’avenir de l’Europe ?
Stéphanie Yon-Courtin : Il n’y a jamais eu une crise de trop. À chaque fois, quand elle est au bord du gouffre, l’Europe s’affirme. C’est comme après la deuxième guerre mondiale. L’Europe, c’est un espoir et c’est aussi un devoir. Les lignes commencent à bouger. C’est une opportunité à saisir plus que jamais, car la crise a aidé beaucoup d’États membres, à s’intéresser davantage au social et à la solidarité. C’est le moment d’utiliser ce marché européen pour réaffirmer nos valeurs démocratiques, notre attachement à l’état de droit et à la libre circulation, ce qui profitera à tous, y compris aux salariés.

Les économies sont trop interdépendantes pour s’en sortir seules. La souveraineté européenne c’est la somme des souverainetés nationales, elles sont complémentaires.
Jean Monnet disait au sujet de la construction européenne : « Je ne suis ni optimiste ni pessimiste, je suis réaliste ». Churchill, quant à lui, avait cette phrase : « Never underrate a good crisis ». (Ne jamais sous-estimer l’intérêt d’une bonne crise)

On prépare la conférence sur l’avenir de l’Europe. Il s’agit d’associer les citoyens, et toutes les parties prenantes, dès que les conditions sanitaires le permettront. La question c’est de savoir comment rendre l’Europe plus efficace et plus démocratique, car  on constate un déficit de démocratie et de citoyenneté européenne.
L’Europe doit arrêter d’être naïve et se rendre compte des rapports de force. On n’a plus le choix que d’être ensemble, surtout depuis le Brexit. L’Europe est loin d’être achevée. Elle est reconnue, et enviée, notamment par les Américains, car elle offre à leurs yeux des avantages fabuleux, comme le chômage partiel, etc.

Questions des participants.

Dominique Renoult. L’Union Européenne a une compétence en matière de santé, avec l’agence des médicaments, même si c’est peu connu. Quelles sont les extensions possibles du rôle de l’Europe en la matière ?
Stéphanie Yon-Courtin : On vient de faire une petite brochure regroupant nos propositions. L’agence européenne du médicament  à laquelle vous faites allusion n’est pas armée, par exemple, pour faire face à une pénurie de médicaments. Vous savez que 80% des principes actifs des médicaments sont fabriqués en Chine ou en Inde. L’extension des pouvoirs de l’Union Européenne est nécessaire pour harmoniser les règles dans chaque État. Cela repose sur trois piliers.
Premièrement, il faut établir une souveraineté sanitaire européenne et un approvisionnement sécurisé. Pour cela il faudra autoriser des aides des États, pour que les industriels puissent relocaliser. Il faut aussi établir des critères prioritaires dans les appels d’offres. Il faut créer des établissements pharmaceutiques à but non lucratif pour produire des médicaments en cas de crise. Il faut sortir du giron de la productivité et de la rentabilité, pour que le médicament puisse devenir un bien commun.
Deuxièmement, il faut mieux coordonner l’action européenne, notamment pour créer une réserve européenne sanitaire de médicaments, avoir recours à des achats groupés, et recourir à un pilotage centralisé dans la chaîne de distribution.
Enfin, troisièmement, il faut renforcer la coopération entre les États membres, pour connaître et mieux gérer les stocks. Il faut simplifier les législations, et avoir une meilleure lisibilité des mesures réglementaires en temps de crise. Il faut introduire la notion d’intérêt thérapeutique majeur pour certains produits comme les vaccins, pour leur éviter de tomber dans le giron de certains intérêts privés.

Gérard Grancher : Plusieurs questions se regroupent sur le thème de l’appartenance du parti de Victor Orban au PPE, à son exclusion éventuelle qui le ferait renforcer les groupes d’extrême droite au Parlement Européen et augmenterait ainsi la sphère d’influence de la Russie. Qu’en pensez-vous ?Stéphanie Yon-Courtin : Effectivement, l’exclure comporte des risques, mais ne pas l’exclure et le laisser agir c’est ouvrir la porte à d’autres agissements comparables. C’est aussi très dangereux sans doute encore plus dangereux. Il faut être cohérent avec les valeurs qui fondent notre union. C’est un équilibre à trouver.

Charles Maréchal : Nous avons réalisé une union monétaire, mais pas une union budgétaire. Si nous ne faisons pas cette union budgétaire, aurons-nous jamais la force financière de nos ambitions ?
Stéphanie Yon-Courtin : Je suis entièrement d’accord. Notre union monétaire n’est pas aboutie. Christine Lagarde remarquait le décalage dans l’opinion entre le plébiscite de l’Euro et l’opposition contre la BCE « et tous ces machins ». Il faut avancer sur l’union budgétaire et sur une union plus économique. Il faut aussi réorienter l’épargne pour investir dans l’économie réelle et participer à la relance de notre pays.

Dominique Lacaille : Mettre en place des plans pluriannuels, n’est ce pas revenir à l’époque de Michel Rocard ?
Stéphanie Yon-Courtin : L’idée c’est de permettre aux décisions d’être prises sur le long terme. Il faut des plans adaptés, mais on est loin de la planification soviétique ! Derrière les mots, il faut une stratégie et du pragmatisme, une articulation entre les niveaux européen, national et local et redonner du sens à notre devise « unis dans la diversité ». On peut imaginer un noyau dur sur les axes majeurs, tout en laissant la possibilité aux États d’adapter les modalités en fonction des spécificités nationales voire locales. Nous devons transcender les clivages politiques, et ça, ça me plait bien. Faisons l’Airbus de la batterie, de la 5G et que sais-je… Réinventons, transcendons les dogmes et les clivages, en respectant les convictions  de chacun, par la méthode de compromis et de consensus ! Ça passe ou ça casse ! Si on n’a pas d’Europe, ça fera  très mal. Si les Chinois et les Américains cherchent à nous diviser, c’est qu’ils craignent l’Europe. Profitons-en ! Disons-leur de venir investir chez nous, mais avec nos règles.

Letycia Ossibi : Que prévoit l’UE pour le tiers monde ?
Stéphanie Yon-Courtin : Actuellement un sommet Union Européenne Afrique est en préparation. On évoque la suspension de certaines dettes et des renégociations, pour permettre à certains pays d’investir, notamment dans les domaines sanitaires.

André Calentier : Faut-il garder le Parlement Européen à Strasbourg ? Les dépenses  qu’il génère en temps et en argent pourraient être mieux investies ailleurs. Et les bâtiments pourraient être transformés en musée de l’Europe.
Stéphanie Yon-Courtin : La question n’est pas iconoclaste, et elle est actuelle surtout en période de crise. Mais il est difficile de répondre surtout quand on est français. Oui, il y a une perte de temps et d’argent, mais d’un autre côté ce n’est pas mal de ne pas tout avoir à Bruxelles. Le Parlement est le seul organisme qui représente directement les citoyens européens, et tout concentrer à Bruxelles symboliquement c’est réduire la démocratie à la bureaucratie. L’Europe se trouve partout et non seulement dans son noyau. De plus, le Parlement de Strasbourg a été utile pendant la pandémie, car il a ouvert ses portes pour l’hôpital. Mais ça ne se sait pas, car les élans de solidarité ne font pas le buzz médiatique. De même, à Bruxelles, on a accueilli les femmes brutalisées.

Venez, venez donc nous voir. Nous vous accueillerons avec plaisir, et nous écouterons les idées que vous nous donnerez sur tout ça.

Philippe Penot : Nous arrivons au terme de cette visioconférence. Il reste certaines questions que nous poserons par mail. An nom de tous, je vous remercie pour votre intervention. Merci encore.
Stéphanie Yon-Courtin : Merci à vous. Vous êtes là aussi pour relayer tout ce que l’Union Européenne fait de bien et qui passe trop souvent  inaperçu. Par exemple sait-on que les masques sont financés à 80% par les fonds européens ? Merci aux deux Philippe. Ma permanence vous est ouverte, ainsi que votre maison, à Bruxelles ou à Strasbourg. Au revoir !

Régie de la rencontre: Gérard Grancher

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 Fin de la visioconférence à 11 h 10.

