L’Europe à l’heure numérique : l’enjeu éthique

 Vidéo conférence  enregistrée le mardi 24 novembre
Avec Elodie Paola Palombi,
directrice Générale
de Ethic Digital Impact

Retrouvez ici l’enregistrement vidéo de la conférence et des échanges:
https://bit.ly/24-11-ethique-numerique

Lire  ou télécharger le compte rendu de la conférence  L’EUROPE À L’HEURE DU NUMERIQUE – NOVEMBRE 2020
Semaine 2 : L’ENJEU ÉTHIQUE
Visioconférence du 24 novembre 2020 – 17 h 30 

Invitée : Mme Elodie-Paola Palombi. Ethic Digital Impact.

Animation : Philippe Penot
Régie : Gérard Grancher
Suivi des questions par le Chat : Florence Aston
Prise de notes : Alain Ropers

Ouverture de la session et réglages par Gérard Grancher. Conseils pour utiliser le chat. Une vingtaine de participants connectés.
Accueil et présentation d’Elodie-Paola Palombi et de EDI par Philippe Penot. Elodie-Paola Palombi est à l’origine docteur en médecine vétérinaire. Elle s’est reconvertie comme consultante en créant Ethic Digital Impact cabinet spécialisé dans l’étude éthique des transformations impliquées par la transition numérique.

Après ces présentations, Philippe Penot pose la première question.

TRANSFORMATION ANTHROPOLOGIQUE

Philippe Penot: Nombreux sont ceux qui n’ont pas conscience des impacts de la transformation digitale ou alors juste au prisme de craintes liées à l’IA (intelligence artificielle) et à la crainte pour leur job. Benoit Anger, DGA Communication & Business Développement de NEOMA Business School, récemment décédé, parlait de « Métamorphose digitale » pour souligner le passage irréversible d’une période à une autre. Tout le monde est concerné par le processus, entreprises et clients. Elodie-Paola Palombi évoque une transformation anthropologique.
Pourriez-vous nous éclairer sur ce que vous entendez par transformation anthropologique ?

Elodie-Paola Palombi : Merci beaucoup de votre accueil. Ce sujet de l’éthique m’anime depuis quelques années, et demande beaucoup d’investissement et de travail, car la problématique n’est pas seulement technologique mais concerne bien des domaines. Pour illustrer mon propos je vais vous raconter une anecdote.

J’ai été invitée à visiter un Datacenter près de Lille en 2017. C’était le début de la prise de conscience et l’époque d’un premier virage en direction de quelque chose de plus sain pour notre planète. Depuis, les choses s’accélèrent d’année en année.  En sortant, j’ai rencontré Bernard, un sans-abri. Il m’a demandé comment c’était à l’intérieur. J’ai pleinement pris conscience de la fracture et du paradoxe. Nous avons des villes mais nous ne sommes pas capables de répondre à nos besoins primaires, puisque le problème de l’habitat n’est pas résolu pour tout le monde. C’était le début de ma réflexion.

Au néolithique, l’homme a connu la révolution agricole qui a tout changé. L’homme est devenu sédentaire et les sociétés se sont organisées. Au dix-neuvième siècle, la révolution industrielle a encore modifié profondément la façon de vivre des êtres humains sur la planète en les confrontant à la machine. Le bouleversement que nous sommes en train de vivre avec le numérique est sans doute encore beaucoup plus important que ces deux révolutions, et il ne se déroule pas pendant un millénaire comme la première ou un siècle comme la deuxième, mais en quelques années, voire quelques mois.

Nous travaillons maintenant en temps réel, connectés en permanence avec quelqu’un à l’autre bout de la planète. L’humain est maintenant confronté non seulement à la terre ou à la machine, mais au réseau. Cela change profondément notre travail, nos loisirs, notre culture, notre santé, etc. Aucun domaine n’est exclu, personne n’est épargné. Nous sommes obligés de redéfinir la vraie valeur des choses, de nous repositionner et de comprendre quelle est notre place. Deux notions fondamentales que nous pensions immuables, le temps et l’espace, sont remises en cause. L’espace n’a plus aucune frontière, et le temps est devenu le temps réel.

Chaque crise vécue par l’humanité a été l’occasion de mettre en valeur l’éthique. Mais qu’est-ce que l’éthique ? Il y a un problème de sémantique, et il est souvent plus facile de dire ce qui n’est pas éthique : ce n’est pas transparent, pas clair, pas écologique, pas juste, etc. Mais il manque une définition positive de l’éthique. La notion de morale est plus facile à comprendre, car, à mon sens, il s’agit du respect de certaines règles, de certaines lois, définies par des groupes, des religions, des états, etc. Et ces règles étant différentes d’un groupe à l’autre, on peut avoir des conceptions différentes de la morale. Mais l’éthique a un domaine plus vaste, et je la définirais comme une discipline réflexive, soucieuse du juste dans les circonstances et permettant de définir la meilleure conduite à avoir dans un contexte donné dans le temps et dans l’espace. Aujourd’hui, l’espace, c’est notre planète, et le temps c’est le temps réel immédiat. C’est une véritable transformation anthropologique à laquelle nous sommes confrontés.

Chaque fois que nous utilisons l’outil numérique, nous laissons une trace indélébile dans le cyberespace, trace qui sera utilisée pour connaître nos désirs et tenter de nous vendre des produits « adaptés ». En fait, nous assistons à la création d’une identité numérique. C’est comme si nous avions un frère jumeau vivant dans cet espace. Et cette évolution est si rapide que le vide juridique s’installe, car la loi ne peut suivre à la même vitesse pour en réguler les excès. C’est la même problématique qu’au néolithique, mais avec des enjeux beaucoup plus importants.

TRANSFORMATION DIGITALE ET ÉTHIQUE

 Philippe Penot : A l’heure où le flux d’innovations technologiques crée un défi renouvelé pour les entreprises, la gestion des données personnelles constitue un véritable sujet de société. Sommes-nous toujours le client d’un produit, ne sommes-nous pas devenus le produit lui-même ?

Aussi bouleversante que l’invention de l’écriture ou l’imprimerie, la transformation numérique engendre à la fois l’émergence de nombreux problèmes et de nouveaux défis. Porteur de nombreuses avancées sociétales, technologiques, environnementales, solidaires, le numérique présente les deux faces d’une même médaille.

Au-delà de la gestion des données personnelles, la véritable réflexion n’est-elle pas avant tout de savoir comment concilier transformation digitale et éthique ?

Elodie-Paola Palombi : Absolument. Quand un outil nous demande une contrepartie, ce n’est plus un outil. Sur Google, on tape une question, mais on laisse des infos.  Et ces informations sont utilisées. On nous prend quelque chose en contrepartie, il faut en prendre conscience, des enjeux se cachent derrière. Il est impossible de revenir en arrière. Mais il faut prendre conscience des limites, des enjeux, et voir la deuxième facette du numérique. Les enfants qui communiquent sur les réseaux sociaux n’ont pas conscience des risques. Savez-vous qu’en l’absence d’une réglementation sur le sujet, on recense 3,5 millions de cas de pédophilie en France ? Nous devons pouvoir comprendre et agir. La technologie doit nous servir et pas l’inverse. Si le numérique peut être utilisé pour surmonter un handicap, créer du lien social, faciliter la recherche d’emploi, etc., il ne faut pas oublier le revers de la médaille.

Aujourd’hui il faut prendre vraiment conscience de ce changement sociétal dans lequel nous sommes plongés car tout le monde est impacté. Si on regarde de plus près, on s’aperçoit que le numérique a apporté des dérèglements sociaux, économiques, civilisationnels et environnementaux.

Ce sont les quatre grands enjeux à prendre en compte et auxquels l’éthique nous impose d’apporter des réponses. C’est comme pour la recherche, il faut passer de la recherche fondamentale à la recherche appliquée. Il s’agit de passer à l’éthique appliquée. Pour nous, l’éthique digitale, c’est une discipline anthropologique et technologique qui étudie la pression de l’industrie numérique sur le vivant et sur son habitat, au sens large, c’est-à-dire la biodiversité.

Réponses à quelques questions posées sur le chat :

Florence Aston. Une question d’Annick Tesnière : comment permettre à l’humain de garder la main sur ses données ?

