Jean-Luc Léger, Président du CESER

Semaine 2: le renouveau industriel de l’Europe

Invités :
– Jean-Luc Léger, Président du CESER (Comité Économique Social et Environnemental Régional de Normandie), Président de Associations-et-Territoires.
– Bernard Leroy, Président de la Communauté d’Agglomération Seine-Eure, Chargé  par le Président de la région Normandie d’une mission sur la réindustrialisation de la Normandie. Ancien chef d’entreprise (pharmaceutique), Ancien maire du Vaudreuil, ancien député, ancien conseiller régional.
Animation :
Philippe Penot (PP)
Synthèse rédigée par Alain Ropers

PREMIERE PARTIE – M. JEAN-LUC LEGER
Bonjour Monsieur Jean-Luc Léger, vous êtes Président du CESER.  Le conseil économique, social et environnemental régional est une assemblée représentant les “forces vives” de la région que la Région consulte sur les grands dossiers régionaux parce qu’elles ont eu la capacité à s’élever au-dessus de la mêlée. Le CESER ne prend aucune décision mais émet des avis par lesquels il participe à l’administration de la Région. Je vous remercie au nom du Mouvement Européen de nous apporter un éclairage sur sa vision de la situation.

Première question. Quel regard sur notre industrie ?
PP : Ma première question porte sur le regard que vous posez, après cette crise sanitaire, sur notre industrie normande et en particulier celle qui s’étend tout le long de la Vallée de la Seine déjà mise à l’index après l’accident Lubrizol et à l’approche d’un Brexit potentiellement « dur ».

Jean-Luc Léger : Merci de votre accueil. Je rappelle que le CESER est composé de 3 collèges : un collège patronal, un collège syndical et un collège comprenant des associations, l’enseignement supérieur et la recherche.
La crise sanitaire aura bien sûr des répercussions importantes et le Brexit aussi. Par exemple, les Britanniques, qui ne produisent pas assez de produits agroalimentaires, vont-ils continuer à acheter ces produits en Normandie ? C’est un danger pour la filière agroalimentaire normande.
Crise sanitaire ou pas, la question industrielle se pose dans notre territoire, et partout en France aussi bien dans la vallée de la Seine, qui est l’axe principal de développement de la Normandie que dans la Vallée de Luynes dans le Perche, par exemple qui est aussi très industrielle, ou dans des territoires moins importants.

Déjà en 1789, Fernand Braudel, dans « l’identité de la France» mentionnait que les 5 départements normands étaient dans le top ten des plus riches de France. Bien entendu, à l’époque leur richesse était essentiellement liée à l’agriculture. Cette richesse initiale a constitué une chance pour notre région, mais aussi par la suite, une difficulté. En effet, des régions moins riches au départ, comme la Bretagne, ont dû se poser des questions : Comment s’en sortir ? Comment s’associer ? Ces questions ne se sont pas posées en Normandie, ou trop tard.
Par ailleurs, la Normandie a bénéficié de plans de déconcentrations industrielles successifs, sans que les Normands y soient pour quoi que ce soit.

Parmi les outils dont disposent tous les territoires pour leur développement, il y a ce qu’on appelle les corridors, par lesquels transitent les marchandises, par rail, par route, par voie fluviale, mais aussi l’énergie, les télécommunications, etc. Pour la Normandie, il s’agit du corridor  atlantique, qui part du Havre, passe par Paris, et bifurque vers Bordeaux puis l’Espagne, jusqu’à Cadix. Contrairement à d’autres corridors, dans les Pays-Bas, en Allemagne, ou même dans la partie est de la France et en Espagne ou en Italie qui sont pleins de ramifications, le nôtre va tout droit et n’est pas connecté, ni à la Bretagne, ni aux Pays de Loire, ni au réseau du nord de l’Europe. Le réseau ferré est insuffisant. Le réseau fluvial n’est pas connecté au réseau de Belgique et de Hollande.
Or, l’industrie a besoin de ramification. C’est un enjeu majeur. Il est vital pour la Normandie de travailler avec les autres régions en développant les ramifications, notamment vers le centre de l’Europe, vers le Portugal en ré-adhérant à l’arc atlantique, mais aussi vers l’Irlande qui peut-être un passage de contournement du Brexit vers le Royaume-Uni.
Le fret et l’industrie étant extrêmement liés, il serait bon d’avoir un tracé qui ne passerait pas obligatoirement par l’Île de France.

Deuxième question : Le pacte vert européen, une aide pour sortir de la crise?
PP : Vous avez évoqué l’atout que représentent les infrastructures financées par l’Europe sur lesquelles la Région pourra s’appuyer pour un rebond de notre économie ; pensez-vous que le pacte vert Européen puisse aussi être une opportunité pour sortir par le haut de cette crise ?

Jean-Luc Léger: C’est évidemment une des pistes. Il existe aussi un autre dispositif plus ancien,  les euro-régions, dispositif qui évoquait dès l’origine les questions économiques, d’emploi, de culture, mais aussi l’environnement et le changement climatique. En effet, l’UE a impulsé dès le début des 90 des politiques intéressantes qui n’étaient malheureusement pas travaillées à l’échelon national.
C’est ainsi que de grosses euro-régions comme celle de la Ruhr vers les Pays-Bas, ou ce qu’on appelle la grande région, qui comprend la Suisse, le Grand Est, la Sarre, la Wallonie, le Luxembourg, ont contribué grandement au développement économique de leurs territoires.

En Normandie, on aurait pu faire une euro-région avec une partie de l’Angleterre, mais le cours de l’Histoire en a décidé autrement. Aujourd’hui, la Normandie, la région des Hauts de France et une partie du Benelux et de l’Allemagne devraient travailler ensemble et de façon très complémentaire. Nous devons nous allier politiquement et économiquement, et anticiper.
Parmi les secteurs porteurs, on peut citer les micro-algues. Ce secteur est encore au stade de la recherche, mais il concerne des domaines très divers, comme l’alimentation, les médicaments, les matériaux routiers, etc.
Évoquons le cas de la Chapelle-Darblay, qui ferme ses portes, alors que cette usine traite le tiers des cartons et déchets au plan national ! Il faut se mobiliser pour la poursuite de cette activité. En effet, le déchet devient une matière première, donc un élément vital, écologique, et en même temps local, ce qui devrait permettre de mobiliser des moyens, notamment européens. Produire chez nous c’est à la fois une question de souveraineté et de survie pour notre industrie.