Géopolitique de la pandémie, le point de vue de Andres Cattaneo

Semaine 4 : Thème de la semaine : Approche géopolitique de la crise sanitaire.

Visioconférence du 24 juin 2020 – 19 h
Invité : Docteur Andrés Cattaneo, médecin néphrologue,membre de plusieurs groupes de réflexion

Animation : Philippe Thillay
Synthèse réalisée par : Alain Ropers

Propos d’accueil par Philippe Thillay, qui rappelle le déroulement de notre mois de la santé, fait un point de la situation, et présente les thèmes qu’il désire voir aborder pour la quatrième et dernière semaine. Il présente Andrés Cattaneo qui récuse par modestie la qualité d’expert international, malgré la dimension incontestablement internationale de son parcours : Argentine, Suisse, Allemagne, France, Chine.

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Premier thème : L’état de notre système de santé.

Philippe Thillay : Le système sanitaire français et la gestion globale de la crise ont été sévèrement critiqués dans les médias pendant la pandémie. Peut-on analyser l’état de notre système de santé et quelles ont été les défaillances quatre mois après le début de l’épidémie ?

Docteur Andrés Cattaneo: Il est vrai que la circulation médiatique a surtout mis l’accent sur la faillite de notre système de santé, ses lourdeurs, et qu’on a peu parlé de ce qui a bien fonctionné. C’est pourquoi, je voudrais rappeler quelques données factuelles, tirées d’une étude de l’OCDE 2019.
Le système de santé français n’est pas sous financé.  On ne peut pas parler de manque de moyens, puisque la santé représente en France environ 11% du PIB, à la première place en Europe, à égalité avec l’Allemagne et la Suède, pour une moyenne de 8,8% dans les pays de l’OCDE. Rapportée au nombre d’habitants, la France occupe la sixième place, derrière les pays nordiques, avec une dépense de 3600 € par habitant, pour une moyenne européenne de 2600 €.
L’espérance de vie (83 ans) est plutôt bonne en France. Elle est supérieure à celle de l’Allemagne (pour les femmes) et à la moyenne européenne (81 ans). Les chiffres de surmortalité liée au coronavirus sont plutôt corrects si on compare à d’autres pays européens. 

Alors, comment expliquer cet écart entre le diagnostic de l’OCDE et la perception généralement partagée d’un déclin du système de santé français ?
Notre système de santé a révélé à la fois de l’excellence, notamment dans la qualité des soins, dans notre capacité à avoir doublé en quelques jours notre capacité d’accueil hospitalier, et de la médiocrité à cause de ses faiblesses dans le domaine de la coordination et de la prévention. Pour faire face à une deuxième vague quasiment certaine, il faudra une stratégie claire, une coordination meilleure entre les divers acteurs de santé (hôpitaux, cliniques privées, médecine de ville, etc.) à travers un commandement décentralisé et adapté.

La prévention est le parent pauvre de notre système de santé. Moins de 2% du budget est alloué à la santé publique et à la prévention, contre 3,5% en moyenne dans l’Union Européenne. Cela se manifeste par un dysfonctionnement au niveau de la prise en compte des risques, par exemple en ce qui concerne dans le cas présent : les masques, les tests, les médicaments.

Les masques. C’est basique, mais efficace, comme l’ont montré les pays asiatiques et ceci malgré les premiers discours gouvernementaux. La France avait en 2007 un stock de 1,6 milliard de masques permettant d’équiper la population et les soignants. Ce stock, ayant atteint sa date de péremption, n’a pas été totalement renouvelé, et on a décidé que les masques FFP2, les masques chirurgicaux, seraient à la charge des hôpitaux. Or, comme ceux-ci sont en faillite, il n’y a pas eu suffisamment de masques pour les soignants. C’est une erreur.

Les tests. Il y a eu du retard à la mise en service, et leur nombre a été insuffisant. Le Gouvernement a donc dû réserver les tests aux malades admis en réanimation, et ainsi, des porteurs asymptomatiques non testés ont continué à disséminer la maladie sans le savoir.

Les médicaments. Ce n’est pas la pandémie qui a mis notre système en difficulté, des tensions étaient déjà signalées dès 2018, du fait de la délocalisation de la fabrication des médicaments. Par exemple, le principe actif du paracétamol, l’APAP  était produit dans les usines françaises à raison de 8000 tonnes par an jusqu’en 2008. Mais le prix de revient pour une quantité donnée, était de 4 € environ, contre 2 à 3 € en Inde ou en Chine. La délocalisation a permis à l’industrie pharmaceutique de réaliser des économies, mais aussi de s’affranchir des contraintes environnementales. Le paracétamol n’est pas un cas isolé, puisque aujourd’hui, 80% de nos médicaments sont fabriqués en Asie ou ailleurs et 20% en France, ce qui pose, entre autre, le problème de la traçabilité des produits. Pendant cette crise, l’Inde et la Chine ont fermé leurs exportations, et nous nous sommes trouvés à cours. Néanmoins, pour le futur, il ne faut pas regarder dans le rétroviseur, et l’autarcie n’est pas forcément la solution, car on doit analyser tous les coûts de la relocalisation. Si on construit des usines Seveso, avec tous les risques et toutes les conséquences sur l’environnement, pour produire le paracétamol en France, ce ne sera même pas forcément accompagné de création d’emploi car tout sera robotisé.

En ce qui concerne la coordination, la France est mal placée. En voici trois exemples.

  • Coordination entre le niveau national et le niveau régional: C’est un mille-feuille mal coordonné. Les ARS (Agences Régionales de Santé) sont en principe autonomes financièrement et fonctionnent avec un budget propre. Elles sont censées piloter la politique de santé, et réguler l’offre de santé au niveau régional. Mais les ARS sont elles mêmes coordonnées, c’est le ministère de l’économie qui fixe les budgets et le ministère de la santé qui définit les orientations. Dans les faits, l’ARS est toujours gérée par l’état.
  • Coordination avec la médecine de ville : On assiste, de la part de la médecine de ville, à l’abandon de certaines tâches comme les services de garde, ce qui contribue à l’engorgement des services d’urgences des hôpitaux. Mais cette fois-ci la médecine de ville a répondu présent et a fait largement face, bien que non associée en amont aux décisions. De la même façon on n’a pas pensé utiliser les compétences des laboratoires de ville pour le développement de test PCR. En France, quand on parle de santé, on pense hôpitaux, mais on ne va pas au bout de la logique, et on oublie que le système repose sur bien d’autres acteurs.

Coordination politico-scientifique : Cette coordination a été à géométrie variable. l’État, en se retranchant derrière l’avis des comités scientifiques, s’est comporté comme l’auxiliaire exécutif des sachants, en mettant en œuvre les préconisations de la « vérité » scientifique, ce qui a vidé la démocratie représentative de sa substance. Or la science ne produit pas de vérité, elle cherche à comprend et à décrire le monde. Elle ne peut pas servir d’argument politique pour justifier telle ou telle mesure. D’autre part, pourquoi avoir choisi un conseil si restreint, alors qu’il y a beaucoup de compétences dans ce domaine, dans les universités entre autres ?
Notre système souffre aussi de la logique financière. Depuis les années 2000, l’hôpital public, en concurrence avec les cliniques privées, doit satisfaire les critères de bonne gestion des deniers publics. Le concept d’hôpital-entreprise s’est imposé dans les faits et dans les esprits, ce qui a entraîné la suppression de 80 000 lits en 20 ans. La tarification à l’activité a eu des conséquences délétères. Le budget étant fondé sur le nombre des actes effectués, cela a entraîné une multiplication des examens, et des soins « rentables » au détriment de certains soins moins « rentables ».
Notons encore deux points : en France, les salaires des infirmières sont très largement inférieurs à ceux des autres pays européens, et les médecins sont trop peu nombreux.

Deuxième thème : Les résultats différents selon les pays.

 Philippe Thillay : Les comparaisons de la gestion de crise entre la France et l’Allemagne en matière de santé ont été également très commentées. Peut-on dire que les résultats globaux sont différents entre les deux pays et si oui pourquoi ?