Elodie-Paola Palombi. Il est difficile de donner une réponse précise. En France, on a mis en place le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) qui nous permet de nous protéger à minima, ce qui n’est pas le cas des d’autres pays. Le problème est la souveraineté de ces données. Nous voudrions connaître ce qui en est fait et avoir le choix entre ce qu’on accepte ou non de donner. Sachant que les traces sont indélébiles, on doit se poser les questions : Quelle utilisation dois-je faire de mes outils ? Est-ce bien nécessaire ? Dois-je avoir une autre adresse mail ? Il faut mieux connaître les mécanismes pour mieux se défendre. Mais il y a beaucoup de vides juridiques, même si tout le monde y travaille actuellement. Nous avons développé l’empreinte éthique qui consiste à mesurer la pression que le numérique a sur nous et réguler notre utilisation. Ces technologies sont faites par des êtres humains qui doivent agir aussi bien en amont dans la création des technologies et en aval auprès des utilisateurs.

Nolwenn Germain. Nous nous sommes félicités des ciseaux Crisp-r et cela a fait du buzz dans les médias. Cette technologie permet de réduire les maladies et aussi de modifier l’ADN humain. Et beaucoup furent choqués lorsqu’un médecin chinois a annoncé avoir créé des bébés sur lesquels il avait modifié leur ADN.

Le Numérique n’est-il pas aussi tel que cette technologie Crisp-R, il oblige à se positionner sur les limites de ce que nous accepterons sur le vivant (être humain, faune et flore) et son habitat.
L’Europe s’est positionnée sur la protection de nos données mais est-ce si non-éthique que cela d’être dans un continent qui n’a pas encore une sensibilité à la protection des données des citoyens ?
L’éthique digitale est-elle universelle ou non ?

Elodie-Paola Palombi. Les problèmes de l’éthique ne sont jamais partagés de façon uniforme partout. C’est exactement comme le développement durable il y a une quinzaine d’années.

De plus, l’approche de l’égalité est très différente selon les pays. Avec un couteau, je peux couper une pomme ou tuer ou blesser quelqu’un. C’est moi qui décide de la façon dont j’utilise la technologie. Cela doit amener une réflexion pour donner un sens. L’Europe est plutôt avancée dans la réflexion avec une envie d’agir qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs.

Bertrand Legendre. Il y a me semble-t-il un angle mort dans nos échanges. On ne parle pas de l’éducation, l’apprentissage, la pédagogie, la formation.

Elodie-Paola Palombi. Aujourd’hui on devrait introduire le numérique très tôt, et les enfants devraient être capables de lire, écrire, et coder. Les jeunes se servent du numérique sans avoir conscience de ce qui va se passer derrière. Il faut descendre plus bas et agir plus tôt.

Philippe Penot. On évoque la responsabilité individuelle, le rôle de l’État, celui de l’Europe, car tous ont un rôle à jouer pour aider, mais, est-ce suffisant ? Les régimes autoritaires ont la main, devons-nous les imiter ?

Elodie-Paola Palombi. C’est très pertinent. Aujourd’hui, il est clair que nous manquons de gouvernance sur ce sujet. Il n’y a pas de périmètre. Notre encadrement législatif est réduit, pas adapté et trop lent, et surtout, il n’y a pas de frontières. Donc un seul pays ne peut quasiment rien, c’est pourquoi l’Europe a son rôle à jouer, mais ce n’est pas encore suffisant si on ne veut pas se laisser asservir par cette technologie. Il faut aller bien plus loin que le RGPD.

Et sur le plan individuel, réfléchissons bien en acceptant les conditions qu’on nous impose pour avoir accès à un site, et que nous pouvons toujours paramétrer.

Florence Aston transmet une question d’Hadrien Simon.
Quid de la déresponsabilisation des géants du numérique ? La responsabilité individuelle ne risque-t-elle pas de dédouaner les géants du numérique de leurs responsabilités ?

Elodie-Paola Palombi. En fait, on retrouve la même problématique en ce qui concerne l’écologie. La responsabilité individuelle ne doit pas dédouaner celle des géants du numérique, et inversement, pas plus que la négligence des gros pollueurs ne dispense chacun de trier ses déchets ou de verdir ses déplacements.

Florence Aston. Une question revient souvent sur le chat. On nous demande de paramétrer les cookies. Bien. Mais si je décoche les cases, est ce que les données ne peuvent vraiment pas atterrir chez les géants du numérique ? Qu’en est-il réellement ?

Elodie-Paola Palombi. Les plus gros espaces de stockage ne se trouvent pas forcément en Europe. On ne peut pas savoir sur quelle technologie s’appuie le commerçant à qui on achète un produit. C’est un problème de traçabilité en amont. La lumière reste à faire sur cette récolte des données.

Hadrien Simon. Si je comprends bien mes craintes subsistent.

Philippe Thillay. Et si je refuse de transmettre mes données à Amazon, par exemple, rien n’empêche un autre site auquel j’aurais transmis mes données de les transmettre à Amazon. Nous n’avons aucune certitude.

Elodie-Paola Palombi. Eux n’ont pas du tout cette approche RGPD qui nous est propre. Il s’agit d’un espace obscur dont on ne sait rien. Amazon est aussi un grand acteur du cloud. Si on ne les donne pas d’un côté on risque de donner de l’autre

Michel Le Stum. « Si c’est gratuit c’est toi le produit ! ». Si on paie, on accepte un contrat qui définit les conditions d’achat. Si on veut la gratuité d’un service, il faut accepter que ce service soit financé par la circulation et le stockage de ses données.

Philippe Thillay. Si j’achète chez Amazon je ne sais pas ce qu’ils font de mes données.

Michel Le Stum.  Le numérique n’a fait que donner une grande efficacité à des méthodes qui étaient déjà employées, par les sondeurs comme l’IPSOS et autres. Quand vous achetez un produit, quelle est la valeur des études de marketing, des sondages, etc. ?

Elodie-Paola Palombi. Des études ont montré que l’usage d’Internet rapportait l’équivalent de 35 euros par jour aux géants du Web. La gratuité des services qu’ils proposent est un leurre. Il y a forcément une compensation. Dans le coût d’un produit, la part de la publicité et des enquêtes est impossible à chiffrer. Ne devrions-nous pas, au moins en Europe, être en mesure de pouvoir choisir, voire d’être rémunérés pour le partage de nos données ?

Charles Maréchal. Une règlementation est en train d’être préparée par Thierry Breton et des parlementaires et des techniciens : ce sont le « Digital Service Act » et le « Digital Market Act ». Et même aux États-Unis, ça avance. Moins qu’en Europe, mais quand même.

Elodie-Paola Palombi. Google est le plus bienveillant de tous les géants du web. Il a même accepté, sous la pression de la Commission, de rémunérer les médias européens, pour la circulation des informations de la presse. Il faut toujours rester dans une démarche de bon sens et voir les deux facettes et la double responsabilité, celle des géants du numérique, mais aussi la nôtre.

Mireille Didienne. Et Wikipédia ?

Elodie-Paola Palombi. C’est une plateforme totalement indépendante qui vit grâce aux dons des internautes. On peut y consulter de l’information, mais aussi y déposer de l’information. Il y a parfois des écarts, des infos peu vérifiées, mais c’est un bon point de départ de recherche, et qui s’améliore, même s’il reste encore un peu de travail.

Philippe Penot. J’ai vécu un exemple concret. Une info demandait une rectification, ce qui a été fait, mais pas complètement. En fait, c’est celui qui parle en dernier qui a raison.

TRANSITION NUMERIQUE ET DEVELOPPEMENT DURABLE

 

Philippe Penot:  La Présidente de la Commission Européenne Ursula Von der Leyen, tandis qu’elle présentait sa feuille de route pour « façonner l’avenir numérique de l’Europe », a souligné que « la transformation verte et la transformation numérique constituent deux défis indissociables ». Et pourtant, on dit que le numérique est le sixième consommateur en énergie.

Alors une transformation digitale plus éthique et plus durable est-elle réellement possible ? Le Digital peut-il servir le développement durable ?