Troisième question.  Quelle attractivité pour la Normandie ?
PP : Aujourd’hui diriez-vous que l’attractivité de la Normandie est favorable à la relocalisation d’une activité industrielle ?

Jean-Luc Léger: L’attractivité est multifactorielle. Ce n’est pas seulement une question d’avantage fiscal, de coût de la main d’œuvre, c’est tout un ensemble. Il faut un environnement social favorable. L’industrie a besoin d’attirer des ingénieurs, des cadres, des techniciens supérieurs. C’est une question de salaire, bien-sûr, mais plus largement de bien être, prenant en compte l’accès à la santé, l’existence de maternités, la démographie médicale, la possibilité d’une vie culturelle de niveau suffisant, les écoles et les universités pour les enfants, un travail pour le conjoint, etc. Certaines petites villes, malgré toutes leurs qualités, malgré les efforts faits par les intercommunalités pour revivifier le commerce, ne sont pas attractives pour les cadres.

L’attractivité, c’est aussi la capacité à réunir des financements. Dans ce domaine, notons que la recherche normande travaillait beaucoup avec les britanniques et que eux étaient particulièrement performants pour savoir trouver des fonds européens.

Remerciements de Philippe Penot à Jean-Luc Léger, et quelques mots de transition vers la deuxième partie de la réunion avec Bernard Leroy.

Réalisation de la visioconférence 
Gérard Grancher

Bernard Leroy, Président de la Communauté d’agglomération Seine-Eure

Semaine 2: le renouveau industriel de l’Europe

Invités :
– Jean-Luc Léger, Président du CESER (Comité Économique Social et Environnemental Régional de Normandie), Président de Associations-et-Territoires.
– Bernard Leroy, Président de la Communauté d’Agglomération Seine-Eure, Chargé par le Président de la région Normandie d’une mission sur la réindustrialisation de la Normandie. Ancien chef d’entreprise (pharmaceutique), Ancien maire du Vaudreuil, ancien député, ancien conseiller régional.
Animation :
Philippe Penot (PP)
Synthèse rédigée par Alain Ropers

DEUXIEME PARTIE – M. BERNARD LEROY
PP : Bonjour Monsieur Bernard Leroy, quelques mots d’introduction pour vous présenter avant d’entrer dans le cœur de notre sujet. Pour reprendre vos mots : “Que ce soit en tant qu’élu régional, président de l’Agence Régionale de Développement de Haute-Normandie, parlementaire, chef d’entreprise ou élu local, vous avez toujours mis votre passion du développement industriel au service du territoire normand”. Aussi aujourd’hui c’est tout légitimement qu’Hervé Morin fait appel à vos compétences et votre expérience pour élaborer et mettre en œuvre une stratégie visant la redynamiser l’industrie de notre Région confrontée à une crise sanitaire sans précédent.

Première question. Peut-on relocaliser notre industrie ?
PP : Venons-en au cœur du sujet ; en faisant apparaître au grand jour les difficultés d’approvisionnement de certains produits clefs et la dépendance des producteurs nationaux aux marchés étrangers, la crise de la Covid-19 a suscité un engouement pour le « made in France ». “Il nous faut retrouver la force morale et la volonté pour produire davantage en France et retrouver cette indépendance” a déclaré Emmanuel Macron fin mars.  Mais les raisons structurelles qui ont poussé à la délocalisation (coût du travail, manque de formation, etc.) ne sont-elles pas toujours présentes ?  Alors ré-industrialiser, relocaliser, on en parlait avant le coronavirus. Dans le “monde d’après” est-ce un vœu, une volonté réaliste ou une tendance nécessaire sur laquelle s’appuyer ? Et quels secteurs faut-il réindustrialiser en priorité ?

Bernard Leroy Merci de l’invitation. Vous évoquez la mission que m’a confiée Hervé Morin. Effectivement l’industrie a une place très importante pour notre région, puisque elle représente 20% de son PIB, alors que la moyenne nationale est de 12%. C’est aussi le cas de la Communauté d’Agglomération Seine-Eure (CASE) qui comprend 103 000 habitants, territoire qui a toujours été industriel depuis deux siècles, notamment avec l’industrie textile. Pour la petite histoire, la redingote de Napoléon était en drap de Louviers, ce qui faisait dire à l’empereur : « Je mets mon Louviers ». Ce territoire présente aussi un taux d’emploi féminin très élevé. Mais toutes les entreprises qui faisaient sa richesse il y a 50 ans ont disparu. Leur faible valeur ajoutée et leur marché uniquement domestique, local et français, ont fait qu’elles n’ont pas résisté à la première vague de la mondialisation. Ce fut un désastre économique.
Avec les villes nouvelles ont été créés des parcs d’activité à la californienne, c’est- à-dire des entreprises à forte valeur ajoutée et fortement exportatrices, dans les secteurs, de la pharmacie (Sanofi Pasteur), des parfums, du luxe, de la productique. Actuellement le territoire représente 40 000 emplois dont la moitié dans l’industrie.

La pandémie a révélé aussi un changement de regard sur l’industrie de la part du grand public qui a compris que, pour faire des vaccins, il faut des usines à vaccins. L’image de l’usine a changé et le mot « usine » est maintenant accepté, malgré les nuisances, même si à Rouen, c’est encore très différent à cause de l’incendie de l’usine Lubrizol.

La mission que m’a confiée Hervé Morin, c’est de dégager des lignes de forces permettant de nouvelles industrialisations, en analysant les points forts et en travaillant dessus, et en identifiant quels sont les problèmes spécifiques à nos
12 filières stratégiques normandes, pour bien trouver les bons critères à partir desquels répartir les aides éventuelles.
– Par exemple, les médicaments sont dépendants des principes actifs qui sont fabriqués ailleurs.
– Pour les cosmétiques, c’est le problème des fournisseurs, les flacons, les pompes, les vases, etc.
– Le secteur automobile est lié à la transition vers l’électromobilité, à la fabrication des batteries.
– L’aéronautique ne s’appuie pratiquement plus que sur un pilier : la défense.
– Pour l’agro-industrie, il y a les problèmes de traçabilité, de machines-outils, etc.
– La transformation de nos usines actuelles en usine 4.0 nécessite d’attirer des start-up pour fournir des logiciels, etc.