Docteur Andrés Cattaneo ; Les deux approches sont très différentes. Le fédéralisme allemand semble plus efficace que le centralisme français, le taux de létalité semble le confirmer. C’est une opposition entre la monarchie républicaine et la démocratie parlementaire, entre le jacobinisme et le fédéralisme. En Allemagne, le consensus est la vertu cardinale, on ne peut pas dire que ce soit le cas en France, où il est perçu comme une compromission, voire une soumission.
L’Allemagne a confiné, ou plutôt a réduit les contacts sociaux, très rapidement alors qu’en France, nous n’avons rien fait entre janvier et mars, puis nous avons décidé un confinement strict. Les Allemands ont eu accès au dépistage dès le 12 janvier et l’Allemagne a même proposé des tests à toute l’Europe. Pourquoi la France n’en a-t-elle pas acheté ? Les tests ont permis à l’Allemagne de dresser un tableau de propagation du virus plus réaliste qu’ailleurs, ce qui a permis de contenir l’épidémie de façon plus ciblée. De plus, en Allemagne, les tests sont effectués par les généralistes et dans les maisons de santé : c’est une médecine de proximité.
Il y a aussi une grande différence dans les nombres de lits et de respirateurs disponibles dans les deux pays.
Les dépenses hospitalières sont beaucoup plus importantes en France qu’en Allemagne, mais en ce qui concerne la médecine de ville et la prévention, c’est l’Allemagne qui a le plus gros budget.
En Allemagne, le système fédéral a l’avantage de la proximité des territoires, mais il nécessite aussi une bonne coordination entre les Länder et le pouvoir fédéral. Sur ce point, la Chancelière s’en est plutôt bien sortie.

Cependant, le fédéralisme ne fait pas tout, puisque des systèmes de dictatures militaires ont aussi eu  de bons résultats, et que d’autres pays fédéraux ont connu une situation catastrophique, comme  les USA, pour avoir manqué d’une bonne coordination. 

Troisième thème : Le monde de la santé dans l’avenir.

Philippe Thillay : Quelles conclusions pouvez-vous en tirer pour l’avenir du monde de la santé ?

Docteur Andrés Cattaneo : Il faut prendre conscience que la santé ne doit pas être supportée par le système productif, mais que c’est un élément essentiel de valeur sociale économique, au même titre que l’éducation, par exemple. L’indépendance stratégique de la santé publique doit être garantie à terme. Il faut concevoir cette indépendance stratégique au niveau européen et même au niveau d’un multilatéralisme mondial incluant la Chine. On doit renforcer la coopération scientifique européenne qui doit sortir revigorée de cette épreuve.

Si vous me permettez une réflexion anthropologique, l’humanité est passée du stade où elle exploitait les ressources naturelles, à un stade agricole, puis industriel, et maintenant à l’automatisation, avec la révolution numérique et l’intelligence artificielle. Le prochain stade, à mon sens, sera axé sur la conscience, la défense de la vie, de la liberté, de l’égalité et de la dignité de chaque individu. Il faudra aller vers une nouvelle démocratie, de nouvelles institutions, et une nouvelle éducation.

Questions des auditeurs.

Dominique Renoult : Quels objectifs de santé mettre en œuvre en Europe ?

Docteur Andrés Cattaneo : L’Europe de la santé n’existe pas vraiment. Il existe bien une agence, mais qui n’a qu’un avis consultatif. Il faut une Europe beaucoup plus unie avec une industrie pharmaceutique européenne et pas seulement dans chaque pays. Il faut aussi une nouvelle façon d’aborder les problèmes, une nouvelle vision. La stratégie classique rationnelle de joueur d’échec sera de plus en plus remplacée par les stratégies apparemment farfelues des gamers actuels qui obtiennent des résultats en allant dans toutes les directions à la fois.

Gérard Grancher : Les coûts de la santé sont à peu près équivalents en Allemagne. Mais où dépense-t-on plus d’argent en France, puisqu’on en dépense moins sur la prévention ? Est-ce le salaire des médecins ?
Docteur Andrés Cattaneo: Les salaires des médecins sont difficiles à comparer. Pourtant, il s’agit dans les deux cas de systèmes « bismarkiens » même si la France se rapproche depuis quelques années du système « beveridgien ». En France les honoraires sont maintenant libres, surtout en médecine de ville, mais en gros, les médecins en Allemagne et en Grande-Bretagne sont payés 20% de plus qu’en France.
La différence des coûts ne résulte pas du salaire des médecins, mais de l’augmentation du nombre des personnels non sanitaires depuis quelques années, et du système bureaucratique qui fonctionne mal par manque de connexions entre les différentes instances, avec un déficit de leadership, et un trop plein d’intervenants, le tout avec des hiérarchies peu claires.

Philippe Thillay : Ce sont donc les frais de gestion qui sont en cause ?
Docteur Andrés Cattaneo : En Allemagne, les Länder ont un ministre de la santé, qui définit la politique de santé en fonction des objectifs et non en fonction des moyens. Le système est plus cohérent, mais on doit pouvoir y arriver aussi en France si on décentralise vraiment.

Dominique Renoult : J’appuie ce qui vient d’être dit. Il y a redondance et mauvaise organisation des filières de soins…..

 (Ici, j’ai eu une coupure de connexion internet de quelques minutes. Mes excuses à Dominique Renoult et à Mireille  Dinienne et peut-être d’autres, dont je n’ai pas pu entendre les questions et à Andrés Cattaneo dont je n’ai pas pu entendre les réponses.)…..

Dominique Lacaille : L’Italie fonctionne aussi par région, comme l’Allemagne. Mais les résultats ont été très différents.
Docteur Andrés Cattaneo : L’Italie est le premier pays qui a connu le déferlement de la pandémie, à la suite d’un match de football. L’Italie a aussi souffert d’un manque de masques et de tests, et les hôpitaux ont été les principaux pourvoyeurs de la dissémination. De plus le nord de l’Italie a de nombreux liens commerciaux avec la Chine.

Dominique Lacaille : Les ARS sont autonomes et en même temps elles sont les courroies de transmission de l’état. Quel est leur positionnement exact ?
Docteur Andrés Cattaneo : Théoriquement elles sont autonomes, mais c’est là tout le problème. Elles dépendent en fait de Ségur et de Bercy. Il faudra arriver à une réforme profonde de leur fonctionnement lors du Ségur de la santé. Pour moi, les ARS doivent continuer à exister mais d’une façon beaucoup plus autonome et elles doivent mieux communiquer entre elles : on a envoyé des patients en Allemagne alors qu’il y avait des places disponibles en France.

Philippe Thillay : En France on s’enferme dans des institutions, pas en Allemagne, ou on a une approche plus territoriale.
Docteur Andrés Cattaneo : Entièrement d’accord. C’est un élément clé de la santé.

Gérard Grancher : Qu’entendez-vous par les personnels non soignants ?
Docteur Andrés Cattaneo : C’est le personnel administratif qui gère les finances de l’hôpital, mais aussi le personnel technique, notamment en imagerie médicale et en laboratoire de biologie, qui sont indispensables au fonctionnement de l’hôpital.

Gérard Grancher : L’organisation de l’hôpital peut différer, et il est toujours très difficile de comparer d’un pays l’autre. Par exemple, on peut supprimer des postes de femmes de ménages, et faire appel à une société de nettoyage.

Mireille Didienne : Comment expliquer le manque de médecins spécialistes ?Docteur Andrés Cattaneo : C’est le produit d’une politique qui s’est fourvoyée depuis 30 ans. On manque aussi de de médecins en santé publique, pas seulement dans les secteurs nobles comme la cardiologie etc. Même si on change les méthodes maintenant, compte tenu du temps nécessaire à former un médecin, on ne verra pas les résultats tout de suite.

Dominique Renoult : L’organisation générale du système de santé est très difficile en France, mais aussi en Angleterre, en Allemagne ou en Belgique. Il pourrait y avoir des délégations de tâches plus importantes au sein de pôles de santé.
Docteur Andrés Cattaneo : Oui, on pourrait déléguer davantage. Par exemple, pour les diabétiques, beaucoup de ce qui est fait par les médecins pourrait être fait par des infirmières. Mais certaines réformes reçoivent une fin de non-recevoir : le médecin est le médecin, l’infirmière est l’infirmière.