Elodie-Paola Palombi : En fait ils sont maintenant les cinquièmes consommateurs d’énergie et non pas les sixièmes. En prenant de la hauteur, on voit qu’il s’agit en fait de l’éthique de la mondialisation, qui, elle, est totalement invertie par le numérique.
Le développement durable a une vision mais n’a pas d’outils, alors que le numérique a des outils extrêmement puissants mais n’a pas de vision. Il y a donc une très grosse convergence à faire entre les deux. Cette convergence donnerait au numérique le sens et la vision qui lui manque : aller dans le sens du développement durable.

L’Europe a en effet formulé ses ambitions sur le sujet : il s’agit de remettre une plus grande part d’humain dans ce dispositif. C’est vrai que Thierry Breton y travaille mais il y a encore tout à faire. Il est nécessaire que ces deux questions convergent

Nolwenn Germain. J’ai fait des recherches personnelles sur le sujet, et pour moi, le numérique et le développement durable ne sont pas antinomiques bien au contraire, mais la souveraineté numérique est nécessaire en Europe. Une usine de batterie lithium est actuellement en projet, la difficulté étant l’accès aux métaux rares sur le sol européen, même s’il y en au Portugal, en Alsace. La 5G, utile pour créer tous les outils high-tech fait débat aussi, car 95% de la production des terres rares est en Chine. Dans notre continent vieillissant comment faire sans devenir les esclaves des autres continents ? Il faut des actes, car les autres avancent et nous risquons de perdre des avantages technologiques majeurs.

Michel Le Stum. Il y a des terres rares partout, y compris en Europe, mais elles sont difficiles à extraire. En Chine elles sont extraites sans aucune précaution écologique ni protection sociale et le marché en est inondé avec une concurrence féroce. Les mines ont disparu en Europe. Il y en avait une à La Rochelle qui extrayait de la mer les terres rares. Les américains ont commencé à réinvestir dans l’extraction des terres rares pour des raisons purement stratégiques. Notre souveraineté a un coût.

Philippe Penot. Ça interroge sur l’éthique des entreprises. En France on a déjà le RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises). Faut-il aller plus loin ? Vers une responsabilité éthique, englobant le social l’environnement le numérique etc. ?

Le revers de la médaille c’est que on risque d’être en second rôle par rapport à d’autres pays qui ne respectent pas ces règles.

Elodie-Paola Palombi : Dans le RSE de plus en plus répandu dans les entreprises, il y a aussi de l’éthique. Mais toute cette problématique n’est pas vraiment intégrée dans les processus, elle vient plutôt s’y ajouter. Il y a donc des manquements. Les sociétés et les entreprises jouent un rôle intermédiaire entre celui des particuliers et celui de l’État. Certaines transforment même leurs statuts pour pérenniser ces objectifs. Cet engagement, bien réel, ne peut être que favorable.

Philippe Penot. N’est-ce pas un handicap à la concurrence ?

Elodie-Paola Palombi. Les nouvelles générations sont très sensibles à la recherche de sens. Des jeunes renoncent à de beaux postes dans des grands groupes, parce qu’ils n’y perçoivent pas bien le sens qu’ils souhaitent donner à leur travail. Ces nouvelles générations sont porteuses de valeurs. Elles comprennent qu’on n’est que de passage sur cette terre que nous n’avons pas le droit de détériorer. Elles veulent trouver un équilibre entre humain et environnement.

Et si on retrouvait d’abord un équilibre entre nous êtres humains ? Ce serait sans doute le préalable indispensable à cette convergence entre transition numérique et développement durable.

CONCLUSIONS

 Elodie-Paola Palombi.  Pour terminer, je voudrais vous proposer quelques lectures : « Les robots émotionnels », par Laurence Devilliers, et « L’apocalypse n’aura pas lieu » par Guy Mamou-Mani.

Synthèse par Alain Ropers.  J’ai retenu trois idées.

  1. Cette révolution est plus importante encore que les révolutions précédentes et elle se déroule beaucoup plus vite.
  2. Il n’y a pas d’incompatibilité de nature entre développement numérique et développement durable, mais il reste beaucoup à faire pour les faire travailler ensemble, l’un apportant l’outil, l’autre la vision.
  3. Une note espoir vient des nouvelles générations qui veulent donner du sens à leur profession, quitte à rejeter des postes bien rémunérés dans des grosses entreprises prestigieuses, mais dont ils ne comprennent pas le sens.

Cet espoir peut-il résoudre le paradoxe et la fracture dont nous avons parlé au début ? Le numérique va-t-il nous permettre de trouver l’équilibre entre des choses apparemment contradictoires ? La clé de tout ça, c’est peut-être de trouver d’abord l’équilibre entre les humains.

Conclusion de Philippe Penot. Merci Elodie-Paola, vous nous ouvrez les yeux sur des sujets importants pour notre avenir, plutôt que de nous donner des réponses à toutes nos questions. L’éthique sera ce que nous en ferons individuellement et collectivement. Je retiens pour terminer le message d’espoir donné par les nouvelles générations.

Notre deuxième visioconférence sur l’aspect éthique de la transition numérique est maintenant terminée.

La prochaine, vendredi 26 septembre à 14 h 30, traitera de l’enjeu social et sociétal, et notamment des inégalités face au numérique. Pour nous en parler nous avons invité Philippe Vidal, géographe et professeur des universités.

La suivante le 3 décembre à 17 h 30, traitera de géopolitique et notamment de la souveraineté du numérique, avec Philippe Babinet, Président du Conseil National du Numérique, une instance de conseil du Gouvernement, et “Digital Champion” représentant la France auprès de la Commission Européenne

Nous vous attendons nombreux.

Fin de la visioconférence. 19 h 02

++++++++++++++

Textes à découvrir

Numérique et éthique, un duo qui se complète : de nos jours, la transformation numérique a réalisé un changement profond vis-à-vis de l’organisation, les modes de management, les relations humaines et les modèles d’affaires. Cette transformation digitale à laquelle nous assistons entraine une réorganisation complète de tous les aspects d’une entreprise ainsi que de sa stratégie…  https://blog.visiativ.com/l-ethique-et-le-numerique/

L’éthique du numérique:   un sujet qui renvoie spontanément à de nombreuses questions et thématiques : Big Data et protection des données personnelles, transparence vis-à-vis des clients…
https://www.cigref.fr/archives/entreprise2020/une-ethique-du-numerique/

Infographies

ÉTHIQUE &INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. Schéma permettant de comprendre les enjeux.
https://www.tnpconsultants.com/sites/default/files/documents/infographie_tnp_ethique_et_ia.pdf

Documentaires

De l’éthique dans le numérique : préserver la souveraineté de l’individu, par Guillaume CHAMPEAU :

L’Europe, le Numérique au service de la paix?

L’Europe numérique suite rencontre : l’enjeu économique

Mardi 17 novembre, nous avons reçu:
Manuella Portier : directrice des affaires européennes à Cap Digital et Margot de Caminel, chef de projet de “Ai4cities”
Retrouvez-ici le compte rendu  de cette  rencontre

Animation : Charles Maréchal
Régie : Gérard Grancher
Suivi des questions par le Chat : Florence Aston
Prise de notes : Alain Ropers
Ouverture de la session et réglages par Gérard Grancher. Conseils pour utiliser le chat. 23 participants connectés.

Télécharger le compte-rendu : cliquez ici
Lire directement le compte-rendu ci-dessous :
Visionner la conférence : cliquez ici

    Propos liminaires par Charles Maréchal

Notre cycle de conférences abordera successivement les principaux enjeux liés au développement du numérique dont la crise sanitaire a révélé, si cela était encore nécessaire, l’importance croissante : l’enjeu économique, l’enjeu éthique, l’enjeu social et l’enjeu géopolitique.
La première conférence est centrée sur l’économie et plus exactement sur l’impact du numérique pour aider à la transformation de l’économie, vers une économie plus vertueuse, centrée sur les objectifs de l’Union Européenne, à savoir la transition énergétique, le développement du numérique et de son indépendance, mais aussi vers une économie mesurée non seulement par le PIB, mais aussi par d’autres indicateurs que le numérique doit aider à définir, incluant par exemple, le bien-être etc.