Il faut noter aussi une pénurie de foncier sur l’axe de la Seine pour implanter des industries. Dans la métropole, par exemple les terrains sont souvent pollués, ce qui nécessite des procédures longues et coûteuses. Souvent, il faut 8 ou 10 ans avant de pouvoir implanter une usine. C’est toute la difficulté de la ré-industrialisation.
C’est pour cela qu’il faut anticiper, pour identifier les sites et définir très en amont la spécialisation des parcs pour créer une sorte d’écosystème et d’économie circulaire.
Voilà comme je vais travailler. De façon concrète et pragmatique.

Deuxième question. Comment l’industrie doit-elle s’adapter ?
PP : La crise a aussi révélé la capacité d’usines à adapter leurs machines pour produire les équipements nécessités par la crise sanitaire : des producteurs de parfum fabriquent du gel, des fabricants de textiles techniques des masques, d’autres s’unissent pour aider Air Liquide à produire plus de respirateurs. L’indépendance stratégique ne peut-elle pas aussi s’obtenir en faisant preuve d’agilité, en utilisant la flexibilité des usines pour produire en urgence les appareils et machines dont on a besoin, même si ces usines fabriquent d’autres produits en temps normal. L’industrie 4.0 n’est-elle pas une réponse possible à notre indépendance en particulier ?

Bernard Leroy : Pendant les 2 mois de confinement, notre industrie a montré sa remarquable capacité d’adaptation, d’agilité, etc. Par exemple, l’entreprise Dedienne près de Gaillon, une PME de 700 personnes spécialisée dans les matériaux polymères s’est mise à fabriquer des visières en imprimante 3D, et s’est attachée à réduire la partie jetable des masques.
Mais c’est circonstanciel. Une adaptation plus profonde reste nécessaire, car l’économie mondiale restera ouverte même si ce ne sera sans doute plus la mondialisation à outrance. Il convient donc de différencier ce qui est critique ou pas.
Par exemple, Sanofi fabrique aussi des principes actifs dans plusieurs de ses sites, dont deux sont implantés en France, mais aussi en Angleterre, en Italie, en Allemagne et en Hongrie. Sanofi pourrait livrer à ses concurrents mais ça nuirait à son marché. Donc les concurrents se fournissent ailleurs, et deviennent dépendants de la Chine, par exemple.

C’est aussi un problème de coût, puisque la fabrication des principes actifs revient environ deux fois plus cher en Europe qu’en Inde ou en Chine. Mais, il faut aussi relativiser : la fabrication du principe représente environ 30% du prix de l’industrialisation, qui elle-même ne représente que 10% du prix total d’un médicament. Le principe actif ne représente donc que 3% du prix du médicament.
Ne peut-on pas trouver un financement supplémentaire pour ces 3% et s’affranchir ainsi d’une dépendance vis à vis de l’Inde ou de la Chine ?
Les crises sont révélatrices des comportements, et il apparaît que de nouvelles interactions sont possibles entre l’Europe, les États et les territoires.

Troisième question. Quelle politique industrielle européenne ?
PP : Quelle place, selon vous, peut et doit prendre l’Europe dans cette stratégie ? Que devraient-être les grandes lignes d’une politique industrielle Européenne (extérieure et intérieure) qui aideraient à la réalisation de votre mission et favoriseraient dans les secteurs fondamentaux sécurité et indépendance ?

Bernard Leroy : Il y a un exemple pertinent : l’Europe de la défense. C’est un sujet sensible qui divise les formations politiques à droite an centre et à gauche, et qui a un gros impact sur les PME de technologie de défenses. Si on ne fait pas cette industrie de la défense européenne, toutes ces entreprises seront mortes. Et pourtant, c’est typiquement un sujet pour lequel on a beaucoup d’atouts, de l’innovation, de la créativité, et la capacité à faire quelque chose. On a intérêt à faire chacun un pas pour avancer, sans ça c’et le drame.
Le monde va rester forcément ouvert, on ne peut pas revenir à la calèche. Il y a bien sûr des technologies qu’on a perdues, mais dans tous les secteurs industriels il faut continuer à jouer sur les points forts sur lesquelles on doit travailler. C’est compliqué mais c’est faisable.

Réalisation de la visioconférence 
Gérard Grancher

 

Dialogue avec les participants

Semaine 2: le renouveau industriel de l’Europe

Invités :
– Jean-Luc Léger, Président du CESER (Comité Économique Social et Environnemental Régional de Normandie), Président de Associations-et- Territoires.
– Bernard Leroy, Président de la Communauté d’Agglomération Seine-Eure, Chargé par le Président de la région Normandie d’une mission sur la réindustrialisation de la Normandie. Ancien chef d’entreprise (pharmaceutique), Ancien maire du Vaudreuil, ancien député, ancien conseiller régional.
Animation :
Philippe Penot (PP)
Synthèse rédigée par Alain Ropers

TROISIEME PARTIE – DIALOGUE AVEC LES PARTICIPANTS

André Calentier : Question pour Bernard Leroy. On sait que dans le secteur automobile, les moteurs hybrides et électriques sont aussi polluants et déjà dépassés. Ne faut-il pas viser plutôt le moteur à hydrogène ?
Bernard Leroy : La recherche sur le moteur à hydrogène avance, notamment sur les camions. Mais l’électrique est-il mort ? Pas vraiment. Il y a encore du temps. On a des usines qui fournissent les fabricants de batteries partout dans le monde. L’usine Renault de Cléon fabrique des moteurs électriques. Ne tuons pas l’émergence d’une industrie locale performante, alors qu’on a déjà perdu, vague après vague l’industrie textile, puis l’industrie du petit électrique, pensons à la prochaine vague.