Dominique Lacaille : Quel système pourrait remplacer la tarification à l’acte ?Docteur Andrés Cattaneo: :La tarification à l’acte n’est pas une mauvaise chose en soi, mais il faudrait l’adapter, la réadapter pour qu’elle tienne compte de la médecine de prévention.

Conclusions: Philippe Thillay remercie le Docteur Andrés Cattaneo et demande à Alain Ropers de mentionner les deux idées principales qu’il a retenues de cette visio-conférence :

  • Il est très difficile de comparer les systèmes de santé entre les pays, car ils sont issus de l’histoire propre à chacun et s’incluent dans des systèmes politiques différents. On ne peut comparer des choux et des carottes.
  • Par ailleurs, en France, nous sommes des sous-développés de la prévention, et nous sommes gênés dans notre coordination par un bureaucratisme et un centralisme étatique qui ne sait pas déléguer.

Fin de la visioconférence à 19 h 35

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Régie de la rencontre : Gérard Grancher,

Le point de vue de Annie Vidal, Députée.

Semaine 3 :  L’action de l’Europe et la solidarité des Etats durant la crise sanitaire. 

Visioconférence du 17 juin 2020 – 18 h
Invitée : Mme Annie Vidal, députée de la Seine Maritime (2ème circonscription, LREM) à l’Assemblée Nationale, membre de la Commission des Lois

Animation : Jean-Marc Delagneau
Synthèse réalisée par : Alain Ropers

Propos d’accueil par Jean Marc Delagneau, qui dresse le cadre de notre mois européen de la santé, invite Mme Annie Vidal à répondre aux questions qui lui sont posées sous la forme d’un entretien à bâtons rompus, et lance la discussion en posant la première question.

Jean-Marc Delagneau.
Même si la santé ne relève pas des compétences de l’Union Européenne, la France a-t-elle été soutenue cependant par l’Union Européenne, voire aussi par des relations bilatérales entre Etats membres, au niveau des exécutifs et des parlements?
Annie Vidal: Merci de votre invitation à cette visioconférence à laquelle je suis honorée de participer. Je commencerai par un point de la situation, en me basant sur les sur les travaux de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
Nous déplorons environ 170 000 morts du coronavirus en Europe à ce jour.
La majorité des Etats ont établi un contrôle aux frontières.
La Commission Européenne a recommandé une réouverture progressive des frontières à partir du 15 juin, ce qui est en train de se réaliser.
Cette crise aura un impact économique et social énorme dans toute l’Europe, avec une chute importante du PIB dans tous les pays. En France, on s’attend à une chute du PIB de 11%.
Le confinement s’est fait à des niveaux différents selon les Etats. Ces choix ont été dictés, entre autres raisons, par les capacités hospitalières en réanimation.
Dix pays, dont la France ont opté pour un confinement strict. En France, on a commencé à déconfiner le 11 mai, mais le virus circule toujours, et il est important de continuer à respecter les distanciations et les gestes barrières : lavage de mains, pas d’embrassades, etc.
Certains pays comme le Danemark et l’Allemagne, ont opté pour un confinement relatif, c’est à dire un simple appel à rester chez soi.
D’autres pays ont parié sur l’immunité collective et n’ont pas décidé de confinement.
Chaque pays a commencé à prendre des mesures d’urgence, sans prendre forcément le temps de la concertation, mais on a aussi constaté la mise en place assez rapide d’une certaine solidarité entre les Etats, comme des livraisons de masques et de matériels médicaux, la prise en charge de certains patients, notamment dans le Grand Est, sans que l’UE ait été nécessairement force de soutien. La réaction commune au niveau européen, en revanche, bien que réelle, a été un peu tardive, et n’est restée que partielle.

Jean-Marc Delagneau.
Cette solidarité entre Etats s’est elle accompagnée de solidarité interparlementaire ?
Annie Vidal: Directement non, mais oui il y en a eu. Nous avons eu des relations plus denses avec les parlementaires européens, notamment en faisant des points de situation réguliers. Avec Stéphanie Yon-Courtin, nous avons travaillé à mettre plus clairement en valeur l’utilisation des fonds européens, par exemple. L’Europe finance beaucoup de projets et de réalisations y compris dans notre région, mais c’est trop peu su. Il faut continuer à renforcer ces liens entre parlementaires, aussi bien entre les parlements des Etats qu’avec le Parlement Européen.

Jean-Marc Delagneau.
Que peut attendre maintenant la France de l’Union Européenne au niveau financier, économique, environnemental et social pour surmonter les conséquences de cette crise, et aussi affronter dans de meilleures conditions de nouvelles crises éventuelles?
Annie Vidal: On a constaté dès le début de la crise une pénurie d’équipements de protection individuelle, notamment pour les soignants, mais pas de pénurie de molécules médicamenteuses. La France a pu ainsi aider l’Italie en lui fournissant des médicaments. De même, la solidarité des Etats a permis à certains citoyens de regagner leur pays. Il est toujours facile de dire après coup ce qu’il aurait fallu faire. Cette crise est d’une ampleur importante et inattendue. Beaucoup de pays n’étaient pas préparés. Par exemple, les stocks de masques étaient largement insuffisants, car des stocks stratégiques avaient été mis en place, puis détruits, et on a pris de plein fouet notre dépendance face à la Chine.

Un des enseignements qu’on peut en tirer, c’est la mise en place souhaitable de procédures d’anticipation au niveau européen. Il est urgent de restaurer notre indépendance et notre autonomie européenne ainsi que notre capacité d’anticipation sur certains produits. Et ce sera évidemment bien plus facile avec la force de l’UE que Etat par Etat.

La Commission Européenne a déjà fait un certain nombre de propositions dans ce sens. Par exemple la proposition du 26 mars, très concrète, suggère de faire des appels d’offres communs pour l’acquisition de matériel médical, entraînant une meilleure harmonisation et un prix de revient plus intéressant.

André Calentier (participant). Actuellement, la santé reste un domaine réservé aux Etats, et n’est pas une compétence de la Commission Européenne. L’organisation européenne de la santé n’existe pas. Comment l’imaginer demain, alors qu’il y a de grosses diversités des systèmes de prise en charge de la santé?
Annie Vidal : C’est vrai que les systèmes sont très différents, mais la coordination est indispensable. Il convient de faire d’abord un état des lieux très précis, puis de se concerter pour construire une stratégie commune. Personnellement, je pense qu’il faut baser cette stratégie sur le parcours de soins de la personne et non pas sur la structure de soins (hôpitaux, médecine de ville,etc.) qui ne doit venir à mon sens qu’après. C’est un chemin long mais pas impossible.

Jean-Marc Delagneau.
La présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, elle même médecin de formation, formule des propositions pour avancer dans ce domaine, en s’appuyant sur le Traité de Lisbonne qui mentionne, parmi ses objectifs, un niveau élevé de protection sanitaire.
Annie Vidal: L’approche santé n’est pas assez présente eu niveau européen. On peut rebondir positivement sur cette crise et en tirer les leçons.
S’il y a une volonté commune, on peut y arriver. Il est important d’enclencher la dynamique. Si on arrive à se mettre d’accord sur la stratégie, les adaptations législatives suivront dans chaque état.

Jean-Marc Delagneau. Le thème de la santé est évidemment fondamental, mais on ne peut le dissocier des autres aspects, économiques et environnementaux. C’est un tout.

Annie Vidal: Oui, c’est un tout. De bonnes propositions sont faites. Elles visent à définir une directive d’harmonisation des systèmes de santé européens, avec la mise en commun de procédures pour garantir des stocks, une stratégie commune de productions médicales, vaccins, antibiotiques, matériel etc.
Il faut aussi renforcer et soutenir la recherche au niveau européen, harmoniser les pratiques et mutualiser les compétences.

Philippe Thillay. Faut-il aller jusqu’à un transfert de compétences ?
Annie Vidal: Oui, il faut mutualiser et partager les compétences entre acteurs de la santé au niveau européen.