Nos invitées ce soir sont Manuella Portier, directrice des affaires européennes à Cap Digital, à qui je vais donner la parole pour qu’elle nous présente Cap Digital, son organisation, ses missions, ses réalisations, et Margot de Caminel, chef de projet de « Ai4cities » qui nous présentera plus en détail ce projet de six villes européennes qui se regroupent pour hybrider l’intelligence artificielle et le développement durable.

Leurs interventions nous permettront, je l’espère, de mieux comprendre comment favoriser le développement des nombreuses start-up européennes, à partir de quels projets concrets, comment diminuer l’empreinte carbone et notamment celle du numérique et enfin comment ces expériences sur quelques villes peuvent servir de moteur d’entrainement pour d’autres collectivités territoriales européennes.

Manuella Portier:

Merci beaucoup de votre invitation ce soir. Si aujourd’hui, j’ai plus l’habitude de parler à des startupers ou à des entrepreneurs, il y a quelques années j’ai bien connu les jeunes européens dont les objectifs rejoignent les vôtres et les miens. Je suis contente de pouvoir échanger avec vous ce soir.
Nous sommes une association, un pôle de compétitivité. Nous nous définissons comme le pôle européen de la transition numérique et écologique.

Les pôles de compétitivité, qui rassemblent les énergies sur une thématique ciblée ont été créés en 2004 par le Gouvernement, dans le cadre du lancement d’une nouvelle politique industrielle. Aujourd’hui, le cofinancement des pôles a été transféré aux régions. En France, une cinquantaine de pôles représentent chacun en moyenne environ 200 membres. Cap Digital, ancré sur la région ÎIe-de-France mais aussi sur Lille, est le plus grand cluster en Europe avec environ 1000 membres. Nos structures adhérentes sont principalement (à 85%) des PME et des start-up, mais aussi des grandes entreprises, des établissements de formation, des écoles d’enseignement supérieur, des fonds d’investissement, des collectivités, etc. Nous sommes 40 collaborateurs qui travaillons en partenariat avec des experts, selon les thématiques.

Chaque pôle a sa thématique. La nôtre est de créer du lien entre les différents acteurs cités plus haut, mais aussi avec notre « écosystème », cette communauté qui gravite autour de nous sans forcément adhérer à Cap Digital. Pour ce faire, nous organisons des événements, avec un budget annuel de 6 millions d’euros. Nous sommes des facilitateurs, accompagnant notre communauté mais aussi des acteurs qui n’auraient pas forcément eu l’occasion de se rencontrer en dehors du pôle, pour faire émerger des innovations technologiques puis les développer jusqu’à l’expérimentation. Notre ADN d’origine c’est le numérique, mais ça évolue, car nous voulons utiliser les potentialités du numérique, l’intelligence artificielle, la réalité virtuelle augmentée, etc. au service d’autres thématiques, comme la ville durable, les questions d’énergie, de mobilité et d’économie circulaire, en vue de favoriser le bien-être en ville, intégrant les questions d’éducation de culture ou de santé.

Nous ne produisons pas directement de service, mais nous sommes en support pour aider nos membres à développer des produits et des services innovants.

Par nos programmes d’open innovation nous aidons des start-up, des villes ou des grandes entreprises à se connecter entre eux. C’est à dire que nous les aidons à définir leurs objectifs, leurs challenges, et à identifier dans l’écosystème les acteurs pouvant les aider avec des challenges similaires ou complémentaires.

Nous proposons aussi des formations entre autres pour familiariser les acteurs aux notions de data, d’intelligence artificielle, de block chain, etc.
Nous faisons aussi un travail de veille technologique et de prospective, pour identifier les grandes tendances sur lesquelles se positionner.

Charles Maréchal :

En résumé, vous faites travailler en synergie des personnes qui, a priori, n’ont rien à voir et vous les mettez en réseau.

Manuella Portier :

Exactement. Nous les mettons en réseau pour les aider à créer des projets de recherche et d’innovation, de recherche et de développement, d’expérimentation de nouveaux prototypes. Mais nous ne voulons laisser personne au bord du chemin, et donc nous accompagnons aussi ceux qui sont encore éloignés du numérique pour les aider à se transformer.

Nous voulons aussi sensibiliser les jeunes générations à la nécessaire évolution très rapide des métiers. Ce sont les mix-up, des ateliers dans lesquels les jeunes peuvent rencontrer les professionnels des métiers de demain et utiliser les outils que nous mettons à leur disposition pour créer sans avoir à acquérir un équipement coûteux.

Un dernier point. Tous les ans depuis dix ans, nous organisons le festival « futur en Seine » gratuit et ouvert à tous, mais qui n’a pas pu avoir lieu cette année. C’est une approche inclusive qui doit permettre aux acteurs économiques mais aussi aux citoyens et même aux enfants de mieux découvrir les nouvelles technologies, grâce à des démonstrations, des conférences, etc.

Nos activités européennes, encouragées par l’État ces dernières années, consistent à aider et à soutenir les acteurs pour déposer des dossiers susceptibles d’obtenir des financements européens. Et nous travaillons en partenariat avec d’autres structures semblables en Europe, pas forcément des pôles, mais centrées sur le numérique et sur d’autres thèmes, comme les médias.
Trois exemples de projets concrets.

Making City. L’objectif est de valider le concept de quartiers à énergie positive comme levier de la transition énergétique urbaine dans deux villes phares «Lighthouse cities» à Groningen aux Pays Bas et à Oulu en Finlande, ainsi que d’aider au développement des plans d’urbanisme dans six villes «Follower cities».

Digicirc. Il s’agit de booster l’économie circulaire grâce aux outils numériques en soutenant des PME très innovantes dans le développement et la mise sur le marché de solutions, produits, process basés sur des chaînes de valeur circulaires dans différents secteurs et différents pays.

Sumity. Le projet consiste à accélérer la transformation numérique et écologique des entreprises dites traditionnelles et des territoires d’Île-de-France et des Hauts-de-France, grâce à l’alliance des plus grandes universités, laboratoires de recherche, grandes entreprises, associations de PME/ETI et collectivités, qui réunissent leurs compétences, leurs moyens techniques, humains et financiers.

Charles Maréchal :

Je rappelle que l’objectif de l’UE c’est d’arriver à la neutralité carbone en 2050 et d’arriver à baisser les émissions de gaz à effet de serre de 50% à l’horizon 2030, pour respecter les accords de Paris de 2015. Ce qui est proposé dans Making City est donc un enjeu stratégique.

Réponses à quelques questions posées sur le chat :

La croissance bleue, c’est tout ce qui concerne le domaine maritime.
Les villes partenaires de Making City. On peut en retrouver la liste sur le site http://makingcity.eu/city-profiles/ Lighthouse cities : Groningen (Pays Bas) et Oulu (Finlande). Followers cities : Bassano del Grappa (Italie), Kadiköy (Turquie), León (Espagne), Lublin (Pologne), Trenčin (Slovaquie), Vindin (Bulgarie).
Ces exemples peuvent aussi être suivis par des villes qui ne sont pas dans le projet.

Margot de Caminel :

Ai4cities est un projet étalé sur trois ans, de janvier 2020 à décembre 2022. Son objectif est d’aider les villes partenaires engagées dans le projet à atteindre la neutralité carbone à une échéance plus ou moins proche : Copenhague en 2025, Paris en 2050. Le budget total est de 6,6 Millions d’Euros.

Le Consortium est composé des villes suivantes : Amsterdam, Copenhague, Stavanger, Helsinki, Tallin, Paris. Il s’agit de les aider à préciser leurs objectifs, à définir les solutions étape par étape, et à communiquer les résultats. Ensuite, des solutions numériques innovantes et non commercialisées utilisant l’intelligence artificielle leur permettront de réduire leurs émissions de CO2 dans les domaines de la mobilité et de l’énergie grâce à un marché public pré-commercial basé sur des challenges.

Les challenges de mobilité, par exemple, ce sont la mobilité comme un service, la création d’un planning avancé de trafic, la combinaison entre les transports publics et les mobilités douces, l’optimisation et la coordination des transports de marchandises.