André Calentier : Question pour Jean-Luc Léger. L’axe atlantique pourrait être une chance pour la Normandie, mais il n’y a pas de TGV suffisants, pas d’aéroports dignes de ce nom.
Jean-Luc Léger : Il n’y aura pas de TGV, c’est vrai. Mais, néanmoins, en ce qui concerne la distribution des marchandises, il faut libérer les sillons (du kilomètre/temps).
Si on compare notre région avec Anvers ou Rotterdam, où le fret ferroviaire est très actif et le fluvial très développé, on se rend compte de l’importance du canal Seine-Nord sans lequel l’Île de France est plus un cul-de-sac qu’un lieu de transitions. Quant aux infrastructures routières et ferroviaires, elles devraient être moins en étoile mais de plus en plus circulaires, et contourner l’Île de France quand ce n’est pas nécessaire d’y passer. Les voies ferrées existent, mais ne sont pas forcément adaptées, il s’agit plus de les moderniser que d’en créer de nouvelles.
Bernard LeroyTout à fait d’accord, il faut contourner Paris.

Paul Astolfi : Comment préserver et reconquérir notre souveraineté ?
Jean-Luc Léger : La question est vaste. Elle ne concerne pas seulement l’industrie, mais aussi d’autres domaines économiques, les services, les infrastructures, l’accompagnement à l’export, etc. Mais ne pas tout produire chez nous n’est pas forcément un recul considérable. Il faut raisonner au niveau du marché interne de l’UE. La souveraineté ne doit pas forcément être normande ou française mais à dimension variable selon les domaines.

Richard Lecoeur : L’avenir est à des industries à forte valeur ajoutée. Pensez-vous que ça implique des salariés à valeur ajoutée, avec un grand besoin de qualifications ?
Bernard Leroy : C’est évident. Les recrutements se font à l’échelle européenne aujourd’hui, car on ne trouve pas nécessairement sur place la qualification requise. Par exemple, dans le secteur de la pharmacie, nous disions, sous forme de boutade qu’à chaque fois qu’on créait un emploi de haut niveau, on créait aussi un chômeur : le conjoint. La faculté de pharmacie n’avait pas l’option pharmacie industrielle. On a maintenant créé la filière. De même, on a créé un diplôme pour former l’encadrement moyen etc. On a fait des bourses régionales de recherche. On était les premiers en 1985.
La proximité d’établissement d’enseignement et la recherche sont essentielles pour l’implantation d’industries. On peut imaginer faire monter le tertiaire supérieur sur Rouen et conforter la périphérie industrielle. C’est le cas de Ferrero.

???? :  sur la filière médicale. Robotique santé, i-médecine, etc. est-ce un axe important dans votre rapport ?
Bernard Leroy : Nous avons la chance à Rouen, d’avoir un très bon CHU de renommée mondiale sur lequel on peut miser. La télémédecine, la télé-expertise, ont été une révélation de cette crise sanitaire, alors que beaucoup de médecins étaient réfractaires jusque-là. C’est bien, mais l’avenir c’est aussi la santé connectée, qui intervient dans la fabrication des pompes et des valves, par exemple. On crée maintenant des pulvérisateurs pour asthmatiques, dans lesquels sont implantées des puces permettant au médecin de vérifier si les prises et les inhalations sont faites au bon moment, etc. C’est un secteur qui offre des possibilités colossales.

PP : nous arrivons au terme de cette réunion, mais je risque une dernière question. Quand pensez-vous récupérer le niveau économique d’avant la crise en termes d’emploi ?
Bernard Leroy : Il y a des secteurs qui  n’ont pas souffert, d’autres qui sont peu impactés, mais les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile ont dérouillé. Les gens vont-ils remonter dans les avions ? Les touristes vont-ils revenir ? L’automobile devrait repartir assez vite, car on constate que les concessionnaires vendent comme des malades en ce moment. Le goût de la mobilité n’a pas disparu au contraire, après cette immobilisation forcée. L’industrie va moins souffrir que le tourisme. Tout sera différent d’un territoire à l’autre.

Philippe Penot remercie les invités.
Alain Ropers résume les idées principales qu’il a notées

Philippe Thillay indique que le débat se poursuit sur le site internet du ME76 et invite les participants à le visiter.

Fin de la réunion à 18h30

Réalisation de la visioconférence 
Gérard Grancher

Covid 19, le point de vue de Mathieu Monconduit

Covid-19 ? Qu’est-ce qu’une pandémie ?
Comment s’en protéger?

Invité : Professeur Mathieu Monconduit, hématologue, ancien directeur du centre Henri Becquerel.
Animation: Sophie Boucher
Synthèse rédigée par Alain Ropers

Première question : Pourquoi en sommes-nous arrivés à une pandémie ?
SB : Quelques mois après l’apparition de la maladie en Chine, la Covid-19 a atteint tous les continents. L’OMS a qualifié la situation engendrée par ce virus de pandémie. Cette pandémie, dont l’Europe a pendant un temps été l’épicentre, a entraîné de lourdes conséquences pour la santé et la vie quotidienne de ses citoyens. Après un retour bref sur les évènements clés qui ont jalonné cette crise sanitaire, pouvez-vous nous dire pourquoi malgré Ebola et le SRAS, nous n’avons pas mieux reconnu nos interdépendances planétaires en matière épidémique ? Pourquoi en sommes-nous arrivés à une pandémie ?

Professeur Mathieu Monconduit
Merci de m’accueillir et de me proposer cet échange. Il y a déjà eu un partenariat fructueux entre le ME76 et les semaines sociales.
On ne connaît pas bien le début de cette histoire, notamment parce que les Chinois ont une façon très particulière d’appréhender les informations qu’ils croient bon de diffuser au reste du monde. L’épidémie provient-elle d’un laboratoire dans lequel on étudiait des virus ? Vient-elle du marché aux animaux sauvages de Wuhan ayant entraîné une perturbation de l’écosystème local ?
On a déjà connu des pandémies auparavant, bien sûr, mais une pandémie avec une telle contagiosité déclenchant un tel arrêt de l’économie mondiale c’est du jamais vu. Pourtant, certains signaux existaient. Un médecin chinois, décédé depuis, a tenté d’alerter le monde.

Comme dans d’autres domaines, le réchauffement climatique par exemple, on a assisté à une certaine indifférence générale à ce qui se passait si loin de chez nous. Et, sans doute un peu trop sûrs de nos capacités sanitaires occidentales au regard des conditions sanitaires difficiles de certains autres pays, nous avons sous-estimé tout d’abord le danger, et la prise de conscience tardive a entraîné un arrêt brutal à la mi-mars.