Jean-Marc Delagneau. Quelles décisions la France doit-elle envisager à son tour pour renforcer l’intégration européenne, non seulement au niveau politique et institutionnel, mais aussi au niveau individuel de l’ensemble des citoyens ?
Annie Vidal : Pour une association plus active des citoyens, il faut créer des instances de dialogue sur certains sujets qu’on pourrait partager. Par exemple, le vieillissement de la population. En France, ou 28% de la population a plus de 65 ans, on a beaucoup travaillé sur ce sujet. Parallèlement, d’autres pays travaillent sur le même sujet et on refait plusieurs fois les mêmes travaux. On devrait organiser des partages de réflexions, pour que les travaux des uns bénéficient aux autres et éviter les doublons. Nos apports peuvent faire avancer les choses en même temps dans plusieurs pays. Car quand il y a un décalage l’UE intervient trop tardivement.

Alain Ropers. Pour que le domaine de la santé devienne une compétence de la Commission en tant que telle, est-il nécessaire de recourir à de nouveaux traités ?Annie Vidal: Je ne suis pas assez juriste pour vous répondre. Il est vrai que recourir à de nouveaux traités, c’est une procédure à risques. Mais je vais faire suivre la question.

Alain Ropers. Tout est souvent une question d’argent. Les ressources de l’Europe c’est actuellement environ 1% de PIB de chaque Etat. Ne pensez vous pas qu’il faut largement augmenter ce pourcentage, et que l’UE devrait disposer de ressources propres et d’un budget autonome et significatif ?
Annie Vidal : Je n’y suis pas opposée personnellement.

Jean-Marc Delagneau. Beaucoup de fonctionnaires européens, compétents et bilingues, travaillent ensemble sur bien des sujets essentiels, mais leur action n’est pas médiatisée, et trop peu connue. Ne pensez-vous pas qu’ils pourraient servir de relais ?
Annie Vidal:  Oui, il y a un effort de visibilité à faire. Il faut profiter de cette opportunité d’après crise. C’est le moment de mettre sur la table des propositions. Certains sujet sont faciles à traiter ne coûtent pas cher, et sont d’une réelle efficacité sur le terrain.

Jean-Marc Delagneau. Dans le domaine des risques, nous y sommes sensibles ici depuis l’affaire Lubrizol, on constate une absence totale de termes communs aux Européens. Des Alsaciens ont mis en place une sorte de lexique, pour que tout le monde parle de la même chose.
Annie Vidal: C’est vrai aussi dans le domaine de la santé. Il faut mettre en commun les termes, les définitions, les méthodes de calcul, de façon à pouvoir parler de la même chose avec les mêmes mots, et mieux se comprendre.

Dominique Renault (participant). On a la réserve sanitaire en France. Peut-on imaginer quelque chose de semblable au niveau européen, pour mobiliser des moyens et des énergies nécessaires lorsqu’une catastrophe se produit ?
Annie Vidal : Pourtant, au cours de cette crise, il y a eu des transferts de médecins et de professionnels. Mais même en France ça n’a pas été si fluide que ça dans la mobilisation des médecins. Je prends note de ce que vous dites et je relaierai.

Jacques Brifault (participant). La pénurie de masques du départ a été partiellement compensée par la mobilisation des fabricants de tissus qui se sont mis à fabriquer des masques lavables et réutilisables. Mais, aujourd’hui, les entreprises rechignent à acheter ces masques lavables et réutilisables, car elles ont la responsabilité des lavages alors qu’elles ne peuvent pas matériellement les gérer. Il faudrait transférer la responsabilité des lavages sur les épaules des utilisateurs.
Annie Vidal : Je connais cette situation. Les entreprises rencontrent beaucoup de difficultés pour obtenir le logo indiquant le nombre de lavages possibles. Difficultés aussi de faire face aux tests. Pour moi, il est impensable de donner la responsabilité des lavages aux entreprises, et on va essayer de revenir là-dessus. C’est en discussion, mais on constate actuellement un peu de frilosité, je ne sais pas pourquoi. On a voulu une garantie pour les salariés, mais ça pèse un peu trop lourd sur les entreprises.

Jean-Marc Delagneau. Dommage qu’il n’y ait pas de norme européenne en ce qui concerne les masques.
Annie Vidal: Dans la course contre la montre qu’on a connue, ceux qui ont produit des masques ont déjà eu beaucoup de contraintes. S’ils avaient dû en plus obtenir le logo européen, on ne s’en serait pas sorti en termes de timing. Mais les échanges d’expériences devraient finir par aboutir à une norme européenne.

Philippe Thillay. Dans d’autres pays, il y a d’autres pratiques. Il serait bon d’échanger sur ce qu’on fait ailleurs, et comment on le fait. Peut-on s’approprier chez nous en France les bonnes pratiques constatées ailleurs ?
Annie Vidal : C’est ce qu’on appelle le Retex, le retour d’expérience. C’est une bonne chose très utile. Un mouvement comme le vôtre doit pouvoir le faire aussi. Il faut contextualiser les chiffres et les corréler.
Et voir aussi de quoi sont partis les pays. En France, on savait qu’on n’avait pas la capacité en lits de réanimation pour accueillir des vagues de patients en même temps. C’est pourquoi nous avons opté pour le confinement strict. Un pays qui a eu au départ une capacité de réanimation plus importante aura choisi sans doute un confinement plus relatif.

Jean-Marc Delagneau. Les cultures sont différentes et les habitudes sont différentes. Il y a des différences aussi aussi dans les équipements. En Allemagne, il y a des lavabos partout, dans les salles de classes, à côté des tableaux noirs, par exemple.
Annie Vidal: Dans notre culture latine on est tactile. Il va pourtant falloir garder les nouvelles habitudes. La pédagogie sur les bons comportements n’est pas assez développée chez nous. Il y a quelques années, dans les films, la cigarette et l’alcool étaient omniprésents, et de ce fait leur usage semblait naturel, voire encouragé. Maintenant avec la politique de prévention, on ne verrait jamais ça. C’est la prévention qu’il faut continuer à développer.

Dom Renoult. Certaines personnes sont très “à risque”, comme les SDF, les migrants, les personnes en dessous du seuil de pauvreté. Il y a certainement un lien entre le nombre de personnes atteintes par le virus et le niveau économique et culturel des populations.
Annie Vidal: Le confinement pour certaines catégories a été plus difficile à respecter. Il y a des efforts importants à faire pour ces populations.

Jacques Brifault. J’ai assisté récemment à une réunion revente entre chefs d’entreprises, suivie d’un cocktail. J’ai constaté que les distances et le port du masque n’étaient pas vraiment bien respectés.
Cette inconscience fait craindre pour l’avenir, car elle n’est pas seulement le fait des catégories socioprofessionnelles les plus basses.
Annie Vidal: Tout un chacun doit se discipliner. Toutes les réunions sont à risque mais il est difficile de les interdire. Chacun doit avoir conscience de sa responsabilité.
Ça bouscule la manière de vivre à la française, mais il est important de modifier nos pratiques, pour ne pas faire redémarrer l’épidémie.

Jacques Brifault. C’est aux organisateurs de ces cocktails d’informer les participants, comme dans les théâtres ou les salles de conférences où on demande aux gens de couper leurs téléphones.

Jean-Marc Delagneau. Nous arrivons à la fin de cette visioconférence, et nous vous remercions pour votre participation.
Annie VidalMerci à vous aussi. J’espère avoir apporté les réponses à vos questions. En conclusion, je voulais vous dire que je suis très heureuse et fière d’avoir porté le texte qui ouvre une nouvelle branche de la Sécurité sociale, la branche autonomie. C’est un pas important vers une vraie politique de l’autonomie. Et c’est à partager au niveau de l’UE.

Philippe Thillay. Merci Madame Vidal. La visioconférence est terminée, mais le débat continue sur notre site internet.
La semaine prochaine, nous recevrons le 24 juin M. Andres Cattaneo, pour traiter de la la géopolitique de la pandémie, puis, le 26 juin Mme Stéphanie Yon-Courtin pour terminer notre mois delà santé avec le parlement européen.

Fin de la visioconférence ,à 19 h 10.

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Régie de la rencontre : Gérard Grancher, puis Philippe Thillay

Du 15 au 19 juin : La France et l’Europe, quelles attentes suite à la crise sanitaire ?