Les challenges de l’énergie concernent la qualité thermique des bâtiments neufs, l’isolation et la rénovation des bâtiments existants, la prise de conscience par les citoyens de leur propre consommation d’énergie et leur motivation à la réduire, et l’utilisation optimale des sources d’énergies renouvelables.

Le projet se déroule en phases successives, qui vont de l’étude de marchés, à la recherche des tendances, pour définir les propositions de solutions, créer des prototypes, les tester et enfin les mettre en exploitation. Avec évidement un chiffrage et un budget alloué à chaque phase.

Charles Maréchal :

Merci Margot de Caminel. On rentre ici vraiment dans le vif du sujet et c’est intéressant. Tout ce travail permet de dégager des fonds, aussi bien européens que nationaux, et en plus, il a une valeur d’entraînement pour d’autres villes et d’autres états. San Francisco, par exemple a développé cette stratégie et a entrainé ensuite Los Angeles, dans des pratiques beaucoup plus vertueuses que d’autres villes des États-Unis. Mais aucun cluster n’a la possibilité de changer radicalement les pratiques et les comportements. C’est un travail de longue haleine.

Réponses à quelques questions posées sur le chat :

Michel Deflin. Le trafic planning de la ville de Paris est-il étudié en coordination avec les villes périphériques ?

Margot de Caminel. L’échelle est la région Île-de-France. Ça dépendra des villes qui voudront être partenaires du projet.

Charles Maréchal. Si on vise 2040 ou 2050 pour Paris, c’est qu’il y a beaucoup de travail à faire. Il y a donc une grosse marge de progression

Philippe Thillay. En Île-de-France, il y a grosso modo 11 millions d’habitants et donc environ 220 000 associations actives qui sont aux côtés des citoyens. On ne parle pas des associations dans ces deux présentations.

Manuella Portier. On travaille beaucoup avec les associations. Les associations, en général, ne sont pas nos membres, mais des partenaires. On s’associe avec elles en fonction des besoins et en fonction des sujets. On travaille aussi avec des fédérations professionnelles.

Michel Deflin. Quelle est la place que vous donnez à l’hydrogène et à partir de quelles sources d’énergie primaire ?

Manuella Portier. On ne s’intéresse pas forcément à la source, mais on favorise les énergies renouvelables. Développer le numérique peut y aider.

Charles Maréchal. L’Hydrogène peut être une énergie propre en soi, mais produite à partir d’énergies non propres, de centrales thermiques, etc.

 Florence Aston. Une remarque de Jean-Marc Delagneau qui voit une approche exclusivement liée au concept de marché, alors que la notion d’économie numérique peut relever aussi d’autres approches.

Manuella Portier. On réfléchit à pousser d’autres modèles, d’autres approches de co-création en mettant le citoyen au centre des préoccupations. Cette coopération n’est pas seulement mercantile mais en termes de développements de compétences. C’est une approche la plus englobante possible. Notre association est indépendante mais évaluée par l’État avec des indicateurs de résultats, notamment économiques.

Philippe Thillay. Cap Digital est un pôle de compétitivité qui a été créé sur un angle très axé sur l’économie et peu transversal, contrairement à ce qui se fait en Allemagne par exemple ou dans d’autres pays européens où on a une approche sensiblement différente.

Charles Maréchal. Il serait intéressant d’utiliser l’intelligence artificielle pour trouver les indicateurs permettant de piloter l’économie de demain et le développement des villes dans une direction plus verte. Ça ne relève pas seulement du marché.

Manuella Portier. On prépare l’appel d’offres pour le projet Ai4cities et on s’interroge sur les critères de choix. Le plus important c’est la réduction du CO2, puis l’utilisation de l’intelligence artificielle, puis l’impact économique, car ça ne servirait à rien de soutenir des structures non viables économiquement. Mais ce changement de paradigme nécessite du temps.

Charles Maréchal. C’est important de définir de nouveaux indicateurs qui permettront de mieux mesurer les choses en tenant compte de bien d’autres facteurs que le PIB.

Florence Aston. Une question de Gérard Grancher. Des laboratoires de recherche universitaire participent-ils au projet de Ai4cities ?

Margot de Carminel. Pas en tant que tel, mais on a sollicité des laboratoires, notamment de la région parisienne, pour mieux définir certains points, certains challenges, et pour mieux comprendre les besoins, etc.

Florence Aston. Une question de Bernard Deladerrière. Sur vos documents j’ai aperçu le logo d’une structure Europe Chine. Quels sont les partenaires, quelles villes sont concernées par ce partenariat ?

Manuella Portier. Je me suis permis de mettre le lien directement dans le chat. Il ne s’agit pas d’une structure mais d’un projet financé dans le cadre d’horizon 20-20, qui s’est terminé l’année dernière, et qui visait à développer une plateforme sur l’urbanisation durable, et à rédiger des recommandations pour la Commission Européenne afin de favoriser la coopération sino-européenne.

Florence Aston. Une question d’Éric Chevalier. Qu’est-ce que l’horizon 20-20 ?

Manuella Portier. C’est un programme cadre de financement de recherche et d’innovation.

Charles Maréchal. L’heure tourne. C’était passionnant. Nous sommes plus intelligents maintenant. Merci d’avoir apporté votre expertise sur cette économie qu’il faut mettre en place et qui est indispensable pour atteindre les objectifs des accords de Paris. Je vous rappelle qu’il y a trois conférences à suivre, sur les thèmes des enjeux Éthique, Social, et Géopolitique.

Philippe Thillay. Merci à nos intervenantes, et à tous ceux qui ont contribué à cette conférence. Notre association, le ME 76, est une force militante dont le rôle est d’animer le débat pour soutenir le projet européen.

Fin de la visioconférence.

Participez aux prochaines rencontres :
https://bit.ly/mois-numerique

L’Europe à l’heure numérique: l’enjeu sociétal

Avec
Philippe Vidal : Géographe, Professeur des Universités,
Vendredi 27 novembre 14h30
Inscrivez-vous sur : https://bit.ly/mois-numerique

Philippe Vidal, Professeur des Universités à l’Université le Havre Normandie, géographe-aménageur, spécialiste des rapports entre « territoires » et « numérique » et très attentif à la construction politique multi-niveaux (local, national, européen) de cette société numérique en cours d’installation.

Depuis de nombreuses années, l’Union européenne investit la question numérique. Si certains pays comme l’Estonie ont accompli une véritable révolution culturelle, la plupart des pays membres, ont encore beaucoup à faire. Le programme 2021-2027 de l’Union, combiné avec le plan de relance va impulser une mutation profonde de nos modes de vie. 20% des budgets de l’Union seront consacrés au numérique.

Nouvelles perspectives ?

Le développement numérique ouvre de nouveaux rapports aux territoires. La culture, la formation, le travail, la consommation semblent pouvoir s’affranchir des distances. Les initiatives prises face à la pandémie en témoigneraient. Une culture de l’initiative se développe, la participation des citoyens est facilitée, de nouvelles dynamiques soci-territoriales émergent, de nouveaux rapports aux pouvoirs se construisent… De nouveaux rapports à la mobilité, aux territoires se tissent, à l’information territoriale (data) se construisent.

Nouvelles fractures ?

Mais, une double fracture nous guette : géographique entre les territoires ayant un accès facile à ces outils et les autres; culturelle entre ceux qui maîtrisent les codes et les usages et ceux qui n’ont qu’une consommation passive ou sont de véritables victimes “d’illectronisme”.
Le risque de désintégration sociale existe : enfermement sur les territoires (puisque de là où on est, on accès à tout). Enfermement induit par les réseaux sociaux, les algorithmes qui séparent. Enfermement nivelant les hiérarchies entre l’informations et les rumeurs, délégitimant les corps intermédiaires et par-delà les règles du vivre ensemble…

des Textes à découvrir

Révolutions technologiques, pour le meilleur ou pour le pire?