De plus, la fin de l’épidémie précédente, le SRAS, et donc la disparition des cas, a détruit le marché potentiel pour les industriels et a interrompu les recherches.
Néanmoins les pays asiatiques, plus touchés par le SRAS, étaient restés davantage sensibilisés. Leur réaction a été beaucoup plus rapide.

Deuxième question : Quelles réactions ? Quels dysfonctionnements ?
 SB : Face à cette crise inattendue, pour faire face dans l’urgence, comment ont réagi les différents acteurs de la santé, y compris les chercheurs scientifiques ? Quels dysfonctionnements ?

Professeur Mathieu Monconduit
Les différents acteurs de santé ont réagi comme ils pouvaient, mais en France, ce n’est pas nouveau, les dysfonctionnements sont presque institués.
L’état garde ses réflexes centralisateurs, ce qui a des avantages, mais qui apporte aussi la lourdeur que l’on sait. Par exemple, lors de leur mise en place, les ARS recevaient une circulaire chaque jour. Tout cela n’aide pas les acteurs en périphérie à vivre leur autonomie, car il est difficile de décider quoi que ce soit, sans en référer au niveau national. Malgré cette mise en place des ARS, les hôpitaux publics restent culturellement moulés dans les mêmes dispositions tant dans leur fonctionnement que dans leur mode de financement.

La tarification à l’activité a entraîné les établissements à produire de l’activité (robots médicaux, imagerie, etc.) pour générer des budgets plutôt que des soins pour les gens qui en avaient besoin. Résultat, on envoyait les « fins de vie » aux urgences, faute d’avoir un lieu pour les accueillir. Décéder sur les brancards des urgences, c’est révoltant.

Face à cela, les soignants cherchaient un sens à ce qu’on leur demandait de faire, et disaient depuis longtemps que ça n’allait pas. On a vu des manifs dans les services d’urgences à l’initiative des aides-soignantes. Sait-on que le taux de suicide chez les médecins et les soignants en général est supérieur à la moyenne nationale ? On n’ose d’ailleurs pas faire le décompte des morts parmi les soignants qui ont payé de leur vie le manque des outils de travail qu’ils auraient dû avoir.

Une certaine culture imprègne le système de santé profondément. Appliquer à l’hôpital les recettes de management de l’industrie aboutit à des aberrations, comme par exemple la mauvaise gestion des masques et les changements de discours notamment sur le rôle des généralistes dans cette crise. Le conseil d’Etat, par exemple, a cru bon d’annuler les décisions des maires qui avaient recommandé le port du masque. Certains maires ont décidé que le masque était une bonne chose, mais le conseil d’Etat a annulé ces décisions.

La prévention est depuis toujours la grande oubliée du système de santé. L’Université, les Facultés de médecine ne font que peu de place aux enseignants de santé publique. Et pourtant, c’est d’intérêt collectif.

SB : Comment ça s’est passé au niveau des chercheurs ?

Professeur Mathieu Monconduit
L’aspect positif, c’est qu’on est face à l’inconnu, d’où l’intérêt de la recherche. Les outils de communication scientifique ont évolué considérablement, et on fait maintenant des pré-présentations sur internet, qui valent comme présentations pour l’avenir. Le résultat, c’est une rapidité plus grande de la communication. Beaucoup de choses ont été trouvées en très peu de temps.

L’aspect négatif c’est une sorte d’emballement industriel, pas forcément pour l’intérêt des patients. La recherche est devenue un enjeu économique majeur, et aussi un enjeu politique majeur. À cause de cet emballement, les chercheurs ont perdu un peu le coté rationnel, comme on l’a vu lors de l’épisode Raoult, avec la volonté de dire vite et d’être soutenu par un laboratoire. Son étude n’a pas été faite suivant les codes habituels (essais randomisés), donc pas validée, et on repart à zéro.

J’ai participé à un organisme de traitement du cancer il y a quelques années. Les recherches, les discussions pour décider d’un nouvel effet thérapeutique ont nécessité environ deux ans. La rigueur scientifique nécessite du temps.


Troisième question : Comment améliorer la coordination européenne
SB : La santé ne fait pas partie des compétences de l’Union Européenne, mais celle-ci doit contribuer à une meilleure coordination entre les Etats membres dans ce domaine. Comment améliorer cette coordination ?

Professeur Mathieu Monconduit
La difficulté de la coordination entre les pays d’Europe est un problème qui n’est pas propre au domaine de la santé.
Pour se mettre en réseau et se coordonner, il faut des repères communs. Or, les statistiques ne sont pas les mêmes suivant les pays. On ne compte pas de la même façon. Les chiffres portent donc sur des événements différents, et ne sont donc pas comparables. Cette différence de critères entraîne des suspicions sur les résultats, et même sur le décompte du nombre de morts! Alors que la constatation de la mort n’est en principe pas contestable, cela génère des divergences de chiffrage, car on ne prend pas les mêmes critères en considération pour classer les causes des décès. Néanmoins, c’est une première étape pour mettre en harmonie nos systèmes.

Sur la prévention et l’éducation à la santé, il y a de grandes différences. Il n’est pas impossible qu’on constate au final que les pays ayant les meilleurs systèmes préventifs auront eu les meilleurs résultats. La résolution de la crise viendra sans doute principalement du respect des gestes simples, comme le lavage des mains et la distanciation physique. Et pourtant, se laver les mains, en maternelle ça a été difficile, car il n’y a pas assez de lavabos pour les écoles maternelles.

Il n’y a pas d’action de prévention cohérente, alors que l’on sait que l’espérance de vie augmente avec la prévention, pour tout le monde. En gros, les maladies causées par le tabac, l’alcool et les mauvais comportements alimentaires consomment les 2/3 des dépenses de l’assurance maladie. On pourrait réduire considérablement ce budget par de la prévention qui ne représente pourtant que 3% des dépenses de santé. Il faudrait pour ça davantage de médecins et d’infirmières dans les établissements scolaires, par exemple. Mais nous ne faisons pas ces choix, ou plutôt nous laissons faire collectivement.

Quatrième question : Quelle fin pour l’épidémie ?
SB : Au vu des différentes épidémies qui se sont produites dans le monde au cours de notre histoire, comment se termine une épidémie ? Quels sont les différents scénarios de fin du Covid-19 envisagés par les modélisateurs et les épidémiologistes ?