Si l’Union Européenne a pu paraître dans un premier temps en retrait au début de la crise sanitaire et laisser les états-membres, dont la France, gérer seuls les mesures qui leur semblaient nécessaires pour endiguer son développement, une certaine solidarité s’est manifestée entre plusieurs états-membres dans le cadre de l’Union, et la France en a d’ailleurs bénéficié lors du pic de la crise. Maintenant, que pouvons-nous attendre de l’Union Européenne pour surmonter dans les prochains mois les conséquences difficiles de cette crise aux niveaux économique, sanitaire et social ainsi que pour affronter de nouvelles crises éventuelles dans de meilleures conditions ? Quelles décisions la France doit-elle envisager à son tour pour renforcer l’intégration européenne, non seulement au niveau politique et institutionnel, mais également au niveau individuel de l’ensemble des citoyens français ?

Au programme

  • Cette semaine :
  • des vidéos à découvrir:

    • L’épidémie est unique, voici pourquoi: S’il fallait tenter de la comparer à quelque chose, ce serait à une catastrophe naturelle. Un tremblement de terre, un ouragan, un tsunami… mais à l’échelle planétaire.
      Cette vidéo explique ce qu’est la récession et pourquoi il faut injecter de l’argent dans le système pour rompre le cercle vicieux. Cela conduit-il toujours à de l’inflation ? (source le Monde).
    • Estonie, le Pays de l’e-santé: Les Estoniens ne possèdent qu’une seule et unique carte qui leur sert entre autres choses pour le suivi médical, les impôts… et un système de santé bien organisé qui fonctionne grâce aux TICE. (cliquez sur la roue crantée pour sous-titres en français)
    • Protéger les libertés publiques? Pour comprendre l’évolution politique de la Hongrie et ses rapports avec l’UE, ARTE Info vous propose une sélection de reportages et d’analyses.
    • Inégalités en Europe:  La Grèce commençait à se relever après 10 ans de crise économique, mais avec la crise du Coronavirus, l’industrie du tourisme est gravement touchée.
    • Solidarité européenne: Le point de vue de la France exprimée par France
      Diplomatie.
  •  Des graphiques à décrypter : Aller les voir

des articles à lire:

    • France Diplomatie: La France a joué un rôle moteur pour inciter l’Union européenne à prendre la mesure de la crise. Retrouvez le point de la situation mis à jour par le Ministère des affaires étrangères.

    • France Culture, la Revue de presse des idées : La construction européenne s’est-elle remise en marche à l’occasion de la crise du Coronavirus ? Pour la première fois, du moins, un emprunt commun sera levé sur les marchés. Une étape supplémentaire vers de la redistribution entre pays qui agite les commentateurs. Lire et écouter .

    • Le Monde: Macron en chef, Merkel en arbitre : Pourquoi la France et l’Allemagne ont abordé la crise sanitaire de façon opposée. Primat du politique et du chef de l’Etat d’un côté, primat du droit et du fédéralisme de l’autre, ces visions différentes s’enracinent dans l’histoire. Avec des résultats bien meilleurs pour Berlin.
    • Wikepedia: La situation  difficile de la Grèce.
  • Des sites à visiter

    • Commission européenne: La Commission propose un nouveau programme de santé ambitieux et autonome pour la période 2021-2027, le programme «L’UE pour la santé».
    • revue de presse  européeenne: La proposition de plan de relance dévoilée mercredi 27 mai par la Commission européenne a suscité de nombreuses réactions. La plupart des commentateurs et dirigeants, y compris les plus sceptiques, reconnaissent le caractère historique de cette annonce pour le continent.

Covid 19, le point de vue de Mathieu Monconduit

Covid-19 ? Qu’est-ce qu’une pandémie ?
Comment s’en protéger?

Invité : Professeur Mathieu Monconduit, hématologue, ancien directeur du centre Henri Becquerel.
Animation: Sophie Boucher
Synthèse rédigée par Alain Ropers

Première question : Pourquoi en sommes-nous arrivés à une pandémie ?
SB : Quelques mois après l’apparition de la maladie en Chine, la Covid-19 a atteint tous les continents. L’OMS a qualifié la situation engendrée par ce virus de pandémie. Cette pandémie, dont l’Europe a pendant un temps été l’épicentre, a entraîné de lourdes conséquences pour la santé et la vie quotidienne de ses citoyens. Après un retour bref sur les évènements clés qui ont jalonné cette crise sanitaire, pouvez-vous nous dire pourquoi malgré Ebola et le SRAS, nous n’avons pas mieux reconnu nos interdépendances planétaires en matière épidémique ? Pourquoi en sommes-nous arrivés à une pandémie ?

Professeur Mathieu Monconduit
Merci de m’accueillir et de me proposer cet échange. Il y a déjà eu un partenariat fructueux entre le ME76 et les semaines sociales.
On ne connaît pas bien le début de cette histoire, notamment parce que les Chinois ont une façon très particulière d’appréhender les informations qu’ils croient bon de diffuser au reste du monde. L’épidémie provient-elle d’un laboratoire dans lequel on étudiait des virus ? Vient-elle du marché aux animaux sauvages de Wuhan ayant entraîné une perturbation de l’écosystème local ?
On a déjà connu des pandémies auparavant, bien sûr, mais une pandémie avec une telle contagiosité déclenchant un tel arrêt de l’économie mondiale c’est du jamais vu. Pourtant, certains signaux existaient. Un médecin chinois, décédé depuis, a tenté d’alerter le monde.

Comme dans d’autres domaines, le réchauffement climatique par exemple, on a assisté à une certaine indifférence générale à ce qui se passait si loin de chez nous. Et, sans doute un peu trop sûrs de nos capacités sanitaires occidentales au regard des conditions sanitaires difficiles de certains autres pays, nous avons sous-estimé tout d’abord le danger, et la prise de conscience tardive a entraîné un arrêt brutal à la mi-mars.

De plus, la fin de l’épidémie précédente, le SRAS, et donc la disparition des cas, a détruit le marché potentiel pour les industriels et a interrompu les recherches.
Néanmoins les pays asiatiques, plus touchés par le SRAS, étaient restés davantage sensibilisés. Leur réaction a été beaucoup plus rapide.

Deuxième question : Quelles réactions ? Quels dysfonctionnements ?
 SB : Face à cette crise inattendue, pour faire face dans l’urgence, comment ont réagi les différents acteurs de la santé, y compris les chercheurs scientifiques ? Quels dysfonctionnements ?

Professeur Mathieu Monconduit
Les différents acteurs de santé ont réagi comme ils pouvaient, mais en France, ce n’est pas nouveau, les dysfonctionnements sont presque institués.
L’état garde ses réflexes centralisateurs, ce qui a des avantages, mais qui apporte aussi la lourdeur que l’on sait. Par exemple, lors de leur mise en place, les ARS recevaient une circulaire chaque jour. Tout cela n’aide pas les acteurs en périphérie à vivre leur autonomie, car il est difficile de décider quoi que ce soit, sans en référer au niveau national. Malgré cette mise en place des ARS, les hôpitaux publics restent culturellement moulés dans les mêmes dispositions tant dans leur fonctionnement que dans leur mode de financement.

La tarification à l’activité a entraîné les établissements à produire de l’activité (robots médicaux, imagerie, etc.) pour générer des budgets plutôt que des soins pour les gens qui en avaient besoin. Résultat, on envoyait les « fins de vie » aux urgences, faute d’avoir un lieu pour les accueillir. Décéder sur les brancards des urgences, c’est révoltant.

Face à cela, les soignants cherchaient un sens à ce qu’on leur demandait de faire, et disaient depuis longtemps que ça n’allait pas. On a vu des manifs dans les services d’urgences à l’initiative des aides-soignantes. Sait-on que le taux de suicide chez les médecins et les soignants en général est supérieur à la moyenne nationale ? On n’ose d’ailleurs pas faire le décompte des morts parmi les soignants qui ont payé de leur vie le manque des outils de travail qu’ils auraient dû avoir.