Numérique et inégalités sociales: une cause, une conséquence, un reflet ?
Ni victime, ni coupable. Les technologies numériques  reproduisent les biais de notre société. Il est de la responsabilité des Responsables publics, des éducateurs de veiller à permettre à chacun de  s’approprier les potentialités offertes par ce nouveau monde. Voir l’article de Clémentine Désigaud, du Fellow de l’Institut Open Diplomacy

La technologie n’est pas le problème.
Elle n’est qu’un outil, son impact dépend de comment il est utilisé. Retrouvez l’article du Monde publié il y a 10 ans déjà

Des jeunes au bord de l’illettrisme numérique :
Les nouvelles générations seraient naturellement capables d’utiliser les outils du Web. Ce mythe menace les plus défavorisés. Voir Le point de vue de Rachid Zerrouki, publié sur Libération

des Infographies

La fracture numérique qu’est ce que c’est? Quelles sont les populations concernées ? Comment est-elle analysée ?
https://novaveolia.files.wordpress.com/2017/01/novaveolia-infographie-fracture-numerique.jpg

 Des Documentaires

Ce ne sont pas vos données qu’ils vendent…

Philippe Vidal :


Ses recherches portent sur l’impact des TIC sur les dynamiques territoriales, en considérant

L’Europe à l’heure numérique: l’enjeu géopolitique

Avec
Gilles Babinet : Président du Conseil National du Numérique
Jeudi 03 décembre 17h30
Inscrivez-vous sur : https://bit.ly/mois-numerique
Face aux puissances en présence (entreprises aux capitaux presque illimités, États dont le comportement impérieux et peu soucieux du respect des droits fondamentaux n’est plus à démontrer, affaissement des États libéraux), quelle posture nos états démocratiques et l’Europe doivent-ils adopter ?  quelles dispositions l’Europe doit-elle prendre pour restaurer notre souveraineté ? Telles sont les questions auxquelles nous essaieront de répondre dans cette séquence de l’Europe à l’heure du digital
Textes à découvrir

Une Europe plus verte, plus numérique et plus “géopolitique” :
La Présidente élue de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est exprimée le mercredi 27 novembre 2019 devant le Parlement européen réuni en session plénière à Strasbourg. A cette occasion, elle a présenté son équipe de commissaires (le “Collège”) et leur programme. Le Parlement européen a approuvé la nouvelle Commission, qui entrera en fonction le 1er décembre 2019.
https://ec.europa.eu/france/news/20191128/discours_ursula_von_der_leyen_fr

Une stratégie mondiale ?
Avec la prochaine loi sur les services numériques, l’UE vise à façonner l’économie numérique, non seulement au niveau européen mais aussi pour être une référence au niveau mondial, comme elle l’a fait pour la protection des données.
https://www.europarl.europa.eu/news/fr/agenda/briefing/2020-10-19/1/priorites-du-parlement-pour-la-future-loi-sur-les-services-numeriques

Numérique : La Cour de Justice de l’UE consacre le principe de neutralité du net.
Les mesures pratiquées par certains fournisseurs d’accès à Internet vont à l’encontre du principe d’égalité de traitement et d’accès des contenus en ligne, a considéré la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt rendu mardi 15 septembre2020.
https://www.touteleurope.eu/actualite/breve-numerique-la-cour-de-justice-de-l-union-europeenne-consacre-le-principe-de-neutralite-du.html

Souveraineté numérique : quelles stratégies pour la France et l’Europe ? Fiscalité des GAFAM, risques d’ingérence de puissances étrangères, dépendance de l’État vis-à-vis d’acteurs technologiques extra-européens… La souveraineté numérique met en évidence la nécessité de faire émerger en Europe de nouveaux acteurs du numérique dont les activités respecteraient les principes et les valeurs des Européens.
https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/276126-souverainete-numerique-quelles-strategies-pour-la-france-et-leurope

Infographie

Le numérique dans l’Union européenne :
Une frise sur Le marché unique numérique en Europe. Déroulé historique de la démarche et des actions de l’UE.
https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/digital-single-market/

 Vidéos

L’Estonie, paradis du numérique.
Daniel Cohn-Bendit est impressionné par le pays balte, où l’administration est presque intégralement dématérialisée.

Numérique : l’Europe à la traîne ?
Paris capitale de la Tech au salon de 17 mai 2019. L’Élysée a réuni 80 grands patrons du numérique pour promouvoir le numérique en Europe. Table ronde avec Pascale Joanin (Rapport Robert Schuman), Guillaume Leboucher de IA pour l’École et Aurélien Sousset.

Internet ou un raté français !

I. Falque-Pierrotin (CNIL) “Les données des Européens profitent aux acteurs internationaux.
Isabelle Falque-Pierrotin est présidente de la CNIL, cette autorité administrative française chargée entre autres de garantir que les usages d’Internet ne portent pas atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles. Dans cet entretien, elle explique pourquoi les acteurs internationaux qui utilisent nos données personnelles devront respecter le droit européen.

Et l’Europe dans tout cela, le point de vue de Stéphanie Yon-Courtin

Visioconférence du 26 juin 2020 – 10 h

Invitée : Stéphanie Yon-Courtin, députée européenne (Renew Europe)
Animation : Philippe Penot (PP)
Synthèse rédigée par : Alain Ropers

Télécharger l’intervention au format PDF

Présentation de l’invitée et propos d’accueil par Philippe Penot.
Stéphanie Yon-Courtin, avocate de formation a été élue en mai 2019 députée européenne. Elle est spécialisée dans le domaine du droit de la concurrence, a exercé en qualité de juriste à la Commission Européenne et, de ce fait, possède une bonne connaissance de nos institutions européennes. À noter son ancrage territorial en Normandie où elle a été élue Maire de Saint-Contest en 2014.
 « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises », écrivait Jean Monnet dans ses Mémoires. A l’heure où l’Union Européenne vit sa plus grande crise sanitaire, il sera intéressant de voir si, à long terme, ce principe d’un des pères de la Communauté Européenne se vérifie.

L’Europe au temps du coronavirus s’est montrée dispersée, peu solidaire, chaque État choisissant sa version d’un confinement plus ou moins strict, d’un déconfinement plus ou moins rapide. « La crise a mis l’accent sur des défaillances des systèmes de santé nationaux et sur le manque de compétence de l’UE pour répondre à ces défaillances », résume Claire Dhéret, responsable d’un programme de recherche sur « Europe sociale et bien-être » au European Policy Center. Pour certains, cette gestion étatique a montré l’inutilité de l’Union européenne. Pour d’autres, au contraire, une véritable Europe de la santé n’a jamais été aussi urgente.

Première question. Les armes de l’Europe face aux crises.

Philippe Penot : Alors diriez-vous avec Jean-Yves Le Drian que : “L’Europe a eu du retard à l’allumage”, mais “s’est bien rattrapée” ?   A la lumière de la gestion de la crise sanitaire actuelle pensez-vous que l’Europe est, d’un point de vue institutionnel, bien armée pour les affronter avec toute la réactivité exigée par les circonstances ?
Stéphanie Yon-Courtin : Merci de m’accueillir. Vous avez mentionné dans votre présentation l’ancrage territorial. Oui, il est plus que jamais nécessaire d’être ancré sur les territoires. Je suis, pour ce qui me concerne, toujours conseillère départementale du calvados.
Jean Monet disait fort justement que l’Europe se construirait grâce aux crises, et ça peut tout à fait être le cas cette fois-ci. S’il a été dit que l’Europe a eu du retard à l’allumage, cela montre a contrario que la population a une très forte attente de la part de l’Europe. Les dernières crises auxquelles l’Europe a dû faire face étaient d’ordre financier ou économique, et on pouvait mieux en cerner les causes, et même pointer du doigt un responsable. Là, c’est différent. La pandémie nous est tombée dessus de façon inattendue, et sans qu’on puisse l’attribuer à qui que ce soit en particulier. Les reproches qu’on entend ici ou là ne s’adressent pas aux responsables indéterminés de la pandémie, mais concernent la façon dont le problème a été pris en compte par les uns ou les autres.

Au niveau de l’Europe, et malgré les circuits complexes qui la caractérise, des décisions ont été prises très rapidement : assouplissement budgétaire (la fin du verrou de Maastricht), déblocage de 120 milliards d’euros pour des rachats d’actifs et pour des investissements, etc. Et ce, malgré le fait que la compétence en matière sanitaire relève des États membres et non de la Commission. Pour changer cela, il faudra passer par de nouveaux traités, et donc il faudra l’unanimité, ce qui ne simplifie pas les choses. De plus, dans certains États membres, cette compétence en matière sanitaire ne relève même pas de l’État, mais des entités régionales. Et c’est le cas notamment des pays les plus touchés par le virus, l’Espagne et l’Italie.