Professeur Mathieu Monconduit
Je ne suis pas dans les têtes de modélisateurs ni des épidémiologistes, mais il n’y a pas de modèle connu actuellement. Nous sommes dans l’inconnu.
S’agit-il d’un virus respiratoire qui régressera avec l’été, avec une résurgence possible en saison plus fraîche ? Peut-être, mais on ne sait pas.
L’épidémie disparaîtra-t- elle ? Verra-t-on l’émergence de problèmes immunitaires nouveaux, comme la diminution de nos défenses au lieu d’une accentuation des défenses ?
Ce virus semble réagir différemment de ceux de la grippe, du sida, par exemple.

Conclusion :
Par le passé on constate que les épidémies ont disparu, non pas avec des moyens médicaux sophistiqués, mais grâce à des mesures rustiques et primaires : installations d’égouts, d’installations sanitaires, amélioration de l’hygiène, lavage de mains, etc. Ce sera sans doute la même chose pour cette pandémie.

Questions des auditeurs
Dominique Renoult : Les études épidémiologiques communes au niveau européen sont rendues difficiles parce que les items ne sont pas homogènes. Peut-on aboutir à cette homogénéisation ?

Professeur Mathieu Monconduit
Ce serait évidemment bien d’homogénéiser les items, mais cette difficulté n’est pas propre au domaine de la santé. Par ailleurs, si les études mettent en évidence des populations à risque, cela peut avoir comme effet collatéral des problèmes de mise à l’écart, etc. Nous pouvons peut-être lancer un appel collectif pour que la commission européenne s’empare du sujet.

Mireille Didienne : Pensez-vous qu’il y a des strates administratives à réorganiser voire à supprimer ? L’ARS a été créée pour faciliter les choses à l’hôpital. Est-ce le cas ?

Professeur Mathieu Monconduit
J’ai vécu la mise en place des ARS (agence régionale de santé) en remplacement des ARH (agences régionales d’hospitalisation) pour réguler le fonctionnement des hôpitaux publics et rassembler tout le monde de la santé pour les faire travailler ensemble. C’était une révolution culturelle car il s’agissait de rassembler des personnes dont les statuts étaient très différents. Puis il y a eu les Conférences régionales de santé qui donnaient leur avis sur le fonctionnement des ARS, mais qui n’ont pas de pouvoir direct sur les budgets des financements des hôpitaux. Le financement reste centralisé par l’assurance maladie ou par l’Etat. Sans maîtrise des financements, et sans autorité sur certains secteurs, l’ensemble du système est en tension, et au final, les ARS sont passées du rôle de facilitateur au rôle de méchant inspecteur.

Max Martinez : Je confirme que beaucoup d’élus considèrent les ARS comme les gendarmes de la santé.

Professeur Mathieu Monconduit
J’ai les mêmes échos. Il y a eu une évolution qui s’est produite au fil des années. Les relations se sont tendues. La centralisation n’a pas diminué, au contraire. La marge de manœuvre s’est réduite. Les ARS ont le pouvoir d’ouverture ou de fermeture des établissements pour des raisons de santé publique en principe. Cette confusion des rôles est un peu la même chose que la confusion des rôles qui existe entre la responsabilité du comité scientifique, et les décisions que doit prendre l’élu au vu de ses recommandations.

Fin de la visioconférence
Télécharger le compte-rendu

 Résumé par Alain Ropers – Remerciements par Sophie Boucher – Fin à 19 h 30

Réalisation de la visioconférence 
Gérard Grancher

 

du 2 au 5 juin : Covid-19, l’état des lieux.

Cette semaine, nous nous attacherons plus particulièrement à mieux comprendre ce qu’est la pandémie, comment ont réagi les acteurs de la santé et plus largement qui sont les différents acteurs concernés, quels sont les risques de voir une telle situation se reproduire, comment s’en prémunir ?

Au programme

  • des vidéos à découvrir:

  •  Des graphiques à décrypter: Aller les voir

  • des articles à lire:

    • Gestion du coronavirus : ce sont des hommes qui donnent les ordres : un article de Gaby Hinsliff, publié dans le Guardian et traduit par Florence Aston. Lire l’article
    • Symptômes du coronavirus : les plus courants, hommes-femmes, durée: Les symptômes décrits par les scientifiques chinois sont différents de ceux constatés en Europe, le virus a-t-il muté ? La maladie ne prend pas la même forme chez tous les patients atteints de la Covid-19, certains n’ont pas de symptômes respiratoires. Que faire ? Quelle évolution ? Combien de temps pour que la maladie se déclare ? Combien de temps pour s’en remettre ?
      Lire l’article
    • Inserm: SARS-CoV-2 : comprendre comment il se réplique… pour l’en empêcher ! À Marseille, Isabelle Imbert allie modèles biologiques et prédictions informatiques pour étudier les enzymes nécessaires à la réplication du SARS-CoV-2. Ces travaux ont permis aux chercheurs de gagner 10 ans. Les recherches avancent pour mettre au point des traitements antiviraux contre la Covid-19. D’abord les tests in vitro pour perturber la réplication de l’ARN du virus, ensuite travaux afin de prédire l’activité de l’enzyme. Comprendre pour l’empêcher de se reproduire. Accéder au site
    • Inserm: Tabagisme et Covid-19 : que montrent les publications scientifiques ? La nicotine pourrait-elle avoir des effets protecteurs ? En Chine on a constaté un taux particulièrement bas de fumeurs chez les patients en réanimation atteints de la Covid-19, mais les fumeurs sont généralement plus jeunes. Les travaux sont contradictoires, mais se tourner vers la cigarette pour se prémunir contre la maladie n’est pas conseillé. Lire l’article 

    • CHU de Rouen: Pour comprendre les effets des médicaments sur la Covid-19, découvrez l’interview de Vincent Richard, professeur des universités en Pharmacologie (études des médicaments). Lire l’article
    • une situation sans précédent: Découvrez le point de vue de Florence Aston adhérente du Mouvement européen 76. Lire l’article

La pandémie : infographie

  • Géopolitique de la pandémie:
    • les  dépenses  de santé par Pays
  • L’Europe de la santé:
    • Commission européenne: 9 milliards, c’est le plan d’investissement proposé par la Commission  pour 2021-2027 pour l’Europe de la santé.
    • les aides de l’Europe: Ce graphique détaille le montant des aides proposées aux pays de l’UE dans le cadre du plan de relance européen, en milliards d’euros (en date du 28 mai 2020).