Une certaine culture imprègne le système de santé profondément. Appliquer à l’hôpital les recettes de management de l’industrie aboutit à des aberrations, comme par exemple la mauvaise gestion des masques et les changements de discours notamment sur le rôle des généralistes dans cette crise. Le conseil d’Etat, par exemple, a cru bon d’annuler les décisions des maires qui avaient recommandé le port du masque. Certains maires ont décidé que le masque était une bonne chose, mais le conseil d’Etat a annulé ces décisions.

La prévention est depuis toujours la grande oubliée du système de santé. L’Université, les Facultés de médecine ne font que peu de place aux enseignants de santé publique. Et pourtant, c’est d’intérêt collectif.

SB : Comment ça s’est passé au niveau des chercheurs ?

Professeur Mathieu Monconduit
L’aspect positif, c’est qu’on est face à l’inconnu, d’où l’intérêt de la recherche. Les outils de communication scientifique ont évolué considérablement, et on fait maintenant des pré-présentations sur internet, qui valent comme présentations pour l’avenir. Le résultat, c’est une rapidité plus grande de la communication. Beaucoup de choses ont été trouvées en très peu de temps.

L’aspect négatif c’est une sorte d’emballement industriel, pas forcément pour l’intérêt des patients. La recherche est devenue un enjeu économique majeur, et aussi un enjeu politique majeur. À cause de cet emballement, les chercheurs ont perdu un peu le coté rationnel, comme on l’a vu lors de l’épisode Raoult, avec la volonté de dire vite et d’être soutenu par un laboratoire. Son étude n’a pas été faite suivant les codes habituels (essais randomisés), donc pas validée, et on repart à zéro.

J’ai participé à un organisme de traitement du cancer il y a quelques années. Les recherches, les discussions pour décider d’un nouvel effet thérapeutique ont nécessité environ deux ans. La rigueur scientifique nécessite du temps.


Troisième question : Comment améliorer la coordination européenne
SB : La santé ne fait pas partie des compétences de l’Union Européenne, mais celle-ci doit contribuer à une meilleure coordination entre les Etats membres dans ce domaine. Comment améliorer cette coordination ?

Professeur Mathieu Monconduit
La difficulté de la coordination entre les pays d’Europe est un problème qui n’est pas propre au domaine de la santé.
Pour se mettre en réseau et se coordonner, il faut des repères communs. Or, les statistiques ne sont pas les mêmes suivant les pays. On ne compte pas de la même façon. Les chiffres portent donc sur des événements différents, et ne sont donc pas comparables. Cette différence de critères entraîne des suspicions sur les résultats, et même sur le décompte du nombre de morts! Alors que la constatation de la mort n’est en principe pas contestable, cela génère des divergences de chiffrage, car on ne prend pas les mêmes critères en considération pour classer les causes des décès. Néanmoins, c’est une première étape pour mettre en harmonie nos systèmes.

Sur la prévention et l’éducation à la santé, il y a de grandes différences. Il n’est pas impossible qu’on constate au final que les pays ayant les meilleurs systèmes préventifs auront eu les meilleurs résultats. La résolution de la crise viendra sans doute principalement du respect des gestes simples, comme le lavage des mains et la distanciation physique. Et pourtant, se laver les mains, en maternelle ça a été difficile, car il n’y a pas assez de lavabos pour les écoles maternelles.

Il n’y a pas d’action de prévention cohérente, alors que l’on sait que l’espérance de vie augmente avec la prévention, pour tout le monde. En gros, les maladies causées par le tabac, l’alcool et les mauvais comportements alimentaires consomment les 2/3 des dépenses de l’assurance maladie. On pourrait réduire considérablement ce budget par de la prévention qui ne représente pourtant que 3% des dépenses de santé. Il faudrait pour ça davantage de médecins et d’infirmières dans les établissements scolaires, par exemple. Mais nous ne faisons pas ces choix, ou plutôt nous laissons faire collectivement.

Quatrième question : Quelle fin pour l’épidémie ?
SB : Au vu des différentes épidémies qui se sont produites dans le monde au cours de notre histoire, comment se termine une épidémie ? Quels sont les différents scénarios de fin du Covid-19 envisagés par les modélisateurs et les épidémiologistes ?

Professeur Mathieu Monconduit
Je ne suis pas dans les têtes de modélisateurs ni des épidémiologistes, mais il n’y a pas de modèle connu actuellement. Nous sommes dans l’inconnu.
S’agit-il d’un virus respiratoire qui régressera avec l’été, avec une résurgence possible en saison plus fraîche ? Peut-être, mais on ne sait pas.
L’épidémie disparaîtra-t- elle ? Verra-t-on l’émergence de problèmes immunitaires nouveaux, comme la diminution de nos défenses au lieu d’une accentuation des défenses ?
Ce virus semble réagir différemment de ceux de la grippe, du sida, par exemple.

Conclusion :
Par le passé on constate que les épidémies ont disparu, non pas avec des moyens médicaux sophistiqués, mais grâce à des mesures rustiques et primaires : installations d’égouts, d’installations sanitaires, amélioration de l’hygiène, lavage de mains, etc. Ce sera sans doute la même chose pour cette pandémie.

Questions des auditeurs
Dominique Renoult : Les études épidémiologiques communes au niveau européen sont rendues difficiles parce que les items ne sont pas homogènes. Peut-on aboutir à cette homogénéisation ?

Professeur Mathieu Monconduit
Ce serait évidemment bien d’homogénéiser les items, mais cette difficulté n’est pas propre au domaine de la santé. Par ailleurs, si les études mettent en évidence des populations à risque, cela peut avoir comme effet collatéral des problèmes de mise à l’écart, etc. Nous pouvons peut-être lancer un appel collectif pour que la commission européenne s’empare du sujet.

Mireille Didienne : Pensez-vous qu’il y a des strates administratives à réorganiser voire à supprimer ? L’ARS a été créée pour faciliter les choses à l’hôpital. Est-ce le cas ?

Professeur Mathieu Monconduit
J’ai vécu la mise en place des ARS (agence régionale de santé) en remplacement des ARH (agences régionales d’hospitalisation) pour réguler le fonctionnement des hôpitaux publics et rassembler tout le monde de la santé pour les faire travailler ensemble. C’était une révolution culturelle car il s’agissait de rassembler des personnes dont les statuts étaient très différents. Puis il y a eu les Conférences régionales de santé qui donnaient leur avis sur le fonctionnement des ARS, mais qui n’ont pas de pouvoir direct sur les budgets des financements des hôpitaux. Le financement reste centralisé par l’assurance maladie ou par l’Etat. Sans maîtrise des financements, et sans autorité sur certains secteurs, l’ensemble du système est en tension, et au final, les ARS sont passées du rôle de facilitateur au rôle de méchant inspecteur.

Max Martinez : Je confirme que beaucoup d’élus considèrent les ARS comme les gendarmes de la santé.

Professeur Mathieu Monconduit
J’ai les mêmes échos. Il y a eu une évolution qui s’est produite au fil des années. Les relations se sont tendues. La centralisation n’a pas diminué, au contraire. La marge de manœuvre s’est réduite. Les ARS ont le pouvoir d’ouverture ou de fermeture des établissements pour des raisons de santé publique en principe. Cette confusion des rôles est un peu la même chose que la confusion des rôles qui existe entre la responsabilité du comité scientifique, et les décisions que doit prendre l’élu au vu de ses recommandations.

Fin de la visioconférence
Télécharger le compte-rendu

 Résumé par Alain Ropers – Remerciements par Sophie Boucher – Fin à 19 h 30

Réalisation de la visioconférence 
Gérard Grancher

 

du 2 au 5 juin : Covid-19, l’état des lieux.

Cette semaine, nous nous attacherons plus particulièrement à mieux comprendre ce qu’est la pandémie, comment ont réagi les acteurs de la santé et plus largement qui sont les différents acteurs concernés, quels sont les risques de voir une telle situation se reproduire, comment s’en prémunir ?