Ce n’est pas à l’Europe de venir au secours des systèmes de santé défaillants. Il faut proposer quelque chose, et certains y travaillent au Parlement Européen, pour muscler le rôle de l’Europe dans ce domaine, et lui permettre de coordonner les actions des États membres. Cette coordination n’est pas facile, puisque cette fois, par exemple, chaque État n’a pas été touché de la même manière ou avec la même intensité, ni au même moment.

Ça n’a pas empêché la solidarité de fonctionner. Quelques exemples parmi d’autres : La France a donné 1 million de masques et de tenues de protection à l’Italie, l’Allemagne donné des tonnes de masques, l’Autriche le Luxembourg la Grèce ont accueilli beaucoup de patients venant des autres pays, les États se sont entraidés pour rapatrier énormément de monde. De plus, on a pu débloquer des fonds pour la recherche qui a travaillé en concertation, des reliquats de fonds régionaux inemployés ont été mobilisés, etc. En résumé, il y a eu une vraie dynamique, bien au delà des compétences de la Commission Européenne.

Deuxième question. Efficacité et types de régimes.

Philippe Penot : J’aimerais aussi entendre votre sentiment sur ce débat qui agite nos sociétés : les régimes autoritaires seraient plus efficaces pour lutter contre les crises sanitaires et, corollairement, les démocraties adoptent des mesures régressives de nos libertés, généralement temporaires, sauf à utiliser la crise comme prétexte pour s’installer durablement dans un régime illibéral, y compris au sein de l’Europe.
Stéphanie Yon-CourtinC’est un point sur lequel on est vigilant. Les périodes de crises sont souvent des opportunités pour les régimes autoritaires et les dictateurs en germe qui profitent de l’état d’urgence pour mettre en place des mesures liberticides, museler le parlement, les juges et les journalistes. Victor Orban n’a pas attendu la crise pour le faire. Mais, l’Europe s’est construite sur des valeurs de respect des droits de l’homme et des valeurs démocratiques qu’il ne faut pas oublier et qui ne sont pas négociables. Une collègue hongroise a vu sa photo placardée la montrant avec un fusil pointé sur elle et la mention « il faut les tuer, ce sont les ennemis de la Hongrie ». Elle nous a envoyé un SOS. Le parlement a adopté une résolution indiquant que l’état d’urgence en Hongrie ne pouvait pas être maintenu indéfiniment, car incompatible avec les valeurs européennes. En France, par opposition, les mesures de restrictions de liberté sont strictement proportionnées et limitées dans le temps. Actuellement, nous travaillons sur les prochains budgets, et beaucoup d’entre nous veulent introduire pour la perception de fonds régionaux, des critères de conditionnalité au respect des valeurs démocratiques et de l’état de droit. Ce sont justement les pays qui cherchent à s’affranchir des valeurs européennes qui perçoivent le plus de fonds régionaux. Dans l’ensemble, ce principe de conditionnalité est assez accepté, mais avec un bémol : Victor Orban fait partie du FIDES, dont les députés siègent au PPE. Et la droite française, ne se démarque pas suffisamment  de ses positions et se refuse à exclure le FIDES du PPE.

Troisième question. Compétences de l’Europe.

Philippe Penot : La santé publique est, par principe, de la compétence interne des Etats membres, même si l’action de l’Union européenne se manifeste déjà en matière de santé dans les domaines de l’information, l’éducation, la prévention, la surveillance ou la recherche. Nul doute qu’à la lumière de cette crise, des améliorations, extensions de compétences … seront envisagées.
A-t-on déjà quelques idées de dispositions souhaitables et quelles chances ont-elles d’être mises en œuvre et quelles seront les actions prioritaires ?
Et, corollairement, l’Europe devrait-elle se doter de moyens de fiscalité propre pour une action plus efficace ?
Stéphanie Yon-Courtin: Permettre à l’Europe d’avoir des compétences réelles, oui. Mais il faut des moyens financiers à la hauteur de ces nouvelles ambitions. La création de ressources propres est en discussion pour le budget en cours. On travaille notamment sur la fameuse taxe GAFA visant à faire contribuer les géants du numérique. Et d’autant plus qu’il faut mettre au point  dès maintenant des plans de gestion de crise, car une deuxième vague n’est pas exclue, pas plus qu’une autre pandémie. Nous avons fait des propositions pour un programme santé  de 10 milliards d’euros, soit 23 fois plus qu’évoqué avant la crise. La crise peut avoir du bon. Ce programme va de la réaction aux crises, à la lutte contre les inégalités face aux problèmes de santé, et à l’aide à la coordination et l’harmonisation des systèmes sanitaires des États membres. Il est actuellement en cours de discussion entre la Commission, le Parlement et le Conseil pour trouver une position commune.

L’Europe est un géant politique en germe mais un nain budgétaire. Son budget ne représente que seulement un peu plus de 1% du PIB de chaque État, alors qu’il y a énormément de choses à financer, et d’autant plus qu’il faut trouver un budget supplémentaire, en remplacement de celui que l’Union Européenne perdra avec le départ du Royaume Uni. La renégociation du CFP (cadre financier pluriannuel), définissant la liste des ressources possibles est en cours de discussion. On cherche la possibilité d’instaurer des taxes et redevances là où on peut, comme sur les plastiques ou autres. Le parlement Européen est maintenant co-législateur, notamment en matière de budget, et on ne votera pas le budget s’il n’est pas assez ambitieux.

Mais il faut aussi discuter aussi avec ceux qui ne sont pas d’accord pour une augmentation de budget comme les pays dits « frugaux ». Augmenter les compétences sans augmenter le budget paraît pourtant illusoire. Si chaque État membre se met à taxer les GAFA à sa façon, avec des taux différents, ça n’a pas de sens car l’homogénéité n’est pas respectée. Il vaut mieux avoir la même taxe pour tous. Emmanuel Macron et Angela Merkel ne ménagent pas leurs efforts sur le sujet, avec leur proposition d’une émission de dettes communes mutualisées. C’est encore plus nécessaire au moment où Donald Trump vient d’annoncer, par son Secrétaire d’État, son intention de voir les USA quitter l’OCDE.

Dernière question. Opportunité.

Philippe Penot : En guise de conclusion, la crise du Covid-19, après celle des migrants et le Brexit, risque-t-elle être la crise de trop pour l’Europe ou au contraire une opportunité pour le réveil européen et pour que l’Europe s’affirme comme puissance souveraine de son destin ? Et que peut-on attendre de la conférence sur l’avenir de l’Europe ?
Stéphanie Yon-Courtin : Il n’y a jamais eu une crise de trop. À chaque fois, quand elle est au bord du gouffre, l’Europe s’affirme. C’est comme après la deuxième guerre mondiale. L’Europe, c’est un espoir et c’est aussi un devoir. Les lignes commencent à bouger. C’est une opportunité à saisir plus que jamais, car la crise a aidé beaucoup d’États membres, à s’intéresser davantage au social et à la solidarité. C’est le moment d’utiliser ce marché européen pour réaffirmer nos valeurs démocratiques, notre attachement à l’état de droit et à la libre circulation, ce qui profitera à tous, y compris aux salariés.

Les économies sont trop interdépendantes pour s’en sortir seules. La souveraineté européenne c’est la somme des souverainetés nationales, elles sont complémentaires.
Jean Monnet disait au sujet de la construction européenne : « Je ne suis ni optimiste ni pessimiste, je suis réaliste ». Churchill, quant à lui, avait cette phrase : « Never underrate a good crisis ». (Ne jamais sous-estimer l’intérêt d’une bonne crise)

On prépare la conférence sur l’avenir de l’Europe. Il s’agit d’associer les citoyens, et toutes les parties prenantes, dès que les conditions sanitaires le permettront. La question c’est de savoir comment rendre l’Europe plus efficace et plus démocratique, car  on constate un déficit de démocratie et de citoyenneté européenne.
L’Europe doit arrêter d’être naïve et se rendre compte des rapports de force. On n’a plus le choix que d’être ensemble, surtout depuis le Brexit. L’Europe est loin d’être achevée. Elle est reconnue, et enviée, notamment par les Américains, car elle offre à leurs yeux des avantages fabuleux, comme le chômage partiel, etc.