Comme le montre cette infographie, les aides économiques devraient être les plus élevées pour les pays du sud de l’Europe

  • Réindustrialiser l’Europe :
    • Made In France (Source France Culture

    • Ouverture et fermeture d’usines en France :

    • Les 15 pays européens qui possèdent le plus d’entreprises du textile et de l’habillement.
    • le temps de travail en Europe:
    • les travailleurs  indépendants dans le monde:

  • Pandémie :
    La France se situe dans les premiers rangs lorsqu’on regarde les chiffres en valeur absolue ; on obtient des résultats relativement semblables si on rapporte ces chiffres à la population totale de chaque pays, ainsi qu’en témoigne l’infographie suivante:

  • Évolution du nombre de cas déclarés en France

Gestion du coronavirus : ce sont des hommes qui donnent les ordres

Traduction par Florence Aston de l’article du Guardian de Gaby Hinsliff : On coronavirus, men are calling all the shots. We’re seeing why it matters
https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/may/22/coronavirus-me-call-shots-women-cautious-government?CMP=Share_iOSApp_Other

Présentation de l’article

Le Royaume-Uni est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre de décès. Au début de l’épidémie, le chef du gouvernement avait décidé d’adopter la même méthode que les Suédois, mais il a changé de politique lorsque le nombre de décès est devenu incontrôlable, continuant toutefois à dire qu’il n’avait peur de rien et serrant les mains de tout le monde y compris des malades atteints de la Covid. Cela a conduit à son hospitalisation et au désastre sanitaire. La journaliste qui a écrit l’article ci-dessous reprend les propos d’une députée du Labour qui attribue l’échec de la gestion de l’épidémie à la composition du gouvernement qui ne comporte que très peu de femmes. Elle donne en exemple les pays gouvernés par des femmes, mettant en avant que les gouvernements paritaires ont mieux géré la crise du Coronavirus.

L’article comporte une courte vidéo filmée à la Chambre des Communes où l’on voit une députée du Labour reprocher à Boris Johnson le peu de femmes que comporte son gouvernement pour gérer la crise du Coronavirus alors que les femmes constituent l’essentiel des équipes médicales qui affrontent l’épidémie.

Lire l’article en son entier

La Covid-19 : une situation sans précédent.

Par Florence Aston

La pandémie de la Covid-19 nous a plongés dans une situation sans précédent. L’humanité a certes toujours connu des épidémies, mais pas au niveau planétaire. Même la grippe « espagnole » venue des États-Unis en 1918 n’avait pas semer l’anxiété, justifiée, que nous vivons en ce moment.

La Covid-19 est une maladie que les médecins découvrent au fur et à mesure. La solidarité et la mise en commun des observations ont permis de mieux prendre en charge les patients souffrant de la Covid-19 avec des atteintes graves. Certains malades se rendent à peine compte d’être atteints : cette jeune femme a perdu l’odorat ; d’autres auront eu moins de chances et ont été touchés par une forme plus sévère et devront subir une réanimation lourde suivie d’une longue rééducation ; enfin environ 30 000 personnes en France en sont mortes. Le nombre impressionnant et longtemps croissant de patients décédés a créé une angoisse compréhensible dans la population.

Les médecins ne prescrivent pas de traitement aux malades qui peuvent rester à leur domicile car il n’en existe pas pour le moment dont les tests aient été validés avec succès. Les recherches sont intenses dans tous les pays riches. C’est la course à qui trouvera le premier un vaccin ou traitement. Des pistes ont donné des espoirs : le BCG a-t-il un effet préventif ? La nicotine peut-elle limiter l’action du virus ? On cherche désormais à protéger les personnels de santé, qui n’ont pas à être les premières victimes de l’épidémie, personnels dont nous avons plus que jamais besoin, qui ont payé un lourd tribut, allant au combat au début de la pandémie sans les protections nécessaires. Dans ces conditions, la tentation d’avoir recours à un produit miracle est forte.

L’apparition d’une telle maladie est sans précédent, mais le comportement de beaucoup de gens a également été sans précédent. Nous avons vu, ébahis, l’importance donnée aux non-scientifiques : le traitement médiatique et les interventions des hommes politiques, suppléant sans vergogne les médecins et les scientifiques, se prenant pour des experts, confirmant l’efficacité de produits pharmaceutiques non testés dans le cadre de cette maladie. Ils se répandent dans les médias, les réseaux sociaux et les journaux télévisés, dépossédant les scientifiques de la parole scientifique. Jusqu’à l’Assemblée Nationale où les élus commentaient, affirmaient, mais ne démontraient jamais. La sagesse voudrait qu’on laisse aux scientifiques le soin d’expérimenter et de débattre entre eux et enfin de tirer les conclusions en ce qui concerne les questions médicales et pharmaceutiques. La polémique autour du Professeur Raoult a pris un tour politique, le chercheur est devenu le héro de l’antisystème. Le virus n’est ni de droite, ni de gauche et si nous n’allons pas tous mourir, beaucoup seront touchés.