Au programme

  • des vidéos à découvrir:

  •  Des graphiques à décrypter: Aller les voir

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    • Gestion du coronavirus : ce sont des hommes qui donnent les ordres : un article de Gaby Hinsliff, publié dans le Guardian et traduit par Florence Aston. Lire l’article
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Gestion du coronavirus : ce sont des hommes qui donnent les ordres

Traduction par Florence Aston de l’article du Guardian de Gaby Hinsliff : On coronavirus, men are calling all the shots. We’re seeing why it matters
https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/may/22/coronavirus-me-call-shots-women-cautious-government?CMP=Share_iOSApp_Other

Présentation de l’article

Le Royaume-Uni est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre de décès. Au début de l’épidémie, le chef du gouvernement avait décidé d’adopter la même méthode que les Suédois, mais il a changé de politique lorsque le nombre de décès est devenu incontrôlable, continuant toutefois à dire qu’il n’avait peur de rien et serrant les mains de tout le monde y compris des malades atteints de la Covid. Cela a conduit à son hospitalisation et au désastre sanitaire. La journaliste qui a écrit l’article ci-dessous reprend les propos d’une députée du Labour qui attribue l’échec de la gestion de l’épidémie à la composition du gouvernement qui ne comporte que très peu de femmes. Elle donne en exemple les pays gouvernés par des femmes, mettant en avant que les gouvernements paritaires ont mieux géré la crise du Coronavirus.

L’article comporte une courte vidéo filmée à la Chambre des Communes où l’on voit une députée du Labour reprocher à Boris Johnson le peu de femmes que comporte son gouvernement pour gérer la crise du Coronavirus alors que les femmes constituent l’essentiel des équipes médicales qui affrontent l’épidémie.

Lire l’article en son entier

La Covid-19 : une situation sans précédent.

Par Florence Aston

La pandémie de la Covid-19 nous a plongés dans une situation sans précédent. L’humanité a certes toujours connu des épidémies, mais pas au niveau planétaire. Même la grippe « espagnole » venue des États-Unis en 1918 n’avait pas semer l’anxiété, justifiée, que nous vivons en ce moment.

La Covid-19 est une maladie que les médecins découvrent au fur et à mesure. La solidarité et la mise en commun des observations ont permis de mieux prendre en charge les patients souffrant de la Covid-19 avec des atteintes graves. Certains malades se rendent à peine compte d’être atteints : cette jeune femme a perdu l’odorat ; d’autres auront eu moins de chances et ont été touchés par une forme plus sévère et devront subir une réanimation lourde suivie d’une longue rééducation ; enfin environ 30 000 personnes en France en sont mortes. Le nombre impressionnant et longtemps croissant de patients décédés a créé une angoisse compréhensible dans la population.

Les médecins ne prescrivent pas de traitement aux malades qui peuvent rester à leur domicile car il n’en existe pas pour le moment dont les tests aient été validés avec succès. Les recherches sont intenses dans tous les pays riches. C’est la course à qui trouvera le premier un vaccin ou traitement. Des pistes ont donné des espoirs : le BCG a-t-il un effet préventif ? La nicotine peut-elle limiter l’action du virus ? On cherche désormais à protéger les personnels de santé, qui n’ont pas à être les premières victimes de l’épidémie, personnels dont nous avons plus que jamais besoin, qui ont payé un lourd tribut, allant au combat au début de la pandémie sans les protections nécessaires. Dans ces conditions, la tentation d’avoir recours à un produit miracle est forte.

L’apparition d’une telle maladie est sans précédent, mais le comportement de beaucoup de gens a également été sans précédent. Nous avons vu, ébahis, l’importance donnée aux non-scientifiques : le traitement médiatique et les interventions des hommes politiques, suppléant sans vergogne les médecins et les scientifiques, se prenant pour des experts, confirmant l’efficacité de produits pharmaceutiques non testés dans le cadre de cette maladie. Ils se répandent dans les médias, les réseaux sociaux et les journaux télévisés, dépossédant les scientifiques de la parole scientifique. Jusqu’à l’Assemblée Nationale où les élus commentaient, affirmaient, mais ne démontraient jamais. La sagesse voudrait qu’on laisse aux scientifiques le soin d’expérimenter et de débattre entre eux et enfin de tirer les conclusions en ce qui concerne les questions médicales et pharmaceutiques. La polémique autour du Professeur Raoult a pris un tour politique, le chercheur est devenu le héro de l’antisystème. Le virus n’est ni de droite, ni de gauche et si nous n’allons pas tous mourir, beaucoup seront touchés.

Et l’Europe dans tout cela ? On peut voir le verre à moitié plein et ne pas se lamenter parce que nous n’avons pas, entre pays de l’UE, trouver le moyen de collaborer tous ensemble sur les études comparatives et sur des échantillons de patients. L’essai français Discovery coûterait 5 ou 6 000 € par patient ; certains pays ont trouvé cette méthode de recherche trop onéreuse et aucun accord n’a pu être trouvé. Nous devons cependant reconnaître que l’UE a aidé à ralentir la propagation du virus, a mis à disposition du matériel médical, a aidé les chercheurs pour qu’ils trouvent plus vite un vaccin, a fait rapatrier les citoyens de l’UE, a stimulé la solidarité européenne en encourageant les différents membres à venir en aide aux équipes médicales des pays frontaliers dont les hôpitaux n’étaient plus capables d’accepter de patients parce que ces équipes étaient débordées. L’UE a soutenu l’économie, protégé l’emploi, soutenu la relance, aidé à trouver des solutions mondiales et a très énergiquement lutté contre la désinformation concernant la Covid-19. De plus l’UE lutte depuis longtemps pour la préservation de la santé de ses citoyens par de nombreuses autres petites mesures. Je ne donnerai qu’un seul exemple pour que cet article ne soit pas trop long. L’UE a interdit la construction d’abattoirs géants. Ces immenses abattoirs avaient pour but de réduire le coût de la viande pour le consommateur, une fausse bonne idée. Je ne parlerai pas des considérations éthiques ou environnementales, faire parcourir des centaines de kilomètres à des bêtes pour les conduire à l’abattoir certes coûte du pétrole et ne respecte pas le bien-être des animaux, mais engendre des conditions sanitaires dangereuses pour les humains. Plusieurs abattoirs, avec leurs bâtiments bruyants où les employés sont obligés de parler très fort pour être entendus, se sont révélés être le mois dernier le lieu de « clusters » de la Covid-19. Les abattoirs plus proches du consommateur, de petite taille, n’ont pas été confrontés à ces problèmes et sont donc moins dangereux pour ceux qui y travaillent.

Le système de santé de chaque pays de l’UE est de la compétence de chacun de ces états. L’UE peut cependant travailler à faire rapatrier assez d’usines pharmaceutiques ; nous avons les laboratoires de recherche, nous ne devons plus dépendre d’usines implantées à l’autre extrémité de la planète et devons être en mesure d’assurer, entre Européens,  et de trouver rapidement les moyens matériels de veiller à la santé de nos compatriotes. Reste à nos pays respectifs de trouver les budgets (et donc d’arrêter les coupes sombres dans les budgets des hôpitaux des pays qui cherchent à réduire leur dette nationale), budgets qui doivent être prioritaires afin de placer ces pays en capacité de donner aux personnels médicaux, soignants et hospitaliers du matériel médical, des moyens, et des conditions de travail dignes de leur immense savoir-faire et de leur incommensurable dévouement.

Rouen, le 28 mai 2020.   Florence Aston

A l’écoute des candidats ou de leurs représentants.

La Radio RCF en partenariat avec le Mouvement européen, reçoit les représentants des listes candidates. Retrouvez et écoutez ci-dessous les interviews des représentants des listes reçues.
En introduction, Bernard Deladerrière, Président d’honneur du Mouvement européen de Seine-Maritime, décrypte les enjeux.

      – Bernard Deladerrière,


      • Franck Sottou: Union des Indépendants et Démocrates:

    • Jean Christophe Loutre: Union Populaire Républicaine:

– Marie Durand: Debout la France:

– Nicolas Guillet: France Insoumise

– David Cormand Europe Ecologie les Verts

– Valery Froissey de Lutte ouvrière


– Robert Picard de la liste Renaissance,
 


– Manuela Dona du PCF,


– Laura Slimani de Génération.s,


    – Arnaud Hadrys de Envie d’Europe écologique et sociale,

      – Françoise Guégot les Républicains.