Questions des participants.

Dominique Renoult. L’Union Européenne a une compétence en matière de santé, avec l’agence des médicaments, même si c’est peu connu. Quelles sont les extensions possibles du rôle de l’Europe en la matière ?
Stéphanie Yon-Courtin : On vient de faire une petite brochure regroupant nos propositions. L’agence européenne du médicament  à laquelle vous faites allusion n’est pas armée, par exemple, pour faire face à une pénurie de médicaments. Vous savez que 80% des principes actifs des médicaments sont fabriqués en Chine ou en Inde. L’extension des pouvoirs de l’Union Européenne est nécessaire pour harmoniser les règles dans chaque État. Cela repose sur trois piliers.
Premièrement, il faut établir une souveraineté sanitaire européenne et un approvisionnement sécurisé. Pour cela il faudra autoriser des aides des États, pour que les industriels puissent relocaliser. Il faut aussi établir des critères prioritaires dans les appels d’offres. Il faut créer des établissements pharmaceutiques à but non lucratif pour produire des médicaments en cas de crise. Il faut sortir du giron de la productivité et de la rentabilité, pour que le médicament puisse devenir un bien commun.
Deuxièmement, il faut mieux coordonner l’action européenne, notamment pour créer une réserve européenne sanitaire de médicaments, avoir recours à des achats groupés, et recourir à un pilotage centralisé dans la chaîne de distribution.
Enfin, troisièmement, il faut renforcer la coopération entre les États membres, pour connaître et mieux gérer les stocks. Il faut simplifier les législations, et avoir une meilleure lisibilité des mesures réglementaires en temps de crise. Il faut introduire la notion d’intérêt thérapeutique majeur pour certains produits comme les vaccins, pour leur éviter de tomber dans le giron de certains intérêts privés.

Gérard Grancher : Plusieurs questions se regroupent sur le thème de l’appartenance du parti de Victor Orban au PPE, à son exclusion éventuelle qui le ferait renforcer les groupes d’extrême droite au Parlement Européen et augmenterait ainsi la sphère d’influence de la Russie. Qu’en pensez-vous ?Stéphanie Yon-Courtin : Effectivement, l’exclure comporte des risques, mais ne pas l’exclure et le laisser agir c’est ouvrir la porte à d’autres agissements comparables. C’est aussi très dangereux sans doute encore plus dangereux. Il faut être cohérent avec les valeurs qui fondent notre union. C’est un équilibre à trouver.

Charles Maréchal : Nous avons réalisé une union monétaire, mais pas une union budgétaire. Si nous ne faisons pas cette union budgétaire, aurons-nous jamais la force financière de nos ambitions ?
Stéphanie Yon-Courtin : Je suis entièrement d’accord. Notre union monétaire n’est pas aboutie. Christine Lagarde remarquait le décalage dans l’opinion entre le plébiscite de l’Euro et l’opposition contre la BCE « et tous ces machins ». Il faut avancer sur l’union budgétaire et sur une union plus économique. Il faut aussi réorienter l’épargne pour investir dans l’économie réelle et participer à la relance de notre pays.

Dominique Lacaille : Mettre en place des plans pluriannuels, n’est ce pas revenir à l’époque de Michel Rocard ?
Stéphanie Yon-Courtin : L’idée c’est de permettre aux décisions d’être prises sur le long terme. Il faut des plans adaptés, mais on est loin de la planification soviétique ! Derrière les mots, il faut une stratégie et du pragmatisme, une articulation entre les niveaux européen, national et local et redonner du sens à notre devise « unis dans la diversité ». On peut imaginer un noyau dur sur les axes majeurs, tout en laissant la possibilité aux États d’adapter les modalités en fonction des spécificités nationales voire locales. Nous devons transcender les clivages politiques, et ça, ça me plait bien. Faisons l’Airbus de la batterie, de la 5G et que sais-je… Réinventons, transcendons les dogmes et les clivages, en respectant les convictions  de chacun, par la méthode de compromis et de consensus ! Ça passe ou ça casse ! Si on n’a pas d’Europe, ça fera  très mal. Si les Chinois et les Américains cherchent à nous diviser, c’est qu’ils craignent l’Europe. Profitons-en ! Disons-leur de venir investir chez nous, mais avec nos règles.

Letycia Ossibi : Que prévoit l’UE pour le tiers monde ?
Stéphanie Yon-Courtin : Actuellement un sommet Union Européenne Afrique est en préparation. On évoque la suspension de certaines dettes et des renégociations, pour permettre à certains pays d’investir, notamment dans les domaines sanitaires.

André Calentier : Faut-il garder le Parlement Européen à Strasbourg ? Les dépenses  qu’il génère en temps et en argent pourraient être mieux investies ailleurs. Et les bâtiments pourraient être transformés en musée de l’Europe.
Stéphanie Yon-Courtin : La question n’est pas iconoclaste, et elle est actuelle surtout en période de crise. Mais il est difficile de répondre surtout quand on est français. Oui, il y a une perte de temps et d’argent, mais d’un autre côté ce n’est pas mal de ne pas tout avoir à Bruxelles. Le Parlement est le seul organisme qui représente directement les citoyens européens, et tout concentrer à Bruxelles symboliquement c’est réduire la démocratie à la bureaucratie. L’Europe se trouve partout et non seulement dans son noyau. De plus, le Parlement de Strasbourg a été utile pendant la pandémie, car il a ouvert ses portes pour l’hôpital. Mais ça ne se sait pas, car les élans de solidarité ne font pas le buzz médiatique. De même, à Bruxelles, on a accueilli les femmes brutalisées.

Venez, venez donc nous voir. Nous vous accueillerons avec plaisir, et nous écouterons les idées que vous nous donnerez sur tout ça.

Philippe Penot : Nous arrivons au terme de cette visioconférence. Il reste certaines questions que nous poserons par mail. An nom de tous, je vous remercie pour votre intervention. Merci encore.
Stéphanie Yon-Courtin : Merci à vous. Vous êtes là aussi pour relayer tout ce que l’Union Européenne fait de bien et qui passe trop souvent  inaperçu. Par exemple sait-on que les masques sont financés à 80% par les fonds européens ? Merci aux deux Philippe. Ma permanence vous est ouverte, ainsi que votre maison, à Bruxelles ou à Strasbourg. Au revoir !

Régie de la rencontre: Gérard Grancher

Télécharger  la synthèse au format PDF

 Fin de la visioconférence à 11 h 10.

Jusqu’au bout, faire reculer l’abstention !

Elbeuf, Bolbec, Barentin, Le Havre, le Trait, Fécamp, Gournay, le Tréport, Buchy… Bientôt Forges les eaux… Au final nous aurons visité une dizaine de villes où l’abstention était en 2014 à plus de 60%. Nous aurons distribué plus de 5000 documents, discuté avec des dizaines de personnes.

La plupart du temps, nous aurons été bien reçus. Nos documents sont appréciés, surtout le dossier élaboré par le Mouvement européen et le journal La Croix… Certes, tout le monde n’accepte pas nos documents, certains expriment leurs désaccords avec l’Europe, voire leur désir d’un Frexit .

Mais jamais nous ne sommes agressés. La plupart, même quand ils ne sont pas d’accord, apprécient notre démarche. Ce n’est pas si souvent que l’on vient à leur rencontre, nous a même-t-on dit.

L’expérience n’est pas finie. Nous avons deux marchés à couvrir pour tenter de convaincre les abstentionnistes de voter: à Forges les eaux Jeudi et Gonfreville l’Orcher vendredi. Nous avons besoin de volontaires.

Si vous êtes disponible, venez nous rejoindre, c’est bien volontiers que nous vous accueillerons Cliquez sur le lien:
https://mouvement-europeen76.eu/rdv-avec-abstentionnistes/