Et l’Europe dans tout cela ? On peut voir le verre à moitié plein et ne pas se lamenter parce que nous n’avons pas, entre pays de l’UE, trouver le moyen de collaborer tous ensemble sur les études comparatives et sur des échantillons de patients. L’essai français Discovery coûterait 5 ou 6 000 € par patient ; certains pays ont trouvé cette méthode de recherche trop onéreuse et aucun accord n’a pu être trouvé. Nous devons cependant reconnaître que l’UE a aidé à ralentir la propagation du virus, a mis à disposition du matériel médical, a aidé les chercheurs pour qu’ils trouvent plus vite un vaccin, a fait rapatrier les citoyens de l’UE, a stimulé la solidarité européenne en encourageant les différents membres à venir en aide aux équipes médicales des pays frontaliers dont les hôpitaux n’étaient plus capables d’accepter de patients parce que ces équipes étaient débordées. L’UE a soutenu l’économie, protégé l’emploi, soutenu la relance, aidé à trouver des solutions mondiales et a très énergiquement lutté contre la désinformation concernant la Covid-19. De plus l’UE lutte depuis longtemps pour la préservation de la santé de ses citoyens par de nombreuses autres petites mesures. Je ne donnerai qu’un seul exemple pour que cet article ne soit pas trop long. L’UE a interdit la construction d’abattoirs géants. Ces immenses abattoirs avaient pour but de réduire le coût de la viande pour le consommateur, une fausse bonne idée. Je ne parlerai pas des considérations éthiques ou environnementales, faire parcourir des centaines de kilomètres à des bêtes pour les conduire à l’abattoir certes coûte du pétrole et ne respecte pas le bien-être des animaux, mais engendre des conditions sanitaires dangereuses pour les humains. Plusieurs abattoirs, avec leurs bâtiments bruyants où les employés sont obligés de parler très fort pour être entendus, se sont révélés être le mois dernier le lieu de « clusters » de la Covid-19. Les abattoirs plus proches du consommateur, de petite taille, n’ont pas été confrontés à ces problèmes et sont donc moins dangereux pour ceux qui y travaillent.

Le système de santé de chaque pays de l’UE est de la compétence de chacun de ces états. L’UE peut cependant travailler à faire rapatrier assez d’usines pharmaceutiques ; nous avons les laboratoires de recherche, nous ne devons plus dépendre d’usines implantées à l’autre extrémité de la planète et devons être en mesure d’assurer, entre Européens,  et de trouver rapidement les moyens matériels de veiller à la santé de nos compatriotes. Reste à nos pays respectifs de trouver les budgets (et donc d’arrêter les coupes sombres dans les budgets des hôpitaux des pays qui cherchent à réduire leur dette nationale), budgets qui doivent être prioritaires afin de placer ces pays en capacité de donner aux personnels médicaux, soignants et hospitaliers du matériel médical, des moyens, et des conditions de travail dignes de leur immense savoir-faire et de leur incommensurable dévouement.

Rouen, le 28 mai 2020.   Florence Aston

Pour une politique commune de la santé !

le ME76 a décidé de mobiliser et développer des initiatives au niveau local afin de faire de ce mois de juin 2020, Coronavirus oblige, le mois de la santé. Dans ce cadre, il soutient l’appel des 12 présidents du Mouvement Européen international, dont Yves Bertoncini, à développer une politique européenne ambitieuse et souveraine… de la  santé, une politique commune,

et pour commencer d’en faire une compétence partagée (1)… une coordination vitale en ces temps difficiles.

[1] :  Le traité permet une compétence partagée dans le domaine de la santé publique et de la sécurité sanitaire. Art 168.5 -TFUE

https://mouvement-europeen.eu/cest-seulement-ensemble-que-les-europeens-pourront-surmonter-la-crise-du-coronavirus/

Le Plan de relance franco-allemand : enfin !

La solidarité européenne passe par une mutualisation de la dette…

Ce n’est pas l’image de la visio- conférence du 18 mai

Le 18 mai, lors d’une visioconférence de presse et après des semaines de discussions, France et Allemagne ont sauté le pas, en proposant que la Commission Européenne s’endette à hauteur de 500 milliards d’euros et verse cet argent aux états, régions et secteurs les plus touchés par la crise de la Covid-19. Ces versements se feront par le biais du budget communautaire, un effort très important puisque cette somme équivaut à 3 fois et demi le budget annuel européen.

Ce sera à l’Union Européenne, et non aux États emprunteurs, de rembourser cette dette. La commission présentera son plan de relance le 27 mai, et la proposition franco-allemande en devient une brique incontournable, même si cela va faire tiquer les États frugaux qui auraient souhaité que la relance soit financée par des prêts aux États déjà les plus endettés !! c’est-à-dire la Grèce, l’Italie et dans une moindre mesure la France déjà les plus touchés par la Covid- 19 (hormis la Grèce) …

La chancelière s’est laissée convaincre par le président Emmanuel Macron. L’arrêt de la cour de Karlsruhe, interdisant l’utilisation par la BCE de l’arme monétaire pour financer la dette à venir (c’est-à-dire la fameuse planche à billets tant redoutée par les allemands du fait de leur histoire) a pu faire évoluer également la chancelière.

Le défi posé à la Commission présidée par Ursula von der Leyen : faire accepter cette proposition par les États les plus “radins”.

plan de relance en visio conf.
3 ans après et un long travail préalable

La relance européenne comportera 3 autres volets

Une Europe de la santé : l’ébauche d’une politique commune ?

Le Covid 19 a montré là aussi que la  désunion est le problème, car en se battant en ordre dispersé, les États ont commis des erreurs qui se sont payées au prix fort. Le manque de masques, de tests, la  recherche médicale en ordre dispersé, ce n’est plus acceptable, sauf à laisser la porte ouverte à d’autres pandémies. Aujourd’hui, France et Allemagne semblent décidées à faire de la santé, sinon une compétence exclusive, du moins une compétence partagée.

Une Europe verte : France et Allemagne réaffirment l’urgente nécessité d’accélérer le “green deal”.

La Covid-19 est le produit indirect d’une crise écologique, une zoonose de l’anthropocène. L’homme ne pourra plus déforester impunément, créer des villes invivables, polluer l’air et les océans. L’Union Européenne va renforcer et coordonner des politiques de transition permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Là aussi, la France et l’Allemagne peuvent faire beaucoup, notamment conditionner les aides du plan de relance en fixant des critères environnementaux contraignants.

Construire des champions européens dans des secteurs stratégiques.

L’Europe avance par crise : la pandémie oblige à réviser les textes sacrés des traités, et en particulier, ceux concernant la politique européenne de la concurrence. Pour résister au duo de la Chine-Amérique, l’urgence, là aussi la Covid-19 nous l’a montré, est de construire des champions des biotechnologies, de l’énergie, du numérique, de la santé, capables de nous armer face aux pandémies à venir. Et de faire preuve, au niveau européen de souveraineté stratégique.

Sources:

La Croix:

https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/UE-plan-relance-franco-allemand-constitue-tournant-historique-2020-05-

le Monde du 20 mai, pages 1 et 2

https://www.touteleurope.eu/revue-de-presse/revue-de-presse-la-france-et-l-allemagne-proposent-un-plan-de-relance-inedit.html